Il faisait partie du quintet sur lequel la Côte d'Ivoire et Abidjan, sa remuante capitale économique intensément politique, comptaient pour s'apaiser. Car ils s'entredéchiraient au grand malheur de leurs compatriotes. Oui, Guillaume Soro veut regagner le pays qu'il a quitté depuis trop longtemps après s'être brouillé avec le chef de l'Etat, Alassane Ouattara, dont il était si proche. Le mal le ronge et il le fait savoir de la façon qu'il peut en parlant à la presse, en échangeant avec quelques dirigeants d'Afrique de l'Ouest.
Soro était au Niger, chez Abdourahamane Tiani, le 13 novembre ; au Burkina Faso, chez Ibrahim Traoré, le 21 novembre, et le Mali d'Assimi Goita ne le priverait pas d'une visite d'amitié. Trois présidents militaires que les autres chefs d'Etat de leur espace communautaire tiennent à distance depuis qu'ils ont fait irruption sur la scène politique. La démarche de l'ex-responsable des Forces nouvelles (mouvement issu de sa rébellion depuis dissous) suscite des appréhensions non seulement dans son propre pays mais également chez les voisins. Guillaume « le conquérant », comme le désignait notre confrère Jeune Afrique dans l'une de ses livraisons, a-t-il l'intention d'entrer de force en Côte d'Ivoire ? On s'interroge.
Au demeurant, Soro semble avoir choisi de rencontrer les hôtes qui acceptent de le recevoir, attendu que dans les circonstances actuelles, il ne serait pas le bienvenu dans d'autres capitales Ouest-africaines irritées à l'idée qu'en l'espace d'un laps de temps très court, des militaires aient balayé l'un après l'autre quatre gouvernements légitimes et s'en vanter. Pourtant tout indique que Niamey, Ouagadougou et Bamako, regroupés au sein de l'Alliance des Etats du Sahel, ne sont pas en mesure de tenter une médiation en direction d'Abidjan pour aider ce dernier à regagner son pays. D'où la difficulté à discerner ses intentions.
Certes ces trois régimes de transition issus de coups d'Etat ont des relations tendues avec ceux des chefs d'Etat arrivés au pouvoir au moyen des urnes. Mais confrontés aux lourdes sanctions qui les frappent et en butte aux groupes terroristes, les officiers nigériens, burkinabé et maliens ont à coeur de recouvrer la stabilité intérieure et de nourrir leurs compatriotes. On ne les voit pas en train de fournir à l'ancien Premier ministre, ancien président de l'Assemblée nationale ivoirien, les moyens d'aller à la conquête des berges de la lagune Ebrié les armes à la main.
Tout au plus le leader de GPS (Générations et Peuples solidaires), lourdement condamné par les tribunaux de son pays pour divers « crimes », doit-il espérer que le président Alassane Ouattara entende son cri du coeur, comprenne sa soif de rentrer au pays et décide de le recevoir en dépit du fait que les putschs successifs dans la sous-région font craindre un effet domino ? Les deux hommes ont par le passé eu une relation suffisamment forte pour ne pas en garder un rare bon souvenir réparateur. Le champ politique étant aussi un champ de compromis, rien n'est écrit que le « père » et son « fils » (ils se considéraient ainsi) ne se parleront jamais plus.
Dans la décennie de la grande incertitude vécue par une Côte d'Ivoire alors vouée aux violences sociopolitiques (à partir de 2002 jusqu'à quasiment 2011), les cinq « grands » de la scène politique ivoirienne désignés ainsi par la presse abidjanaise, ce furent Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara, Charles Konan Banny et Guillaume Soro. Deux ne sont plus de ce monde. Quel héritage les trois qui sont encore en vie voudraient-ils laisser à leurs compatriotes ? L'inextricable discorde ? Le temps du pardon n'arrivera-t-il jamais ?