Des acteurs politiques et universitaires sont montés au créneau pour alerter sur la nécessité d'une refondation du modèle démocratique sénégalais sur la base des conclusions des Assises nationales et des recommandations de la Commission nationale de réforme des institutions (Cnri). S'exprimant le samedi 2 décembre, lors du séminaire de partage des conclusions des Assises nationales et des recommandations de la Commission nationale de réforme des institutions (Cnri), initié depuis le 25 novembre dernier par le site d'information « SenePlus » en partenariat avec des mouvements citoyens, « Demain Sénégal » et Sursaut citoyen », ils ont déploré la crise persistance de la démocratie sénégalaise.
Les rideaux sont tombés le samedi 2 décembre dernier sur le séminaire de partage des conclusions des Assises nationales et des recommandations de la Commission nationale de réforme des institutions (Cnri), initié depuis le 25 novembre dernier par le site d'information « SenePlus » en partenariat avec des mouvements citoyens, « Demain Sénégal » et Sursaut citoyen ».
Lors de cette dernière rencontre modérée par Élisabeth Dior Fall Sow, première femme procureure de la République au Sénégal, et qui a vu la participation de plusieurs candidats déclarés à la prochaine présidentielle du 25 février, les panelistes du jour, Mamadou Lamine Loum, ancien Premier ministre, Moussa Mbaye, le Pr Abdoulaye Dièye, son collègue Penda Mbow et Mamadou Ndoye, ancien Sg de la Ld, sont revenus sur les enjeux majeurs de la présidentielle de 2024 sous l'angle des Assises nationales et les recommandations de la Cnri. Dans leurs interventions, ces acteurs politiques et universitaires ont rappelé à l'endroit des candidats l'urgence d'une refondation du modèle démocratique sénégalais sur la base des conclusions des Assises nationales et des recommandations de la Cnri pour restaurer les équilibres et sauver la démocratie sénégalaise.
Ainsi, dans son intervention, l'ancien Premier ministre Mamadou Lamine Loum a déploré la persistance des tensions au sein de la classe politique sénégalaise qui, selon lui, « est passée d'une situation d'opposition politique sur le terrain à celle de neutralisation d'adversaires politiques ». Poursuivant son propos, il a indiqué que cette situation de tension est alimentée par la rupture de l'équilibre des acteurs politiques sur la règle du jeu électoral du fait de l'introduction sans concertations préalables de certaines réformes.
Sous ce rapport, il a cité entre autres le système de parrainage, la suppression du poste de Premier ministre sans discussions après la présidentielle 2019, l'acte 3 de la décentralisation, l'introduction du principe électeur dans le code électoral et les procès ciblés contre des candidats de l'opposition susceptibles de menacer à la veille de chaque élection présidentielle depuis 2019. Mais aussi de la politisation à outrance de l'administration publique favorisée par la suppression de toutes les dispositions interdisant aux fonctionnaires de certains corps de l'Etat de faire de la politique. Abondant dans le même sens, le professeur Penda Mbow, enseignante-chercheuse de l'Histoire du Moyen âge musulman et Occidental à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar a insisté sur l'impératif d'appliquer les conclusions des Assises nationales afin de « retrouver le consensus qui est perdu depuis un moment ».
« Le modèle démocratique du Sénégal n'est plus adapté face aux nouvelles exigences. Tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains du chef de l'Etat. Il est impératif d'appliquer les conclusions des Assises nationales afin de retrouver le consensus qui est perdu depuis un moment. Les Assises permettent de conquérir et construire notre souveraineté, on a besoin de construire les équilibres sociaux, ethniques, le leadership dont le nombre impressionnant de partis politiques et de candidats à la présidentielle en est la parfaite illustration. », a-t-elle indiqué.
Pour sa part, Mamadou Ndoye dit rêver de voir demain la possibilité donnée au citoyens sénégalais de porter plainte contre un ministre qui, après son travail, rentre chez lui avec son véhicule de fonction et son chauffeur. En effet, selon lui, le citoyen comme cela se fait dans beaucoup de pays, doit pouvoir exercer un contrôle sur l'utilisation qui est faite des ressources financières de l'Etat mises à la disposition des fonctionnaires. Confortant cette idée d'une reconstruction du modèle démocratique sénégalais sur la base des conclusions des Assises nationales, la doyenne du Parquet sénégalais, Élisabeth Dior Fall Sow alerte sur la situation actuelle du Sénégal qui, selon elle, est marquée par « une déchirure sociale grave qu'on n'a jamais connue avec un Etat qui ne respecte pas les décisions de justice. Mais aussi où les droits des citoyens ne sont pas respectés ».
Auparavant, prenant la parole, pour aborder les conclusions des Assises nationales et des recommandations de la Commission nationale de réforme des institutions sous l'angle de la justice et de l'Etat de droit, le Pr Abdoulaye Dieye a plaidé le rééquilibrage des pouvoirs avec le renforcement des pouvoirs législatif et judiciaire pour permettre aux députés et aux magistrats de faire librement leur travail sans aucune contrainte. Revenant sur la question de l'indépendance de la justice, il a rappelé que les Assises nationales et la Cnri avaient suggéré la redéfinition des relations entre le parquet et le ministre de la Justice et la mise sur pied d'un comité ad hoc chargé de la gestion des carrières de magistrats.
Toujours dans ce domaine de la justice et de l'Etat de droit, le professeur de Droit public à la Faculté des Sciences juridiques et politiques (Fsjp) de l'université Cheikh Anta Diop de Dakar a préconisé la « consolidation de l'Etat de droit par la mise en place d'une Cour constitutionnelle avec des pouvoirs plus larges à la place de l'actuel Conseil constitutionnel mais aussi le renforcement du dispositif des droits civils et libertés par la mise en place du juge des libertés pour contrecarrer l'opposition du parquet aux demandes de libertés conditionnelles. Ainsi que le rapprochement du juge de l'excès des pouvoirs des populations par la création de ce poste au niveau des tribunaux d'instance.