Sabine Mengue est une grande dame de la littérature, qui possède une formation plurielle, elle vient de publier un roman ''ET LES FEMMES SE SONT TUES'', c'est un roman revisite un pan de l'histoire du Cameroun post-indépendant. Camer.be l'a rencontrée pour un bref entretien. Nous vous prions de lire ici l'essentiel de cette entrevue.
Bonjour Sabine MENGUE, nous sommes heureux de vous rencontrer, la première chose que nous prendrions plaisir à vous demander pour nos lecteurs est de vous présenter.
Je suis franco-camerounaise et je vis actuellement en France. Je suis passionnée du livre depuis mon enfance. Mes premières publications publiques sont le roman historique « Et les femmes se sont tues » et le recueil de textes poétiques « Posie Berry », tous deux sortis en 2023.
Nos lecteurs aimeraient également connaître votre cursus scolaire et professionnel.
Après mes études primaires et secondaires au Cameroun, j'ai fait Théologie/philosophie et Management de projets de développement internationaux en Suisse et en France. J'ai longtemps travaillé dans le monde humanitaire et je continue dans le social jusqu'à ce jour.
Vous avez fait des études de Théologie pour vous retrouver dans le management de projets, est-ce que les deux disciplines sont liées ?
Les deux disciplines en elles-mêmes ne sont pas liées, mais les métiers qui y sont liés ont un fil conducteur : la passion pour la solidarité et la dignité de l'humain.
Vous venez de publier un premier roman « Et les femmes se sont tues.» De quelle femme s'agit-il, la femme rurale ou la femme toujours entre deux avions ?
Il s'agit de chaque femme, quelle qu'elle soit, où qu'elle soit, en tant que mère, éducatrice, gardienne de la dignité humaine.
Pourquoi les femmes se taisent-elles ?
C'est une question qu'il faut poser aux femmes elles-mêmes. Avant les indépendances et un peu après, les femmes ont joué un rôle important dans la quête des libertés, que ce soit au Soudan, en Afrique du Sud, dans l'ex-Zaïre, au Cameroun, etc. Mais dans cette période dite démocratique, la parole des femmes, face aux souffrances des populations en Afrique, se fait rare. Certes, elles sont très dynamiques dans la sphère économique, où elles ont toujours été actives par ailleurs, mais dans l'engagement citoyen et l'éducation, on peut interroger leur silence.
Puisque nous parlons de femme. Je serai tenté de vous poser cette question : est-ce que la femme africaine a-t-elle reçu tout le bénéfice qu'elle était en situation de tirer de la décolonisation ?
De mon point de vue, la femme africaine a plutôt perdu le bénéfice de la période précoloniale, sauf si l'on veut croire le narratif que d'autres nous ont imposé, qui voudrait que la femme n'ait jamais eu de valeur dans l'Afrique traditionnelle. Mais du peu de connaissances que j'ai de notre histoire, c'est l'inverse. La chosification de la femme dans le monde actuel me semble bien loin du respect que nos anciens portaient à la transmettrice de la vie, à la gardienne des valeurs, à la combattante stratège, à la conseillère. Oui, Conseillère, car lorsque les hommes disaient : « la nuit porte conseil », l'on savait que cette nuit avait un nom : la femme.
Si vous étudiez la plupart des noms que portent nos clans et lignées, ce sont des noms de femmes. La plupart de nos sociétés étaient matrilinéaires et parfois matriarcales. Cet ordre a été bouleversé par les religions importées et le système colonial. La société actuelle pourrait s'inspirer de cette structure sociétale traditionnelle, non pas pour la copier à l'identique, mais pour traduire, transformer et sublimer la place de la femme dans l'Afrique d'aujourd'hui. C'est dire que nous avons des défis à relever : déconstruire l'image que les femmes africaines ont d'elles-mêmes intégré depuis des décennies, se questionner sur notre identité authentique et nous saurons quelle place occuper, sans attendre que quelqu'un nous l'octroie.
Le seul exercice des droits de la femme ne se limite pas à ce qu'elle peut porter, à son plaisir sexuel ou à aller sur les bancs de l'école. Encore faut-il qu'elle s'implique à repenser cette école et l'éducation, l'avenir qu'elle veut pour ses enfants. Nous le voyons bien, le système éducatif dont nous avons hérité de la colonisation n'est pas adapté et viable pour une Afrique qui se veut debout et forte. Les ressources traditionnelles pourraient nous surprendre par leur ingéniosité à réinventer de nouveaux paradigmes.
Vous avez préféré écrire un roman, pourquoi pas une nouvelle ou un essai ?
La seule question que je me suis posée au moment d'écrire ce livre était : est-ce que j'ai la patience de commettre un énième livre d'histoire qu'une infime partie de la population lira en Afrique ? Alors le roman s'est imposé, parce que je voulais raconter une histoire, une histoire de famille avec ses émotions, ses turpitudes, ses joies, ses espoirs, une histoire d'amour, une histoire d'engagement citoyen, de ces milliers d'individus qui peuplent notre passé historique, qui ont consenti à des sacrifices, mais dont nous ignorons parfois l'existence.
Je découvre dans votre roman une écriture fine. Est-ce qu'on peut dire qu'il existe une écriture féminine ?
Merci de qualifier mon écriture de fine. Je pense qu'un auteur écrit avec ce qui constitue son identité, son caractère, son histoire. L'empreinte du caractère féminin se reflète forcément dans ce que l'on produit, pour autant, vous avez également des femmes qui ont un caractère masculin plus marqué et on le ressentira dans leur écriture. Je m'imagine même que cela puisse arriver qu'on soit plus « masculin » ou « féminin » selon le genre ou le sujet d'écriture.
Quelle place occupe l'écriture dans votre vie ?
Avec la lecture, l'écriture occupe une place considérable dans ma vie. J'écris tous les jours, même si ce n'est pas sur un bout de papier, un ordinateur, mon smartphone. Ça peut être dans mon esprit.
Où acheter votre livre. Avez-vous prévu des journées dédicaces ?
· Sur le site internet Africa vivre, le livre est livré partout dans le monde.
· Ensuite, on le trouve physiquement à Paris, à l'espace Diasporas, 6 rue de Tracy dans le 2e