A la veille du 63ème anniversaire de l'indépendance du Burkina Faso, le président de la transition, le capitaine Ibrahim Traoré, s'est adressé, le 10 décembre dernier, à ses compatriotes dans un discours qui ne laisse pas de place au doute sur sa volonté de mener jusqu'au bout, la guerre contre le terrorisme. Il a rendu un vibrant hommage à toutes les forces combattantes du pays et à ses compatriotes dont les contributions à l'effort de paix, ont permis au pays de rester debout.
Se satisfaisant de la montée en puissance des forces armées nationales, il a annoncé leur renforcement par la création de nouvelles unités combattantes, en l'occurrence « sept Bataillons d'intervention rapide » dont « certains ont commencé leur déploiement et d'autres vont se poursuivre dans les deux ou trois semaines à venir ». Et ce n'est pas tout puisque « cinq autres bataillons sont en constitution et en formation, deux bataillons d'intervention aéroportée ont été créés ». Et ce, dans un contexte où « toutes les autres forces de sécurité intérieure ont pu être dotées d'équipement tels qu'elles n'avaient jamais connu » et où le pays s'est doté « d'appareils de dernière génération » pour la surveillance du territoire.
Des mesures qui ont permis de porter de nombreux coups mortels à l'ennemi, mais qui restent encore à capitaliser davantage afin de porter l'estocade à la bête immonde.
Les Burkinabè doivent se préparer à consentir de nouveaux efforts dans la guerre pour la libération du territoire national
C'est pourquoi, en annonçant l'intensification de la guerre sur fond d'appel aux fils « égarés » de la Nation à déposer les armes, le chef de l'Etat a annoncé des mesures supplémentaires à l'effort de guerre, qui « seront prises » et qui vont « toucher les travailleurs du public et du privé, et aussi les entreprises sur leur intérêt brut ». En attendant d'être suffisamment édifiés sur la nature des efforts supplémentaires et les modalités de prélèvement des contributions, le moins que l'on puisse dire, c'est que les Burkinabè doivent se préparer à consentir de nouveaux efforts dans la guerre pour la libération du territoire national.
Un sacrifice qui n'est pas de trop puisque cela vise à ramener définitivement la paix dans le pays. Mais dans le cas d'espèce, il faudra, à l'autorité, d'agir avec beaucoup de tact et de doigté pour que la pilule soit moins amère à avaler. Cela est d'autant nécessaire qu'au-delà des taxes, sauf erreur ou omission, les contributions ont jusque-là été volontaires. Mais si, pour une raison ou pour une autre, elles ne devraient plus forcément l'être, la donne ne sera plus la même dans un contexte économique de plus en plus difficile pour les travailleurs et les entreprises.
C'est pourquoi, sans remettre en cause la nécessité de mobiliser davantage de ressources pour l'effort de guerre, les mesures annoncées sont quelque peu sources d'inquiétudes pour les travailleurs et les entreprises appelés à serrer davantage la ceinture et qui ne savent pas à quel taux d'imposition, ils seront taxés. Et cela est d'autant plus compréhensible que bien des entreprises sont déjà dans les difficultés si ce n'est à l'article de la mort, en raison des effets induits de la guerre en Ukraine mais aussi de l'impact négatif de la crise sécuritaire que traverse le pays depuis bientôt huit ans.
Et si l'Etat, lui-même, peine véritablement à honorer la dette intérieure, que dire des entreprises qui ne sont pas loin de vivre au jour le jour, dans l'espoir de lendemains meilleurs ? Et quid des travailleurs du public comme du privé, confrontés aux dures lois de la vie chère et qui assistent, impuissants, à la baisse continue de leur pouvoir d'achat ? En même temps, dans la lutte contre le terrorisme, il y a une guerre qui enregistre des résultats encourageants et qu'il faut absolument terminer. Et le Burkina Faso, qui a marqué son désir d'aller vers une souveraineté assumée, doit s'assumer pleinement, dans l'union de ses filles et de ses fils engagés dans le même combat.
Il faudra trouver le juste milieu pour rendre la charge supportable au contribuable
C'est pourquoi dans la mise en oeuvre des nouvelles mesures annoncées par le chef de l'Etat, il conviendrait de faire preuve de beaucoup de lucidité pour en atténuer l'impact sur les travailleurs et les entreprises. Autrement dit, il faudra trouver le juste milieu pour rendre la charge supportable au contribuable. Non seulement en n'ayant pas la main trop lourde, mais aussi en envisageant, pourquoi pas, des mesures d'accompagnement pour soulager les entreprises en leur permettant de continuer à garder la tête hors de l'eau.
Autrement, aussi salutaires que puissent être les mesures envisagées, elles pourraient s'avérer à la longue contreproductives si elles devaient provoquer des grincements de dents au sein des travailleurs, ou conduire in fine à la mort programmée d'entreprises déjà engagées dans la dure lutte pour la survie. En tout état de cause, dans la mobilisation des ressources pour l'effort de paix, les Burkinabè ont déjà fait la preuve de leur patriotisme. Il appartient donc au gouvernement de savoir surfer sur la confiance du peuple et des contribuables, en évitant toutefois de donner l'impression de vouloir imposer des mesures qui pourraient très vite s'avérer impopulaires.
Il y va de l'intérêt de tous, dans la volonté commune des Burkinabè de s'émanciper du joug de l'impérialisme et de se défaire de la férule de l'hydre terroriste.