Egypte: Présidentielle - Un scrutin pour quoi faire ?

Le Président Abdel Fattah Al-Sissi
7 Décembre 2023
analyse

Initialement prévue pour se tenir en mars 2024, et avancée de quelque trois mois, la présidentielle en Egypte a lieu du 10 au 12 décembre 2023.

En l'absence de figures emblématiques de l'opposition, dont il a travaillé en amont à empêcher les candidatures, le Maréchal Al-Sissi se retrouve face à trois challengers sans notoriété publique ni ancrage populaire et dont la participation à ce scrutin, tient du fait que leurs candidatures respectives ont reçu l'aval de l'homme fort du Caire. Lequel compte s'en servir pour donner le change à la communauté internationale dans cette consultation populaire qui relève plus de la mise en scène que d'une compétition électorale visant au renforcement de la démocratie au pays des Pharaons.

L'homme fort d'Egypte n'est pas loin de se comporter en véritable Néron des temps modernes

C'est dire si du haut de son fauteuil présidentiel, le Maréchal Al Sissi est le véritable chef d'orchestre de cette élection. Un scrutin dont il aura travaillé en amont à déblayer le terrain pour s'assurer une réélection sans coup férir. D'abord, en abattant une féroce répression sur l'opposition sur fond d'entraves multiformes dans la validation des candidatures ; toute chose qui n'a permis l'émergence de candidatures de poids.

Ensuite, en se faisant accompagner par des candidats « motards » dans une volonté manifeste de donner à cette élection sans véritable enjeu, le visage d'un simulacre de pluralisme démocratique. C'est dire si avant même le début de la compétition électorale, les dés sont déjà pipés. Et le vainqueur est connu d'avance. Dans ces conditions, avait-on encore besoin, dans le fond, d'organiser un vote ?

Autrement dit, pourquoi encore un scrutin et pour quoi ? La question a d'autant plus tout son sens que tout, dans le comportement du Maréchal-président qui se particularise par un autoritarisme à la limite de la dictature, indique sa volonté irrépressible de se maintenir au pouvoir par tous les moyens. C'est pourquoi il est permis de penser qu'il n'organise pas ces élections pour les perdre et que sa réélection ne fait pas l'ombre d'un doute.

Comment peut-il en être autrement quand on sait que l'homme fort d'Egypte n'est pas loin de se comporter en véritable Néron des temps modernes, qui mène son pays de main de maître, et qui a travaillé à tailler à sa mesure, la Constitution de son pays en vue de s'assurer la plus grande longévité au pouvoir en Egypte ? On en veut pour preuve, la modification de la Constitution à laquelle il a procédé au lendemain de sa réélection contestée en 2018.

Une révision constitutionnelle augmentant non seulement significativement les pouvoirs déjà importants du président, mais aussi allongeant le mandat présidentiel de quatre à six ans, malgré une clause interdisant toute modification de la durée et du nombre de mandats. Et ce n'est pas tout. Puisque non seulement son mandat en cours s'en est trouvé prolongé de deux ans, mais aussi et surtout, cette révision de la loi fondamentale permet exceptionnellement au président Al-Sissi d'effectuer un troisième mandat malgré la clause limitative à deux.

Autant dire que le scrutin à venir n'a d'autre but que de remplir les formalités pour le Maréchal Al-Sissi qui, aux termes de la nouvelle loi, s'est ouvert une brèche d'éligibilité jusqu'en 2030. C'est pourquoi, avec un président qui montre un tel attachement au pouvoir et qui n'aura pas lésiné sur les moyens pour écarter ses adversaires les plus farouches, on est fondé à croire que le scrutin est plié d'avance.

Enlevant toute saveur au vote qui ne mobilisera les électeurs que pour la forme. Dans ces conditions, ne valait-il pas mieux faire l'économie de cette élection pour consacrer les fonds à d'autres priorités ? La question est d'autant moins saugrenue que le pays est aujourd'hui au bord du gouffre, avec une grave crise économique sur fond d'inflation galopante, qui se présente comme le véritable défi pour le Maréchal Al-Sissi.

La question économique apparaît de loin comme le principal enjeu de cette élection

Une détérioration accélérée d'une économie sous perfusion, qui ne met pas le pays à l'abri d'une explosion sociale. C'est dire si avec un pouvoir d'achat des populations continuellement en baisse, la question économique apparaît de loin comme le principal enjeu de cette élection dans un pays où les 2/3 de la population vivent sous, ou juste au-dessus du seuil de pauvreté.

En tout état de cause, autant la victoire paraît assurée pour le Maréchal Al-Sissi, autant on peut se demander quel sera le taux de participation et surtout, ce qu'il fera de son prochain mandat qui ne s'annonce déjà pas comme une sinécure. En rappel, le mode de scrutin est le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, avec le second tour qui se joue entre les deux candidats arrivés en tête au premier tour, au cas où aucun des candidats ne recueille la majorité absolue des suffrages exprimés.

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