Ile Maurice: Karen Foo Kune-Bacha - «Phokeer est un partisan du MSM, il fait le jeu du MSM, c'est un agent du MSM !»

3 Décembre 2023
interview

La députée mauve, élue pour la première fois lors des dernières élections de 2019, a été expulsée cette semaine par le speaker après un désaccord avec ce dernier autour du mot «dictateur». Elle revient sans détour sur les agissements de Sooroojdev Phokeer envers les femmes notamment mais aussi sur les sujets qu'elle défend bec et ongles au sein de l'hémicycle. À savoir les femmes et les enfants.

Ce n'est pas la première fois que vous êtes expulsée du Parlement (NdlR, elle avait été 'ordered out' l'année dernière). Que s'est-il vraiment passé mardi ?

La première fois, je posais des questions sur les estimates du Budget et le speaker avait joué les goalkeeper en m'interrompant à de nombreuses reprises. Par la suite, le ministre Kailesh Jagutpal avait, lui, eu le droit de parler autant qu'il voulait. Sooroojdev Phokeer m'avait expulsée car je lui avais par la suite lancé le mot «unfair» - car c'était injuste ce qui s'était passé. Cette fois-ci, l'expulsion de mes collègues - Joanna Bérenger er Arianne Navarre-Marie - et moi-même tournait autour du mot «dictature». Mais nous n'avons fait que dire la vérité ! Ni plus ni moins.

Pensez-vous que le speaker a franchi une nouvelle ligne rouge ? Soojoordev Phokeer ne représentet-il pas un nivellement vers le bas pour le Parlement et la démocratie ?

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Depuis un moment déjà, il fait la pluie et le beau temps à l'Assemblée nationale. Les séances parlementaires sont dictées selon ses moods à lui. Mais nous, députés de l'opposition, nous avons un travail, un devoir, des comptes à rendre face à nos mandants. Il nous empêche de travailler. Sooroojdev Phokeer est un partisan du MSM, il fait le jeu du MSM, c'est un agent du MSM ! Il n'y a même pas un semblant de neutralité chez lui.

De nombreux observateurs parlent de son attitude sexiste...

C'est plus que du sexisme. Cela va au-delà du sexisme ! Et cela, alors qu'il y a à peine quelques jours nous avions célébré la Journée internationale pour l'éradication des violences faites aux femmes. Il s'adresse, à nous députées de l'opposition, de manière très irrespectueuse. Il faut d'abord respecter les autres pour être respecté en retour.

Justement lors de cette journée internationale, vous avez présenté des chiffres, montrant une augmentation du nombre de cas de violence envers les femmes. Qu'est-ce qui ne va pas ? Comment pensez-vous pouvoir renverser cette tendance ?

Avant tout, j'aimerais souligner l'importance d'avoir des femmes au Parlement. Il est important d'avoir des femmes en politique car nous aussi nous sommes «political accountable», puisque nous constituons plus de la moitié de la population de Maurice. Nous, les représentantes des femmes, oeuvrons pour que les problèmes des femmes et des enfants notamment soient abordés au sein de l'Hémicyle.

Venons-en aux chiffres maintenant; il y a beaucoup de choses qu'il faut qu'on change pour diminuer les cas de violence. Et nous le ferons dans le prochain gouvernement. Je ne peux, pour l'heure, dévoiler le manifeste électoral mais nous avons des mesures qui visent à s'attaquer à ce problème. Car il est clair que ce que fait la ministre actuelle ne marche pas et qu'elle va dans la mauvaise direction. Car l'augmentation des cas est drastique. Il faut avant tout un changement de mentalité. Nous évoluons dans un monde patriarcal où l'homme est soumis à des idées reçues. Il ne peut exprimer sa frustration et la conséquence c'est la violence envers les femmes, entre autres. Il faut aller à la source du problème et travailler là-dessus en parallèle.

Il y a eu quelque 1 500 cas d'agressions sur mineurs depuis 2019, avec seulement 23 condamnations. Vous l'avez dit vous-même au Parlement récemment, regrettant qu'il y ait un grand nombre de cas mais peu de condamnations. Pensez-vous que le ministère de l'Égalité des genres n'assume pas pleinement sa part de responsabilité dans ce dossier ?

J'ai été choquée par ces chiffres. Il faut lutter contre cette culture d'impunité, que ce soit pour les agressions sur mineurs ou dans les cas de violence domestique. Il faut rendre responsables les agresseurs et il faut aussi renforcer les lois en ce sens. On entend beaucoup d'horreur sur les enfants. Et c'est à nous, les adultes et décideurs politiques d'agir pour les protéger. C'est notre rôle. On se souvient tous de ce qui s'est passé avec ma question sur les enfants de rue. La ministre de l'Egalité des genres s'est réfugiée derrière l'argument selon lequel il n'y avait pas de définition à ce terme. Cela, au lieu d'agir et de réinsérer ces enfants. Nous au MMM nous l'avons fait dans le passé et le ferons dans le futur.

La même chose s'est passée avec les crèches illégales. La ministre était au courant du problème depuis un an avec le rapport du Public Accounts Committee mais elle n'a rien fait. Il a fallu qu'un enfant meure pour qu'elle décide enfin à effectuer des «crackdowns». La mort de cette enfant aurait pu être évitée si la ministre avait pris les actions nécessaires depuis le début.

Quel est votre avis sur la performance de Kalpana KoonjooShah en tant que ministre de l'Égalité des Genres ?

Mis à part la Children's act qui était annoncée depuis plusieurs années déjà, il n'y a pas eu grand-chose. Je laisse le soin à la population d'en juger par elle-même.

Croyez-vous que l'alliance de l'opposition - PTr-MMM-PMSD - ait de vraies chances aux prochaines législatives ?

Bien sûr. Plus que toutes les chances. C'est palpable sur le terrain. Il n'y a qu'à regarder la foule que l'alliance attire depuis sa concrétisation. Cela, alors que pour le moment, il y a une bonne partie qui a peur d'afficher sa couleur politique car ce gouvernement fait usage de répression et d'intimidation. Il y a internet maintenant, on peut tout voir et les images parlent d'elles-mêmes. Il y a l'engouement pour nous et la grogne de la population de l'autre côté. Puis, il y a aussi un sondage qui a récemment été réalisé (NdlR, celui de Synthèses-l'express) et qui est en notre faveur...

Quelle est la différence entre vous et le MSM de Pravind Jugnauth ?

(Rires) Il y en a tellement ! Jamais le pays n'a été aussi mal, que ce soit sur le plan économique - la dette publique, l'inflation délibérée, la souffrance du peuple - ou sur le plan démocratique car jamais n'a-t-on été aussi proche de l'autocratie. Aujourd'hui, notre démocratie ne tient qu'à un fil (NdlR, elle cite plusieurs extraits du rapport 2022 sur les Droits humains pour Maurice que vient de publier le département d'État américain - Bureau of Democracy, Human Rights, & Labor. Celui-ci fait notamment état de plusieurs actualités brûlantes du pays comme l'affaire Kistnen ou celle des tortures policières...)

C'est du jamais-vu à Maurice. Surtout le nombre de ministres, députés, membres du gouvernement qui sont devant les tribunaux. La différence est aussi là...

Quelle devrait être la priorité du prochain gouvernement ?

Redresser l'économie. Donner un avenir aux enfants mauriciens. Et nous avons les compétences et l'expérience nécessaires. Nous regroupons les trois plus anciens partis. Ensemble, nous pouvons redresser la situation. Tous les secteurs et les institutions sont en crise ; la santé, l'éducation... Nous sommes une équipe qui a l'énergie et l'expérience pour faire bouger les choses.

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