Afrique de l'Ouest: Sahel - Sérieux anciens et nouveaux périls

analyse

Au Sahel, alors que les anciens périls sécuritaires se perpétuent et s'étendent, en même temps, de nouveaux risques déstabilisateurs apparaissent et se propagent. Naguère objet de réelles préoccupations internationales, ces périls sont déjà marginalisés par la guerre en Ukraine et la destruction rampante du Soudan. Avec la reprise du conflit israélo palestinien, ils sont hors des titres des médias et des préoccupations des grands décideurs et autres influenceurs.

Quasiment laissé à lui-même, soit à tous les risques d'amplification et de perpétuation, le Sahel, explosive Boite à Pandore, ne saurait rester éternellement marginalisé.

Marginalisation des citoyens et des causes des conflits.

Au-delà des revendications idéologiques et des effets d'imitation, souvent sous-estimés, les véritables causes du terrorisme au Sahel ne devraient plus être ignorées. Il y a d'abord, la revendication publique, religieuse ou politique, servant plus souvent de couverture idéologique que de réalité. Il y a aussi qu'au Sahel, comme ailleurs, le terrorisme peut résulter d'une contagion liée à une guerre inter ethnique dans un état voisin et ayant des problèmes humains ou politique similaires.

Toutefois, les causes véritables de la violence armée sahélienne sont difficilement dissociables de la nature de leur gouvernance. Des gestions, avec tribalisme et régionalisme assumés et une corruption endémique. Pire, impunie. Sur ce terrain déjà propice aux explosions sociales, le terrorisme jouit d'un effet mobilisateur inépuisable.

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La région souffre de cette situation depuis plus d'une dizaine d'années. Le radicalisme n'est donc pas que religieux. Il est aussi une rébellion face à la "retribalisation" continue des pays, pratiquée par des dirigeants sous influence familiale ou en déficit de représentativité. Au Mali, Niger, Burkina Faso et bien sûr au Soudan, cette "retribalisation", désormais par les armes, est des plus évidentes. Ignorée par les partenaires extérieurs - le "politiquement correct " oblige- elle se propage ouvertement, et au mieux subtilement, à travers toute la région.

A des jeunes, nombreux et majoritairement inoccupés (candidats à l'émigration ou au terrorisme), les réseaux sociaux exposent instantanément les faiblesses et les failles des gouvernances. Ils leur offrent aussi une logistique où ils peuvent manifester leur puissance de mobilisation pour diverses causes et combats. Les pouvoirs, civils et militaires, se trouvent partout gravement remis en question. Une tragédie dans la mesure où il n'y a pas de paix durable sans leadership moderne et une gouvernance efficiente.

Gouvernances et coopérations inter - étatiques défiées.

Ouvertement, ou pas, depuis plus d'une décennie, les gouvernements sahéliens, civils ou militaires, sont fréquemment défiés. Contestés, en leurs propres seins et dans la société, sur des sujets plus familiaux ou tribaux que d'orientations politiques. Désavoués et aussi plus dangereusement combattus par des rebellions armées. Au Sahel, le terrorisme organisé et violent est désormais la forme la plus meurtrière de ces contestations structurelles.

Des états de plus en plus fracturés - suivant des appartenances régionales ou tribales - offrent des terrains favorables aux contestations civiles et rebellions armées. Souvent dénigrés, tribalisme et corruption obligent, ces états pourraient toutefois renforcer leur efficacité en matière de la sécurité des citoyens.

Sans nécessairement le vouloir, ces gouvernances, par des choix intéressés alimentent en particulier les divers trafics illicites et les migrations organisées. Des choix qui causent les guerres civiles ou, pour le moins, leur préparent des terrains propices. Précisément, la recherche de nouvelles perspectives s'impose. L'objectif est d'élaborer des politiques qui traitent les sources des contestations avant qu'elles ne deviennent structurelles telles celles qui sévissent depuis des décennies en Somalie, au Yémen et en Afghanistan.

Pour pouvoir gérer, mais d'abord prévenir ces conflits, ces gouvernances doivent être "renationalisées " à travers des pratiques qui intègrent les diverses minorités et combat la corruption. Face à des citoyens de plus en connectés à des réseaux sociaux - donc informés, ou pire, manipulés- les autorités devraient mieux gérer les multiples fractures qui divisent les sociétés sahéliennes. Plus qu'une question morale, mettre fin aux gouvernances qui maintiennent ces fractures et intégrer les populations, ethniquement ou géographiquement marginalisées, demeure un facteur de stabilité.

A ces périls déjà profondément enracinés, des solutions nationales et régionales peuvent être trouvées. A commencer par lutter contre la corruption endémique. Plus qu'un objectif moral, la fin de l'impunité en ce domaine, reste un facteur politique déterminant pour la crédibilité interne et externe des gouvernements et donc pour la paix. Cette crédibilité renforcera, sur le plan interne et externe, l'élaboration de politiques de protection de l'environnement ainsi qu'une bien meilleure gestion des villes et en particulier les capitales. L'urbanisation rapide et incontrôlée de ces capitales est par ailleurs un facteur qui attire le terrorisme.

In fine, Lié à la gouvernance des pays, le terrorisme n'est cependant pas une fatalité. Le Centre4s, comme d'autres, telle Promédiation, croit en l'avenir d'un Sahel Sahara en paix avec lui-même et prospère. Face aux anciens et nouveaux périls, sa route vers le succès se trouve dans une gouvernance inclusive, ouverte sur le monde et pratiquant la transparence.

NB Suivant le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont annoncé ce samedi 2 décembre 2023, leur départ de l'organisation du G 5 Sahel. Nous devrions revenir sur cette question.

Président centre4s.org

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