Congo-Kinshasa: Les discours de haine polluent la campagne électorale

Drapeau de la République Démocratique du Congo (RDC) (photo d'archives)
13 Décembre 2023

En pleine campagne électorale pour les élections du 20 décembre, des militants luttent contre la propagation des discours d'incitation à la haine sur les réseaux sociaux.

Alors que la République démocratique du Congo se prépare aux élections du 20 décembre, les discours d'exclusion communautaire et les appels à la haine sont les plus grands dangers qui pèsent sur le pays.

La DW est allée à la rencontre de ceux qui tentent de lutter contre la propagation des discours de haine dans les médias et les réseaux sociaux.

C'est le cas de Kinshasa News Lab, une association sans but lucratif, travaille à la promotion d'un débat de qualité au travers des productions médiatiques.

"Dans ce numéro, nous avons retenu le message d'un internaute de Kinshasa qui écrit que la population de l'Equateur ne veut pas des politiciens des autres provinces car ils les considèrent comme des non-originaires", peut-on entendre dans l'émission "Sango ya Bomoko".

"Sango ya Bomoko" qui veut dire littéralement en lingala "les nouvelles de l'unité". Il s'agit d'un projet qui se penche sur les discours de haine et la désinformation en période électorale.

Implication des médias

Initié par plusieurs médias, parmi lesquels Lokuta Mabe, 7/7.cd, Actualité.cd, Balobaki Check et Congo Check, ce bulletin hebdomadaire a pour objectif de surveiller les discours de haine et ceux en lien avec la désinformation pour sensibiliser la population congolaise, notamment les jeunes urbains ayant accès à internet.

Pour Patient Ligodi, fondateur du site internet Actualité.cd, qui participe au projet de Sango ya Bomoko, la tendance générale dans cette période de campagne électorale, est la stigmatisation de certains discours politiques, y compris ceux du président Félix Tshisekedi.

"En RDC, malheureusement, cela passe par le chef de l'Etat lui-même, constate Patient Ligodi. Le jour du dépôt de sa candidature, celui-ci a insisté sur ce qu'il considère comme étant les candidats de l'étranger (comme l'opposant Moïse Katumbi, ndlr). Il a évoqué des caractéristiques qui font en sorte que certains candidats puissent être marginalisés, attaqués et cela a été répercuté par les influenceurs sur internet. Deuxièmement, il y a cette fixation du candidat président qui pointe systématiquement Paul Kagame (le président rwandais, ndlr) comme étant la source du malheur du pays. Ce qui fait qu'il y a une montée des discours extrémistes de part et d'autre. On peut ajouter une troisième thématique sur l'identité du genre."

Discours homophobe et rivalités communautaires

Le président congolais avait en effet affirmé, lors d'un discours, que l'homosexualité était une importation culturelle qui n'appartenait pas au Congo.

Enfin, il y a les rivalités communautaires. Pour le professeur Obul Okwess qui enseigne à l'Institut facultaire de sciences sociales de Kinshasa, le terreau communautaire a été préparé en amont depuis des années.

Etant donné que le vote en RDC est sociologique et communautaire, les candidats en campagne se réfèrent aux ères linguistiques qui sont en réalité des ères d'influence.

Et on constate que ces clivages sont aujourd'hui exacerbés à travers les discours de campagne.

"Propagande électoraliste"

Pour Obul Okwess, "le message de campagne électorale qui passe par les médias ne vient pas changer fondamentalement l'opinion des gens parce que ces gens ont été préparés depuis des années à adopter tel comportement ou telle idéologie politique. On peut dire que les partis politiques et les associations ont préparé cela et comme il n'y a pas eu de discours contraires assez forts pour montrer qu'on était en train de dériver, le premier discours qu'ils ont reçu est resté et a été consolidé au fil des années par le discours électoraliste et la propagande électoraliste. Les conséquences sont qu'aujourd'hui, ce discours porte mieux et c'est celui-là qui est le plus répercuté."

Patient Ligodi, du site Actualité.cd, explique enfin que dans le cadre de la lutte contre les discours de haine en période électorale, lui et ses collègues sont souvent amenés à travailler avec les communautés concernées pour qu'elles parviennent à aller au-delà de ces tensions. Car en fin de compte, les gens sont amenés à continuer à vivre ensemble après les élections.

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