Madagascar: La réélection d'Andry Rajoelina ouvre une nouvelle phase politique

analyse

La réélection d'Andry Rajoelina à la présidence de Madagascar a été confirmée par la Haute cour constitutionnelle. Ainsi, Andry Rajoelina a obtenu 58.96 % des suffrages exprimés, contre 14,39 % pour Siteny Randrianasoloniako et 12,09 % pour Marc Ravalomanana. En fait, on pourrait aussi dire que cette élection a été jouée d'avance du moment que la grande majorité des candidats (10 sur 13), y compris le concurrent qui aurait le plus de chance de gagner, c'est-à-dire Marc Ravalomanana, ont décidé finalement de ne pas y participer, laissant ainsi le champ tout à fait libre à Andry Rajoelina.

Le président sortant est ainsi réélu dès le premier tour, malgré un taux de participation de 46,35 % plutôt bas à cause du boycott par les dix candidats de l'opposition.

J'ai étudié la politique malgache pendant plusieurs années, en me focalisant sur le processus de démocratisation, les conflits et transitions politiques. Cet article analyse les résultats de l'élection, le taux de participation, les contestations de l'opposition et examine les perspectives post-électorales dans un contexte de polarisation politique.

Un faible taux de participation

La violence électorale, tant redoutée par de nombreux acteurs politiques et observateurs quelques jours avant l'élection n'a pas eu lieu finalement. Tout au contraire, l'élection s'est déroulée dans le calme le plus absolu. Cette crainte de la violence aurait justifié la tenue d'urgence d'une ''négociation'' sous la houlette de la présidente de l'Assemblée nationale, Christine Razanamahasoa et du Conseil oecuménique des églises chrétiennes (FFKM).

Les dix candidats membres du collectif se sont opposés à cette élection. ils avaient en outre donné la consigne à leurs partisans de ne pas voter. Par conséquent, il y avait très peu de monde dans les rues, surtout dans la capitale, et aux alentours des bureaux de vote le jour de l'élection.

Dès lors, le faible taux de participation est descendu jusqu'à 31,65% dans la capitale et ses environs. Il est devenu le plus important sujet de conversation aussi bien pour l'opposition que pour les observateurs nationaux et internationaux. Par contre, on a noté l'enthousiasme des électeurs dans les régions périphériques, comme à Toliara où le taux de participation a atteint 62,03 %, ou comme à Fianarantsoa, 55,06 %.

De plus, il faut rappeler que le taux de participation du premier tour de l'élection présidentielle en 2018 était de 53,95 %. Au second tour, qui avait marqué la victoire d'Andry Rajoelina, il n'avait atteint que de 48,09 %. Ainsi, le taux de participation de 46,35 % selon les résultats définitifs de l'élection du 16 novembre 2023 n'a rien de catastrophique.

Au lendemain du scrutin, malgré les conditions calmes du vote et ce taux de participation officiel plutôt correct, l'Organisation internationale de la francophonie (OIF)a pris une position forte en conseillant aux acteurs malgaches de privilégier la discussion et le dialogue. Elle les a ainsi invités ''à privilégier la concertation et le dialogue en vue de créer les conditions d'un retour à une vie politique plus apaisée, gage de la préservation de la paix, de la stabilité et du développement intégral et durable de Madagascar''.

Une victoire contestée

D'ores et déjà, les membres du Collectif de candidats ont déclaré qu'ils rejetaient ces résultats en bloc et qu'ils considèrent que ''cette élection n'a même pas eu lieu'', selon les mots de leur porte-parole et président du parti Malagasy Miara Miainga (MMM), Hajo Andrianainarivelo. Ils réclament l'organisation d'une nouvelle élection.

Transparency International - Initiative Madagascar a accusé la communauté internationale d'être complaisante envers Andry Rajoelina. Elle a cependant noté que les observateurs internationaux seraient ''unanimes'' en affirmant que l'élection présidentielle du 16 novembre à Madagascar s'était déroulée ''sans incident majeur''.

L'ONG souligne aussi la position générale de la communauté internationale qu'elle considère inquiétante, selon laquelle ''les quelques manquements et imperfections constatés çà et là ne peuvent remettre en cause de façon globale le bon déroulement et la crédibilité de cette élection''.

Ceci laisse déjà présager que la communauté internationale, dans son ensemble, ne va pas s'opposer à l'investiture d'Andry Rajoelina en tant que nouveau président se succédant à lui-même. En effet, les félicitations de la part des grandes puissances telles que les États-Unis, la Chine et l'Inde n'ont cessé de parvenir à Antananarivo dès la proclamation des résultats officiels.

De son côté, sans qu'il soit encore investi officiellement de ses fonctions, Andry Rajoelina s'est déjà permis de faire le déplacement à Dubai pour assister à la COP 28. Il a reçu les félicitations de ses pairs africains et arabes dont les présidents des Comores, Azali Assoumani, du Sénégal, Maki Sall, du Congo, Denis Sassou Nguesso, et des Seychelles, Wavel Ramkalawan. Cependant, la France est curieusement restée muette jusqu'à maintenant. Paris se garde bien de féliciter ou de rejeter le ''Français'' Andry Rajoelina!

L'après-élection s'annonce donc positif pour Andry Rajoelina sur le plan international. Mais au niveau national, des combats acharnés avec l'opposition se profilent déjà à l'horizon. En effet, au cours de son premier mandat, Andry Rajoelina (2018-2023) a déjà fait face à des attaques de la part de l'opposition, et en particulier de Marc Ravalomanana lui-même, visant à renverser son pouvoir.

Des associations regroupant tous les opposants ont été créées et des slogans (voire ''cris de guerre'') ont été lancés. Quelques mois seulement après son investiture en janvier 2019, Andry Rajoelina devait ainsi affronter un ''rodoben'ny mpanohitra'' (rassemblement de tous les opposants), ensuite une opération ''Appolo 21'' (une tentative d'assassinat qui impliquait des hauts responsables de son gouvernment et des ressortissants Francais), et finalement une plateforme dénommée ''Lera'' (''l'heure de renverser Andry Rajoelina est venue''). Cependant, l'une après l'autre, ces attaques ont échoué. Et au début de cette année, l'opposition n'avait plus le choix que d'affronter Andry Rajoelina dans une élection présidentielle pour tenter de le bouter hors du pouvoir.

Une nouvelle phase politique

Toutefois, au lieu de jouer le jeu et accepter ses règles, biaisées ou non (ce qui est encore discutable), l'opposition a misé sur la disqualification d'Andry Rajoelina lui-même et le contrôle des institutions avant l'élection et elle a perdu.

Aujourd'hui, malgré sa défaite électorale, l'opposition ne s'avoue pas encore vaincue. Une ''cellule de crise'' pour continuer la lutte est déjà mise sur pied. Les réunions et déclarations se succèdent.

En définitive, l'élection présidentielle de 2023 a commencé avec des batailles juridiques, politiques, et même physiques dans les rues d'Antananarivo. Elle s'est terminée dans un calme relatif avec la victoire d'Andry Rajoelina au premier tour. La question est maintenant de savoir si Andry Rajoelina parviendra à se maintenir au pouvoir pour son second mandat, ou bien si l'opposition réussira cette fois-ci à le renverser. C'est en effet comme si ''les alternances, à Madadagascar, devaient toujours se faire en dehors des cadres constitutionnels'', pour paraphraser un collègue.

Professor of Political Science, Benedict College

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