Afrique: Les problèmes non résolus de l'économie mondiale

10 Décembre 2023
analyse

L'agenda économique mondial a été chargé en 2023. Le Forum politique de haut niveau des Nations unies s'est tenu au mois de juillet, axé sur le suivi des progrès en direction des Objectifs de développement durable.

Le deuxième Sommet des ODD a eu lieu en septembre, tout comme le Sommet du G20 à New Delhi, suivis en octobre par les réunions annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international à Marrakech.

Au mois de novembre, l'ONU a pris une décision importante concernant la coopération fiscale internationale. Et voici aujourd'hui que les dirigeants mondiaux sont réunis à Dubaï pour la Conférence annuelle des Nations unies sur les changements climatiques (COP28).

Parmi les leçons évidentes de ces réunions jusqu'à présent, le monde prend beaucoup trop de temps pour atteindre les ODD - en particulier les objectifs d'éradication de la pauvreté et de garantie de la sécurité alimentaire - ainsi que pour accomplir des progrès significatifs dans la lutte contre le changement climatique.

Autre enseignement, l'économie mondiale confronte les dirigeants politiques à de multiples risques : en 2022, l'augmentation de l'inflation a entraîné des hausses rapides des taux d'intérêt dans de nombreux pays, ce qui, associé à une dette publique croissante, a limité la capacité des Etats à mener une politique budgétaire expansionniste pour contrer le ralentissement de la croissance. Bien que l'inflation diminue, des taux d'intérêt élevés et une croissance plus lente persistent.

Parmi les mesures qui ont été proposées lors des réunions de cette année, trois se distinguent. Premièrement, le financement du développement international doit être considérablement élargi.

Deuxièmement, les pays en voie de développement ont besoin de plus de soutien leur permettant de contribuer à la fourniture de biens mondiaux, en particulier dans la lutte contre les pandémies planétaires et le changement climatique, ainsi que de gérer les effets des perturbations économiques internationales.

Troisièmement, un type de soulagement doit être apporté aux pays fortement exposés au risque de surendettement - une catégorie qui inclut au moins un tiers des économies en voie de développement.

Peu de décisions ont été prises sur la manière d'atteindre ces objectifs, mais un consensus semble se dégager autour de quelques idées. En particulier, les banques multilatérales de développement (BMD) doivent élargir leur rôle traditionnel de soutien aux projets d'investissement des pays en voie de développement, dans le domaine du développement social et des infrastructures, pour promouvoir les biens publics mondiaux. Cela nécessite des financements concessionnels, y compris pour les pays à revenu intermédiaire et les investissements du secteur privé soutenus par ces institutions.

Par ailleurs, les pays fortement endettés doivent pouvoir accéder à des lignes de crédit nouvellement créées, et pouvoir éventuellement bénéficier d'une suspension du service de la dette, voire d'une réduction de leurs passifs en temps de crise.

Parallèlement aux BMD, le FMI doit apporter sa contribution par le biais de mécanismes de financement spéciaux tels que la Facilité pour la résilience et la durabilité ainsi que la Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance, qui ont été créées pour financer les pays en voie de développement au moyen des droits de tirage spéciaux (l'actif de réserve du FMI) non utilisés des pays développés. Des fonds similaires peuvent être mis en place pour canaliser les DTS non utilisés en direction de certains pays, par l'intermédiaire des BMD.

Certaines des propositions les plus intéressantes concernent la réforme de la Banque mondiale. Un élément clé de la Feuille de route pour l'évolution formulée par l'institution réside dans le renforcement de sa capacité financière au moyen du capital existant, éventuellement complété par des ressources provenant d'institutions privées, ainsi que par une utilisation plus active des garanties de crédit.

Ces propositions posent néanmoins deux problèmes. Premièrement, elles nécessitent des ressources importantes. Si les institutions internationales doivent augmenter leur soutien aux pays en voie de développement et à revenu intermédiaire en situation de crise, et contribuer aux biens publics mondiaux, il faudra bien que quelqu'un paie. Or, les pays à revenu élevé ne parviennent pas à atteindre les objectifs d'aide au développement fixés par l'ONU il y a un demi-siècle, et ont souvent échoué à contribuer autant que prévu aux fonds spéciaux. Il sera pour le moins difficile de les convaincre de financer ces nouvelles initiatives.

Deuxième problème, l'augmentation de la capitalisation des BMD ne sera possible qu'avec le soutien de parties prenantes importantes, telles que les Etats-Unis. De nombreux désaccords existent déjà sur le capital (ou les « quotas ») tant à la Banque mondiale qu'au FMI. Les appels à augmenter ces quotas - et par conséquent l'influence - des économies émergentes, en particulier de la Chine, se heurtent à une résistance considérable au sein des pays riches. Actuellement, une proposition a été formulée pour augmenter de 50% les quotas du FMI, tout en chargeant le Conseil d'administration d'élaborer d'ici 2025 d'autres approches de réforme des quotas. Aucun accord n'a encore été trouvé s'agissant de la capitalisation de la Banque mondiale.

En ce qui concerne la dette, pratiquement rien n'a été décidé. Tout ce qui a été déterminé lors des réunions annuelles du FMI et de la Banque mondiale, c'est que des discussions supplémentaires étaient nécessaires. Quant à la Déclaration des dirigeants issue du sommet de New Delhi, elle ne contient guère plus qu'une affirmation selon laquelle le G20 soutient les engagements pris en vertu du Cadre commun pour le traitement de la dette au-delà de l'ISSD.

La question de savoir s'il convient ou non d'accorder à certains pays à revenu intermédiaire vulnérables l'accès au Cadre commun - créé en 2020 pour permettre aux pays à revenu faible présentant une dette insoutenable de faire face à la pandémie de Covid-19 - reste sans réponse. Quoi qu'il en soit, ce mécanisme s'est révélé inefficace jusqu'à présent, en raison de retards dans les négociations avec les créanciers, ainsi que des craintes des débiteurs autour d'une possible dégradation de leur notation de crédit.

Quant à la coopération fiscale internationale, les accords conclus en 2021 en vertu du Cadre inclusif de l'OCDE attendent toujours d'être mis en oeuvre. Les pays en voie de développement n'entrevoyant que de faibles avantages dans ce cadre, le Groupe Afrique à l'ONU a présenté une résolution pour la création d'un comité intergouvernemental chargé de rédiger les dispositions de référence d'une Convention-cadre des Nations unies sur la coopération fiscale. La résolution a été approuvée en novembre par une large majorité, mais la division entre pays en voie de développement et pays développés - ces derniers ayant voté contre, à l'exception de la Norvège, qui s'est abstenue - déterminera le contexte des événements en 2024, lorsque les négociations entre les deux groupes de pays seront essentielles.

La résolution des défis auxquels le monde est confronté, de la dette jusqu'au changement climatique en passant par la mobilisation de recettes fiscales adéquates, serait difficile même dans les meilleures conditions. Or, les perspectives économiques mondiales ne sont actuellement pas réjouissantes. Le FMI prévoit une croissance mondiale faible pour 2023 (3%) et pour 2024 (2,9%) - contre 3,7% par an durant la décennie qui a précédé la pandémie - et un certain nombre de difficultés tant pour les pays développés que pour les pays en voie de développement. Bien que l'inflation semble s'atténuer, le FMI recommande aux banques centrales d'adopter une approche prudente en matière de taux d'intérêt, et de ne les abaisser que lorsque l'inflation sera pleinement maîtrisée. Cela n'annonce rien de bon pour la croissance.

Ancien sous-secrétaire général des Nations Unies et ancien ministre des Finances et du Crédit public de Colombie

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