Ile Maurice: Caméras dans les toilettes mais pas dans les espaces de vente

3 Décembre 2023

Il l'a dit mardi lors de la conférence de presse. Il y a eu plusieurs incendies inexpliqués dans les échoppes au sein du Victoria Urban Terminal (VUT) «et l'absence de caméras de surveillance n'est pas pour aider, alors que des caméras, il y en existe mais dans les toilettes !» L'ingénieur et député Osman Mahomed évoquait les infrastructures au sein du VUT, qui a ouvert ses portes en juillet 2022 et dont une partie accueille des marchands autrefois ambulants... Bilan : manque de sécurité pour les commerçants, trois incendies, au moins deux vols, des locations mensuelles élevées, des locataires qui ont déjà quitté les lieux, et d'autres qui pourraient le faire prochainement, comme ils l'ont confié lors de notre reportage réalisé jeudi.

Le 20 septembre de cette année, un incendie, le deuxième au même emplacement, a éclaté au premier étage du marché du VUT, détruisant un étal au fond et brûlant des marchandises. Le premier incendie s'est produit en décembre 2022 et le troisième en octobre de cette année. À ce jour, l'étal brûlé, situé à la fin du marché, reste fermé. W.S., vendeuse occupant l'étal qui a subi des dommages d'une valeur de plus de Rs 100 000, n'a pas été en mesure de reprendre le travail, ce qui l'a plongée dans un gouffre financier.

Par ailleurs, la plupart des activités étant axées sur les premières rangées, le reste du lieu est désert et silencieux, et la plupart des échoppes doivent fermer tôt, car les ventes ne décollent pas. On constate qu'il est difficile de circuler longtemps sous une chaleur accablante dans le lieu enfermé, avec seulement quelques ventilateurs dans les rangées sises dans les coins et un manque général d'aération. Difficile d'atteindre les étals les plus éloignés - petits, fermés et construits en grilles métalliques et en tôles - car ils sont nombreux, et l'endroit ressemble à un labyrinthe. Autre constat jeudi : il n'y a toujours pas de caméras de vidéosurveillance dans ce lieu, où que ce soit autour des étals. Malgré les multiples demandes des commerçants. Mais à l'entrée des toilettes des dames, il y en a bien une...

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Un marchand raconte que l'absence de caméras de vidéosurveillance dans les locaux a rendu les choses extrêmement compliquées au fil des mois. «Lors du deuxième incendie, en l'absence de personnel de sécurité, un autre vendeur a essayé de maîtriser le feu avec un extincteur. Le personnel de sécurité n'est arrivé que plus tard car il ne savait pas où l'incendie s'était produit en raison de l'absence de caméras de vidéosurveillance. Plus tard, avec leur aide et celle des pompiers, le feu a été maîtrisé. À chaque fois qu'il y a des incendies, personne ne sait pourquoi ni comment cela est arrivé en raison de l'absence de caméras (...)»

Un autre vendeur raconte qu'un homme a volé des vêtements... «Nous nous sommes regroupés et nous l'avons attrapé.» Notre interlocuteur, qui parle sous le couvert de l'anonymat pour «ne pas être confronté à des représailles pendant qu'il gagne sa vie», poursuit : «Nous l'avons remis à un employé de la sécurité. Ensuite, ce dernier est venu, et lorsqu'on lui a demandé où le voleur avait été conduit, on nous a dit qu'il s'était échappé. Bé ki kalité sékirité ena ?» Un jeune gérant d'un étal de fruits de mer surgelés témoigne : «Lorsque je suis arrivé le matin, j'ai vu que la serrure du frigo était cassée et qu'il manquait des produits alimentaires. J'ai ensuite constaté que la grille métallique au-dessus était brisée. Maintenant, je l'ai scellée avec une chaîne et j'ai installé mon propre appareil de surveillance dans mon étal.» Les deux personnes déplorent que la police ne puisse pas enquêter sur les vols en raison du manque de caméras.

De son côté, la direction de VUT, qui a organisé une séance de formation, animée par son équipe Health and Safety et des représentants du Mauritius Fire and Rescue Service, destinée aux commerçants du marché le 21 novembre 2023 pour les sensibiliser aux règles de bonne conduite et améliorer la collaboration, affirme que «nous sommes actuellement en train d'installer des caméras de vidéosurveillance sur l'ensemble du marché. Le contrat a déjà été attribué à un prestataire de services. Les travaux ont déjà commencé et devraient être achevés d'ici la fin de l'année».

(Constat jeudi : il n'y a toujours pas de caméras de vidéosurveillance autour des étals. Mais à l'entrée des toilettes des dames, il y en a bien une...)

Ajoutant que les incendies ainsi que les cas de vols sont «regrettables», la direction du VUT précise que celui-ci détient un certificat incendie en bonne et due forme, valable jusqu'au 1er juin 2024, et espérant que l'installation de caméras mettra fin aux problèmes de sécurité. Toujours selon la direction du VUT, les causes des incendies sont inconnues selon les différents rapports des pompiers. Nous avons également sollicité le Police Press Office pour des développements concernant leurs enquêtes. Une réponse est toujours attendue.

Ventes insuffisantes et dettes énormes

Dans les échoppes les plus en retrait, les marchands se lamentent d'être exclus, la clientèle prenant rarement la peine de se rendre 'là-bas', tout au fond... Au deuxième étage, la situation est pire : beaucoup de commerçants ont déjà abandonné leurs étals, les quelques vendeurs restants luttent pour attirer les clients et attendent d'être transférés au premier étage. «J'attends qu'un étal situé au milieu ou à l'avant se libère pour pouvoir demander à la municipalité de me l'attribuer», explique une vendeuse. Avec des ventes quasi inexistantes et l'inflation galopante, le paiement mensuel de Rs 4 000 à la municipalité peut s'avérer un véritable cauchemar. «Bouku inn kité akoz pa kapav payé. Péna klian. Certains marchands puisent dans leur pension ou dans leurs dépenses personnelles. Ceux qui ne peuvent pas le faire reçoivent des avis et font le va-et-vient dans les tribunaux», nous dit-on.

Si les ventes étaient déjà en berne après le Covid et en raison de la localisation de son étal, l'incendie en a encore aggravé la situation, la rendant incapable de payer sa location mensuelle depuis des mois, renchérit W.S. Depuis, elle n'a pu reprendre le travail et a fait le tour du tribunal, s'est vu servir des avis de paiement et, si elle n'y parvient pas, pourrait faire l'objet d'un mandat d'arrêt, confie un proche. D'autres doivent des sommes allant jusqu'à Rs 32 000 voire Rs 40 000.

(Trois incendies ont éclaté au marché du VUT en moins d'un an.)

Par ailleurs, Osman Mahomed confie que les commerçants qui, auparavant, gagnaient suffisamment pour aider les autres, doivent maintenant demander une aide financière parce qu'ils ne sont pas en mesure de gagner leur vie et de payer le loyer. «Le lieu a été construit, avec des facilités telles que la concession sur le prix annuel du bail au consortium gestionnaire, dans le but principal de relocaliser les marchands ambulants. Idéalement, avec 1 000 étals, les revenus générés grâce à ces commerçants devaient être de Rs 48 millions par an. Nous nous attendions à ce que les commerçants soient traités correctement (...) ils ont fait le déplacement dans la période postCovid, qui était en soi difficile. J'ai proposé en 2022 qu'une période moratoire leur soit accordée mais rien n'a été fait.»

Aydar Rayman, président de la Street Vendors Association, se dit favorable à la réunion qui s'est tenue récemment et aux mesures de sécurité qui seront prises prochainement. Il confie toutefois qu'il est «un peu déçu par les autorités car en termes de paiements de loyers, aucune facilité ou période moratoire n'a été allouée aux marchands». Nous avons essayé de joindre le lord-maire de Port-Louis par téléphone, en vain.

S'il y avait un total de 1 474 marchands ambulants enregistrés, pour les 1 000 étals de la VUT, 800 avaient exprimé leur intention de se relocaliser. Mais au fil du temps, beaucoup ont déserté les lieux. Pour ceux qui restent, parmi les discours sur le développement, les déceptions multiples, il reste un peu d'espoir que les choses puissent changer cette fois-ci, malgré beaucoup de scepticisme. Si ce n'est pas le cas, «nous quitterons cet espace après le Nouvel An», confient de nombreux commerçants...

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