Guinée Bissau: Les narcotrafiquants et les coups d'Etat en Guinée-Bissau

4 Décembre 2023

L'ombre des narcotrafiquants plane derrière les coups d'Etat. Malam Bacai Junior, fils de l'ex-président, serait proche des réseaux de trafic de cocaïne.

Une demi-surprise dans un pays considéré comme la porte d'entrée du trafic de cocaïne sur le continent africain. Des informations révélées par une enquête de médias allemands à laquelle la DW a eu accès.

Pour comprendre comment le fils de l'ancien chef d'Etat a voulu renverser le président de son pays, il faut remonter au 27 novembre 2021, deux mois avant la tentative de putsch.

Nous sommes alors à Francfort-sur-le-Main, dans l'ouest de l'Allemagne.

Un véhicule se dirige vers une pizzeria, on y parle de "grosses affaires". À bord, des marchands de drogue présumés de la mafia calabraise Ndrangheta. Parmi eux, aussi, celui que les Calabrais appellent "Il Politico", le politicien.

Il s'agit de Malam Bacai Junior, fils de l'ancien président bissau-guinéen, Malam Bacai Sanha, décédé le 9 janvier 2012, en France. Le véhicule est sur écoute.

Depuis des années, les enquêteurs italiens de la lutte contre la mafia, s'intéressent à deux clans calabrais dans la région de Francfort.

La police criminelle de Francfort veillait aussi au grain. Un mois plus tard, Malam Bacai Junior revient à Francfort pour une autre rencontre avec les mafieux calabrais.

Arrestation de Malam Bacai Junior

Mais, c'est en 2022 qu'il est piégé puis arrêté en Tanzanie par l'agence américaine anti-drogue.

Des conversations entre des marchands de drogue, des agents infiltrés de la DEA (l'agence antidrogue des Etats-Unis) et Malam Bacai Junior sont enregistrées et transcrites afin d'étayer l'accusation portée devant un tribunal de l'Etat du Texas contre le fils de l'ancien président bissau-guinéen.

Malam Bacai Junior y confie avoir financé le putsch grâce à l'argent du trafic de drogue. Le coup d'Etat aurait dû marcher si tout s'était déroulé comme il l'avait prévu, poursuit Malam Bacai Junior.

L'objectif était de renverser l'actuel président bissau-guinéen, Umaro Sissoco Embalo, qui, affirme le fils de l'ancien chef de l'Etat, s'en prend trop directement aux narcotrafiquants.

Le but aurait été ensuite de rétablir les habitudes du narco-État qu'était la Guinée-Bissau à l'époque de la présidence de son père, Malam Bacai Sanha, entre 2009 et 2012.

Malam Bacai Junior avait alors occupé plusieurs postes au gouvernement. Il était aussi conseiller à la présidence.

David Klaubert travaille pour le journal allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung. Il explique qu'en "lisant les documents, on comprend que Malam Bacai Junior était une personne très active dans le trafic de drogue, il vendait aussi bien de l'héroïne que de la cocaïne. On dit qu'il aurait pu servir d'intermédiaire dans des affaires entre la guérilla en Colombie, le Hezbollah au Liban et la mafia italienne".

Complicité de narco-trafiquants

L'actuel président bissau-guinéen Umaro Sissoco Embaló soutient que le putsch a bénéficié de la complicité de personnes soupçonnées d'être impliquées dans le trafic de drogue.

La Guinée-Bissau est considérée par l'ONU, comme une porte d'entrée en Afrique, de la cocaïne en provenance d'Amérique latine et à destination de l'Europe.

Marcelino Ntupé est avocat de l'ancien contre-amiral Bubo Na Tchuto, accusé lui aussi d'avoir participé au trafic de cocaïne en Guinée-Bissau.

Selon lui, "l'enquête en Guinée-Bissau est terminée. Il y a peu de chances que l'enquête du parquet soit rouverte. Jusqu'à présent, Bubo Na Tchuto était considéré comme le meneur de la tentative de coup d'Etat de février 2022. Si un nouveau meneur présumé, Malam Bacai Junior, apparaît maintenant, c'est un détail très intéressant. Mais pour mes clients, cette information arrive trop tard".

Contactés, les avocats de Malam Bacai Junior n'ont pas répondu aux questions de la DW. Le verdict dans son procès aux Etats-Unis est attendu avant la fin de l'année.

Ce samedi (02.12.2023), Umaro Sissoco Embalo, président de Guinée-Bissau, a dénoncé une "tentative de coup d'Etat" après des affrontements entre l'armée et des éléments des forces de sécurité qui ont fait au moins deux morts dans la nuit du jeudi 30 novembre au vendredi 1er décembre 2023.

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