Afrique de l'Ouest: Création d'une alliance des Etats du sahel pour la souveraineté économique et monétaire - L'Uemoa en fracture

11 Décembre 2023

Le Mali, le Burkina Faso et le Niger, trois Etats de l'Union économique monétaire ouest africaine (Uemoa) et non moins de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (Cedeao) ont acté une nouvelle alliance pour la souveraineté économique et monétaire, à Bamako (Mali). Une situation qu'il urge de corriger pour consolider les dynamiques économiques en progrès.

Les dynamiques économiques d'un pays ou d'une région restent largement tributaires des dynamiques géopolitiques et géostratégiques. Et la création d'une Alliance des Etats du Sahel (Aes) par le Mali, le Burkina Faso et le Niger, en proie à de fortes turbulences sécuritaires ces dernières années l'illustre à suffisance, ces trois pays ayant comme défi commun la menace des djihadistes dans cet espace d'environ trois cent soixante-dix mille kilomètres carrés. En réponse à cette menace sécuritaire, lesdits pays ont signé le 16 septembre dernier, la Charte du Liptako-Gourma, qui mettait ainsi fin à la force conjointe du G5 Sahel opérationnelle depuis 2017, mais qui, après plusieurs années, peine à atteindre des résultats probants.

Cet espace économique disposant d'énormes potentialités agropastorales et minières est depuis plusieurs années en proie à l'insécurité du fait de la présence de groupes armées. Dans cette même dynamique, l'Aes est passée à l'acte 2 de son processus, en signant une nouvelle alliance pour la souveraineté économique et monétaire. Cette nouvelle initiative actée vendredi 8 décembre à Bamako (Mali) par les ministres de l'Economie et des Finances de ces pays respectifs vise une intégration économique qui repose sur entre autres leviers un espace de libre échange économique, un tarif extérieur commun, un marché commun, l'intégration économique et monétaire et dans la perspective une intégration politique.

Ces trois pays frontaliers, agissant individuellement jusqu'ici, s'accordent désormais à supprimer les barrières douanières entre eux. Car, ils considèrent que les tarifs douaniers sont un frein majeur à la circulation des marchandises. La deuxième étape, c'est la mise en place d'un tarif extérieur commun applicable à tous ces pays membres de l'Aes. La troisième étape, c'est le marché commun qui permet la libre circulation des personnes et de l'argent. Enfin, il est question de l'intégration économique et financière ou économique et monétaire.

Un nouvel espace d'intégration économique et monétaire est inopportun

Sur cette Alliance des Etats du Sahel mettant en place un nouvel espace de souveraineté économique et monétaire, l'économiste et enseignant-chercheur à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Mor Gassama, pense que c'est inopportun. Certes, « matériellement possible, mais cela reste inopportun », a d'emblée dit l'économiste. Pour s'en convaincre, il rappelle qu'un pénible et long pas a été franchi dans la mise en place d'une zone économique appelée Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) et dans un espace beaucoup plus large à savoir la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (Cedeao). Ce faisant, « il n'est pas encourageant, voire même opportun de créer un autre espace d'intégration économique qui déconsolide les acquis remarquables de nos organisations ».

L'économiste pense qu'il faut penser à réformer la Cedeao pour éviter toutes ces dérives. Pour garantir la stabilité régionale, il faut que « les politiques restent de vrais démocrates. Qu'ils pensent à accéder ou quitter le pouvoir dans la légalité et sans avoir à compromettre la stabilité du pays. C'est de cette façon-là seulement qu'on arrivera à construire le développement de nos Etats respectifs ».

Pour lui, « Toutes ces instabilités institutionnelles notées çà et là découlent d'un manque de respect total des gouvernants qui pour des intérêts personnels cherchent à tripatouiller les constitutions pour se maintenir au pouvoir ». Il pense que tout ceci doit être banni pour garantir le progrès de nos Etats.

A la question de savoir si la sortie de trois des huit pays que compte l'Uemoa (Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger Sénégal, Togo) est une menace réelle à la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'ouest (Bceao), un institut d'émission commun aux membres de l'Union monétaire ouest africaine (Umoa), l'économiste pense que cela est circonstanciel. Parce que dit-il : « Si les militaires organisent des élections libres et transparentes auxquelles participent tous les candidats et si les civils gagnent le pouvoir, ces décisions vont être remises en cause ». Donc, dans ce cas de figure, « je ne vois pas comment cela va prospérer », a-t-il dit.

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