Afrique: Le PEPFAR est un phare pour le monde

Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l'Organisation Mondiale de la Santé
4 Décembre 2023
tribune

Il y a vingt ans, George W. Bush, alors Président des États-Unis, lançait le Plan présidentiel d'urgence pour la lutte contre le sida (PEPFAR). Lorsque j'ai pris mes fonctions de Ministre de la santé de l'Éthiopie, j'ai utilisé les fonds de ce programme pour sauver des vies et faire reculer l'épidémie de VIH  qui balayait mon pays et une grande partie du continent. Le leadership dont ont fait preuve les États-Unis par l'intermédiaire du PEPFAR a contribué à infléchir la course du VIH en Afrique.

Deux décennies plus tard, et aujourd'hui comme Directeur général de l'Organisation mondiale de la Santé, j'ai pu constater l'impact qu'a le PEPFAR dans le monde entier et en particulier en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Les statistiques sont impressionnantes : en vingt ans, le programme a sauvé 25 millions de vies et permis à 20 millions de personnes vivant avec le VIH d'entamer un traitement antirétroviral et à 5,5 millions de bébés de naître sans le VIH.

Du reste, cinq pays d'Afrique subsaharienne – qui ont été particulièrement touchés – sont désormais en passe d'atteindre les objectifs mondiaux ambitieux : 95 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut, 95 % des personnes ayant eu un diagnostic positif pour le virus bénéficient d'un traitement et 95 % de toutes les personnes recevant des médicaments vitaux verront leur charge virale supprimée d'ici 2025.

Cependant, il se pourrait bien que toutes ces avancées soient désormais en péril.

La hausse du coût de la vie, les nouveaux conflits et la crise climatique mettent en tension l'aide au développement. Cette situation assèche les financements et diminue l'intérêt pour des programmes comme le PEPFAR qui ont eu un tel impact sur des millions de personnes dont le lieu de naissance ne détermine plus la condamnation à une mauvaise santé et à une mort prématurée.

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Tandis que les représentants du peuple américain débattent de la possibilité de prolonger l'autorisation du PEPFAR ou non pour les cinq prochaines années, il est utile de réfléchir à l'héritage de ce programme historique pour le VIH et, plus largement, pour la santé mondiale.

Dans les années 1980, le VIH était une condamnation à mort pour les personnes qui le contractaient. Cependant, au milieu des années 1990, de nouvelles associations thérapeutiques puissantes ont été mises au point et ont radicalement changé le cours de la maladie et de l'épidémie mondiale. Du fait des règles qui régissent les brevets, ces médicaments étaient dans une très large mesure hors de portée des personnes vivant dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, ce qui s'est traduit par des millions de décès inutiles et 14 millions d'orphelins dans le monde.

Les médias se sont intéressés à une épidémie mondiale mortelle, à la baisse de l'espérance de vie en Afrique et aux menaces qui pesaient sur les économies et la sécurité sanitaire. Si l'on y ajoute le plaidoyer de plus en plus présent de la part de certains mouvements citoyens, tout cela a incité la population américaine à demander que quelque chose soit fait. C'est ainsi que les législateurs des deux bords ont laissé de côté les considérations politiciennes et ont pris des engagements en faveur de l'un des programmes de santé les plus ambitieux jamais tentés.

Deux décennies plus tard, le bilan du PEPFAR en termes de vies sauvées et d'infections prévenues est une véritable source de fierté pour la population et le monde politique, de quelque bord qu'ils soient.

Les investissements consentis par le PEPFAR continuent d'avoir un rôle mobilisateur et révolutionnent non seulement la lutte contre le VIH, mais aussi la façon dont les pays fournissent des services de santé. Le PEPFAR ne s'est pas contenté de mettre à disposition les fonds nécessaires à l'achat de tests et de traitements vitaux ; il a aussi investi en faveur des systèmes et des infrastructures nécessaires pour faire en sorte qu'ils parviennent aux personnes qui en ont besoin.

Cette démarche a permis de réduire considérablement le nombre d'infections par le VIH, mais aussi les décès dus au paludisme et à la tuberculose. Elle a également fait chuter le nombre de mères et de bébés qui meurent pendant l'accouchement.

L'OMS collabore avec les pays pour s'appuyer sur ces réalisations. C'est ainsi qu'elle a certifié l'élimination de la transmission du VIH de la mère à l'enfant dans 16 pays. D'autres pays africains rehaussent leurs efforts et mettent tout en œuvre pour atteindre des objectifs ambitieux d'élimination.

Les progrès réalisés à l'échelle mondiale dans la lutte contre le VIH sont solides grâce au PEPFAR et au soutien bilatéral qu'il accorde aux pays et aux ministères de la santé. Les données disponibles ont été utilisées à bon escient et avec précaution pour mesurer l'incidence et la mortalité et déterminer les populations laissées pour compte. L'intégration de ces données dans les programmes de santé a permis de s'assurer que les ressources sont en très grande partie dirigées vers les personnes les plus à risque, ce qui est essentiel pour infléchir la courbe des nouvelles infections.

L'impact mondial du PEPFAR n'a jamais été aussi manifeste. Les taux de dépistage et de traitement ont augmenté et le nombre de nouvelles infections à VIH n'avait jamais été aussi bas en 2022 depuis des décennies, les baisses les plus importantes concernant les pays et les régions où la charge de morbidité du virus est la plus élevée.

Cependant, de nombreuses personnes commencent encore un traitement trop tard et meurent à cause du VIH, souvent sans en parler à leurs amis et à leur famille en raison de la stigmatisation et de la discrimination auxquelles une telle révélation les exposerait. Le nombre de nouvelles infections chez les enfants n'a pas diminué aussi rapidement que nous l'espérions et il existe des disparités marquées parmi les principales communautés à risque. Il n'en demeure pas moins que les innovations permettant de surmonter certaines de ces difficultés, à l'instar de l'autodépistage du VIH, de la prévention à action prolongée et des différentes options de traitement, gagnent en accessibilité et l'on constate un nouvel élan pour mettre fin au sida chez les enfants.

Lorsque le Président Bush a lancé le PEPFAR, l'objectif d'une génération sans sida semblait totalement invraisemblable. Il est désormais très concret et réalisable.

Le PEPFAR a été un moteur de l'action menée contre une menace mondiale qui pesait sur la santé publique, mais il a aussi donné un signe d'espoir et de solidarité du peuple américain envers ses frères et sœurs du monde entier. Aujourd'hui, le leadership des États-Unis reste plus crucial que jamais.

En renouvelant l'autorisation du PEPFAR, les législateurs enverraient un signal clair au monde pour dire que les États-Unis restent déterminés à mettre fin au sida et à garantir un monde sûr et en bonne santé pour tous. Bâtir des ponts entre les différents bords politiques a changé le cours de l'épidémie mondiale de sida. Préserver cette démarche bipartisane constitue notre meilleur espoir de pouvoir un jour reléguer cette maladie dans les livres d'histoire.

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