Finalement le juge de référé-liberté du tribunal administratif a estimé illégales les réquisitions qui frappaient Issaka Lingani, Rasmané Zinaba et Bassirou Badjo et a ordonné leur suspension.
Les intéressés faisaient partie d'un groupe d'une dizaine de personnes qui avaient été enjointes d'aller au front en vertu du décret sur la mobilisation générale et la mise en garde qui dispose notamment que dans le cadre de la lutte contre le terrorisme le gouvernement a «le droit de requérir les personnes, les biens et les services». En vertu de cette disposition, tout citoyen est censé pouvoir aller se battre pour libérer le territoire.
Si dans le principe, il n'y a rien à redire, dans les faits, beaucoup ont vu dans ces réquisitions des sanctions prises essentiellement contre ceux qui étaient critiques vis-à-vis du pouvoir et du capitaine Ibrahim Traoré: défenseurs des droits de l'homme, syndicalistes, journalistes, activistes, etc.
C'est donc au regard de tout cela qu'une procédure avait été enclenchée par un collectif d'avocats agissant pour le compte de leurs clients pour faire pièce à ces décisions que beaucoup jugeaient liberticides, et ce d'autant plus qu'elles intervenaient dans un contexte marqué par le premier anniversaire du MPSR 2 et l'appel du collectif CGT-B à un meeting pour commémorer l'an 8 de l'insurrection populaire et dénoncer les restriction des libertés.
Cette décision d'hier en faveur des requérants sonne comme un camouflet pour le commandant du Commandement des opérations du théatre national (COTN), auteur des réquisitions, et même dans une certaine mesure pour les premiers responsables du pays.
Arguant de la lutte contre le terrorisme et des sacrifices que tous les Burkinabè doivent consentir pour éradiquer le fléau, les autorités n'ont eu de cesse de prendre des mesures jugées par une partie de l'opinion comme autant de tours de vis liberticides à l'image de ces réquisitions problématiques.
Maintenant donc que Lingani, Zinaba et Badjo débarquent avant même d'embarquer pour le front, cette décision fera-t-elle jurisprudence pour les autres conscrits de force à être concernés par la procédure. Telle est la question qui se pose présentement.
Une chose est sûre: à l'avenir ceux qui prennent les réquisitions feront un peu plus attention avant de viser certaines cibles présentées comme des apatrides.
Mais c'est moins le principe des réquisitions que leur application à la tête du client, ou si vous préférez du réquisitionné, qui pose problème. Ce qui devait être un acte patriotique pour lequel on se bousculerait au portillon a été dévoyé par ses initiateurs mêmes pour devenir un instrument de musellement des poils à gratter du régime. Comme de vilains garnements à qui on dirait : si vous ne restez pas tranquilles, je vous offrirai au loup.
Mais s'il faut se satisfaire d'une chose, c'est que malgré la situation du pays en raison du terrorisme et aussi de la succession de coups d'Etat, que force reste à la loi comme on dit. Et on ne peut que se satisfaire qu'on ait trouvé la solution dans un prétoire plutôt dans la rue ou ailleurs et espérer que quelle que soit l'issue de l'appel, si l'Etat décide d'en faire, que l'autorité de la chose jugée soit respectée par tous les protagonistes.