Le PAM et ses partenaires s'efforcent de faire en sorte qu'elles n'aient pas à choisir entre la faim et la violence sexuelle.
Dans le nord-est de la République démocratique du Congo, ravagé par le conflit, Florence Mapendo, 27 ans, est confrontée chaque jour à un choix déchirant : la faim ou la violence. "Trouver de la nourriture est la partie la plus difficile", dit-elle à propos de la quête risquée pour s'assurer que ses quatre enfants puissent manger au camp de Bweremana pour les personnes déplacées par le conflit, dans la province du Nord-Kivu de la RDC.
Dans cette région de collines verdoyantes, d'une beauté stupéfiante mais mortelle, les femmes comme Florence sont souvent attaquées lorsqu'elles s'aventurent dans les champs entourant le camp, à la recherche de nourriture et de bois. C'est un dilemme déchirant, qui dresse un portrait sombre d'une région où la souffrance est devenue une réalité quotidienne.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) et d'autres agences humanitaires constatent que la violence sexiste est en forte augmentation dans l'est de la RDC. Rien qu'entre janvier et août, quelque 46 000 cas ont été signalés en Ituri et dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu.
Les femmes et les jeunes filles déclarent avoir recours à la prostitution forcée pour survivre, gagnant à peine un dollar par jour.
Cette augmentation alarmante s'explique par un ensemble de raisons : des relations très inégales entre les hommes et les femmes aux conditions de vie dangereuses, en passant par la faim et la pauvreté, aggravées par l'insuffisance de l'aide humanitaire par manque de fonds. En outre, les conflits et les problèmes de sécurité rendent souvent inaccessibles les sites assistés par le PAM dans le Nord-Kivu et l'Ituri, ce qui entraîne de fréquentes perturbations dans la livraison de l'aide alimentaire. Ensemble, ils obligent les femmes à prendre des risques pour subvenir aux besoins de leur famille.
La réponse d'urgence ne suffit pas
"Nous avons besoin d'une approche intégrée pour lutter contre la violence sexiste, déclare Veerle Triquet, responsable de la protection du PAM en RDC. "La réponse d'urgence actuelle dans les camps de déplacés, qui consiste à fournir de la nourriture, n'est pas suffisante.
Le PAM et ses partenaires tentent de mettre en place une telle stratégie globale et intégrée. Elle vise à combiner la fourniture d'une aide alimentaire et nutritionnelle essentielle du PAM avec de l'eau propre et une bonne hygiène - et à s'attaquer aux facteurs sous-jacents qui exposent les femmes et les filles au risque de violence sexuelle.
Le fait de combiner des activités génératrices de revenus avec l'aide alimentaire du PAM, par exemple, permet aux femmes d'acheter des produits de première nécessité sans avoir recours à la prostitution - ou de se rendre dans des zones à haut risque, où des acteurs armés peuvent être présents, pour chercher de la nourriture, de l'eau et du bois à vendre.
La mise à disposition d'espaces sûrs pour dormir et d'un éclairage adéquat pour les femmes et les filles qui utilisent les salles de bain la nuit sont d'autres moyens d'assurer leur sécurité.
"Nous devons faire en sorte que notre assistance se chevauche, afin que les familles aient accès à des formations, à des cours d'alphabétisation et à une éducation nutritionnelle", ajoute M. Triquet. "Ces compétences transférables peuvent permettre aux femmes d'identifier des moyens sûrs de répondre aux besoins de leur famille et les aider à prendre confiance en elles dans la dignité.
Le PAM travaille également avec des partenaires humanitaires et des groupes de femmes de la société civile pour prévenir la violence sexiste et garantir un accès sûr à l'aide alimentaire d'urgence.
Mais le PAM et l'ensemble de la communauté humanitaire sont confrontés à un manque de financement, ce qui rend difficile la mise en oeuvre d'une stratégie de prévention globale ou l'accès des victimes de la violence sexiste à une nourriture suffisante, à un soutien médical et psychosocial, à la justice et à d'autres droits essentiels.
L'assistance s'épuise
L'histoire de Florence reflète celle de nombreuses femmes du nord-est de la RDC. Son calvaire a commencé en octobre 2022, lorsque des combattants armés ont pris d'assaut son village de Buhambwe, dans la province du Nord-Kivu. "Nous avons fui lorsque les combats sont devenus de plus en plus intenses", se souvient-elle.
Elle et ses enfants sont partis de nuit, faisant un voyage à pied d'une journée jusqu'à Bweremana. Le PAM offre une aide alimentaire à la plupart des 56 000 habitants du camp de déplacés, situé à cheval sur les provinces du Nord et du Sud-Kivu.
Si Florence a désormais un abri, ses inquiétudes sont loin d'être dissipées. La sécurité et la santé de ses quatre filles, âgées de 12 à 6 mois, sont désormais sa principale préoccupation. L'aide financière du PAM, qui s'élève à 87 dollars par mois pour la famille, est la bienvenue.
Mais comme le PAM est confronté à une grave pénurie de fonds pour ses opérations en RDC, nous avons été contraints de réduire considérablement notre aide, et nous fournissons maintenant un soutien réduit à moins de personnes - et sur une période de temps plus courte.
Un matin récent, Florence fait la queue avec des dizaines d'autres femmes, dont beaucoup portent des enfants en bas âge, et toutes attendent patiemment de recevoir leur argent du PAM. Elle a planifié ses achats avec soin, s'assurant de pouvoir acheter de la nourriture comme du riz, de l'huile et des légumes, mais aussi des médicaments pour sa fille malade.
"Mes enfants n'auront pas faim. Du moins, pas pendant quelques semaines", affirme Florence. Mais elle envisage déjà le jour où la nourriture du PAM viendra à manquer.
En savoir plus sur le travail du PAM en RDC: https://www.wfp.org/stories/eastern-drc-women-and-girls-pay-high-price-ongoing-conflict
Le PAM tient à remercier l'Allemagne, la Belgique, le Canada, la Corée du Sud, les États-Unis, la France, le Japon, le Luxembourg, la Norvège, les Nations Unies (CERF), la Suède, la Suisse et l'Union européenne (ECHO) pour le soutien qu'ils apportent à son action en RDC.
Entre janvier et octobre 2023, le PAM a aidé près de 3 millions de personnes dans trois provinces de l'est de la RDC, notamment en fournissant des vivres et de l'argent, ainsi qu'une aide nutritionnelle et aux moyens de subsistance, aux femmes et aux filles. Mais nous avons besoin de 546 millions de dollars pour maintenir notre réponse d'urgence dans la région au cours des six prochains mois. Dans le cas contraire, nous devrons réduire considérablement notre aide.