Tunisie: Trafic de stupéfiants - L'approche sécuritaire est indispensable mais reste insuffisante

12 Décembre 2023

Une enquête a révélé que près d'un tiers des adolescents scolarisés âgés de 15 à 17 ans, soit 31% des lycéens, ont déclaré avoir consommé une drogue au moins une fois

Il ne passe pas un jour sans que l'on entende parler de l'arrestation de trafiquants de drogue. Récemment, les forces de l'ordre ont réalisé un exploit en démantelant un puissant gang de trafic de drogue qui sévissait dans les rangs des jeunes et des élèves.

La police s'est lancée, ces derniers temps, dans des opérations ciblées pour traquer les réseaux de trafic de drogue, multipliant les descentes sécuritaires et les contrôles dans les différentes zones du Grand-Tunis.

Récemment, un grand réseau de trafic de stupéfiants a été démantelé. Si les informations sur cette opération ont fuité depuis plusieurs jours, hier le ministère de l'Intérieur a confirmé ce grand coup de filet, impliquant entre autres des agents publics. En effet, un réseau de trafiquants de drogue composé d'au moins 18 personnes a été démantelé dont onze ont été arrêtées et huit autres sont toujours en cavale.

Opérant entre Sousse, le Grand-Tunis et Kasserine, ce réseau implique également des fonctionnaires publics comme le confirme Faker Bouzghaia, porte-parole du ministère de l'Intérieur. «Dans le cadre de cette opération, fruit d'un grand travail de renseignements, plus de 25 mille comprimés d'ecstasy ont été saisis, ainsi que des sommes d'argent en devises et des voitures de luxe», a-t-il confirmé à La Presse. Et de préciser que les efforts pour démanteler ce réseau se sont étalés sur trois mois.

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Interrogé sur les dernières opérations, le responsable a précisé que, pour le mois de novembre dernier, 954 personnes ont été arrêtées, 76 kilogrammes de cannabis et 3 kilogrammes de cocaïne ont été saisis.

Le milieu scolaire ciblé

Il faut rappeler également que deux dealers chevronnés ont été arrêtés récemment à Sousse. Les agents ont perquisitionné une maison où ils ont arrêté deux personnes en possession d'une quantité de cocaïne brute, de pilules neuroleptiques et de marijuana. Ils ont, par ailleurs, saisi deux voitures utilisées pour le transport et la vente de la marchandise. Le parquet de Sousse a ordonné la mise en détention des deux individus susmentionnés et la poursuite des recherches dans cette affaire qui n'a pas encore révélé tous ses secrets.

Si ces derniers temps la police resserre l'étau autour des trafiquants de drogue, il faut reconnaître néanmoins que ce phénomène ne cesse de prendre de l'ampleur dans notre pays et notamment en milieu scolaire.

Devenu un pays de transit, mais aussi de destination de réseaux mondiaux de trafic de drogue, la Tunisie peine à faire face à l'ampleur grandissante du fléau. En l'absence d'une stratégie nationale multidimensionnelle, le pays risque gros, si on sait que de nouvelles drogues chimiques extrêmement dangereuses envahissent plusieurs milieux et tranches d'âge.

Alors que les autorités sécuritaires, en dépit des efforts colossaux déployés, sont dans l'incapacité de mettre hors d'état de nuire tous les réseaux de trafic de drogues ni tous les consommateurs, à elle seule la réponse sécuritaire est inefficace. Les derniers chiffres donnent froid dans le dos et témoignent de l'ampleur du phénomène. Situation critique surtout si l'on sait que la majorité des consommateurs sont des jeunes, voire des mineurs.

De 6 mille à 8 mille personnes incarcérées

Le nombre de personnes emprisonnées pour consommation de drogue va de 6 mille à 8 mille, dont le tiers a été arrêté pour consommation de cannabis, indique une enquête menée par le collectif «Avocats sans frontières».

Cette enquête a révélé que près d'un tiers des adolescents scolarisés âgés de 15 à 17 ans, soit 31% des lycéens, ont déclaré avoir consommé une drogue, autre que le tabac et l'alcool, au moins une fois durant leur vie. Des chiffres alarmants face à un fléau auquel peu de solutions ont été mises en oeuvre depuis plusieurs décennies.

Pourtant, presque quotidiennement, des saisies importantes de grandes quantités de drogues font la une de l'actualité. Parallèlement, les forces de l'ordre parviennent à intercepter les stupéfiants notamment dans les passages frontaliers, où des dizaines de criminels sont arrêtés chaque année. Il semblerait, hélas, que ce n'est que la partie émergée de l'iceberg.

Si la lutte contre le trafic de drogues s'avère un défi national qui requiert une approche multidimensionnelle, en Tunisie il est important d'investir dans des programmes de suivi et d'encadrement des personnes souffrant d'addiction aux drogues, plutôt que de les criminaliser. Souvent dans ces cas, la prison n'apporte aucune solution à la «victime» mais aggrave son cas. Il est également judicieux d'impliquer activement les communautés locales dans la prévention et le traitement des problèmes liés à la drogue.

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