Afrique de l'Ouest: Appel à la libération de Bazoum - Niamey se pliera-t-elle aux injonctions de la CEDEAO ?

4 Décembre 2023
analyse

Alors que les relations entre la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et le Niger semblent au plus mal, le Nigéria, qui assure la présidence tournante de l'institution d'Abuja, a appelé, le 3 décembre dernier, les militaires au pouvoir à Niamey, à libérer le président déchu, Mohamed Bazoum, et à l'autoriser à quitter le pays pour s'exiler à l'étranger.

Une conditionnalité qui se veut un préalable à toute discussion sur la levée des sanctions économiques et financières de l'organisation sous-régionale, qui pèsent lourdement sur les Nigériens.

De là à voir derrière la voix de la présidence en exercice de la CEDEAO, celle de l'institution dont le géant anglophone d'Afrique de l'Ouest abrite le siège, il y a un pas que l'on pourrait vite franchir.

D'autant que dans la crise actuelle qui cristallise toutes les attentions, il n'y a toujours pas de cadre formel de dialogue entre la CEDEAO et les tombeurs de Mohamed Bazoum visiblement bien décidés à assumer leur coup de force.

Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'aux termes de cet appel à la libération du président déchu, l'éventualité de la levée des sanctions de la CEDEAO ne semble plus une ligne d'horizon pour autant que les militaires au pouvoir à Niamey, acceptent d'en remplir les conditionnalités.

La présentation par la nouvelle ambassadrice du pays de l'Oncle Sam, de la copie figurée de ses lettres de créances au gouvernement de la transition nigérienne est pleine de symbole et de signification

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La question qui se pose est de savoir si la junte qui ne cesse de dénoncer la lourdeur et l'iniquité des mesures de représailles de l'organisation ouest-africaine, se pliera à ses injonctions dans l'espoir d'un allègement de ces sanctions étouffantes, à défaut de leur levée totale.

La question est d'autant plus fondée qu'au regard de la situation et des tensions qui ont poussé la CEDEAO à hausser plusieurs fois le ton, tout porte à croire que Mohamed Bazoum est un prisonnier exquis pour le Général Tchiani et ses compagnons d'armes.

D'autant plus que même si elle paraît de plus en plus improbable, l'option de l'intervention militaire pour le rétablissement de l'ordre constitutionnel au Niger, reste toujours dans les tuyaux. Et rien ne dit qu'un éventuel départ de Mohamed Bazoum en exil, signifierait un renoncement à son fauteuil présidentiel.

D'autant que de son côté, la Cour de Justice de la CEDEAO est attendue sur la plainte du président déchu dont les avocats ont demandé la libération avec les membres de sa famille, et le rétablissement dans ses fonctions afin qu'il termine son mandat.

C'est dire si la situation attend encore de se décanter davantage pour les putschistes du 26 juillet dernier en quête de reconnaissance internationale et qui voient, chaque jour qui passe, leur pouvoir s'enraciner davantage à Niamey.

Comment peut-il en être autrement quand dans ce contexte d'isolement du Niger sur la scène internationale, une puissance occidentale comme les Etats-Unis d'Amérique, qui ont reconnu et condamné le coup d'Etat, continuent d'entretenir des relations avec la junte au pouvoir à Niamey, là où la CEDEAO et ses partenaires occidentaux, ont opté pour l'isolement du pays ?

Toujours est-il que la présentation, pas plus tard que le 2 décembre dernier, par la nouvelle ambassadrice du pays de l'Oncle Sam, de la copie figurée de ses lettres de créances au gouvernement de la transition nigérienne, est pleine de symbole et de signification.

Car, au-delà de la reconnaissance des nouvelles autorités, c'est une volonté affichée de Washington de maintenir sa coopération qui sonne comme une victoire diplomatique et politique pour la junte militaire nigérienne qui peut à présent attendre de voir venir les choses.

Car, on peut aussi penser que le Général Tchiani et ses frères d'armes ont besoin de se rassurer qu'il n'y a pas de piège derrière cette proposition de levée conditionnelle des sanctions, qui peut paraître alléchante.

Autant de faits qui amènent à se demander si les putschistes nigériens prendront cette proposition comme une perche tendue par la CEDEAO en vue d'une sortie de crise, ou s'ils préféreront garder Mohamed Bazoum sous leur surveillance, en attendant de voir ce qui sortira du prochain sommet des chefs d'Etats de la CEDEAO, prévu pour se tenir le 10 décembre prochain, dans la capitale fédérale du Nigeria.

La CEDEAO malgré les critiques, est loin de renoncer à son rôle de gendarme de la démocratie en Afrique de l'Ouest

En tout état de cause, après quatre mois de tiraillements sans avancée notable, il est temps de créer un cadre formel de négociations pour donner plus de lisibilité à la transition nigérienne. Cela est d'autant plus nécessaire qu'après les premières sanctions sur fond de menaces d'intervention militaire, le dialogue semble rompu entre les militaires nigériens et l'organisation communautaire.

Il y va de l'intérêt de tous. A commencer par la CEDEAO qui, malgré les critiques, est loin de renoncer à son rôle de gendarme de la démocratie en Afrique de l'Ouest. Et qui tient à garder un oeil ouvert sur les transitions en cours dans son espace géographique.

Ensuite, les nouveaux maîtres de Niamey qui ne rêvent que de desserrer l'étau des sanctions de l'organisation sous-régionale dont le poids et les effets induits se font durement ressentir sur les populations.

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