En Côte d'Ivoire, une compagnie présente ce 15 décembre 2023 son adaptation de la célèbre cantate allemande Carmina Burana, de Carl Orff, dans les univers de la royauté akan et du coupé-décalé urbain. Reportage lors des répétitions à l'Institut national supérieur des arts et de l'action culturelle (Insaac).
La mélodie de Carmina Burana est familière mais les chants qui l'accompagnent un peu moins : les interprètes ivoiriens chantent en langues akan (baoulé, agni, abouré) et, par moment, en français.
Mambo Alexandre Wilfried Ahoua joue le premier rôle, celui d'un mauvais roi qui vit la chute et la rédemption. Il explique : « Dans un royaume, il y a un roi qui fait n'importe quoi, parce qu'il est le roi. Le peuple se révolte, il est déchu, rejeté de tous... Après réflexion, on part à la recherche du roi pour essayer de le ramener à la raison. C'est vraiment un rôle très difficile, il faut être dans la peau d'un roi déchu, rejeté, qui revient ensuite sur le trône. »
Car cette mise en scène moderne et ivoirienne d'une cantate classique de 1935 est à la croisée des genres, explique son chorégraphe Nikoko Yao : « C'est tout un mix, au niveau de la musique, au niveau des mouvements... J'ai la chance d'avoir des danseurs qui ont des petites bases en danse classique, en modern-jazz, et une partie qui travaille dans les danses de terroirs. C'est toute une recherche qui se fait d'abord au niveau des mouvements qu'on crée. Les costumes, c'est du mix aussi. Des pagnes tissés chez les Akans, et dans la deuxième partie, le roi se retrouve dans un milieu urbain. Dans la composition musicale, c'est du classique et du coupé-décalé, donc les costumes qui vont avec : beaucoup de couleur, beaucoup de bling-bling... »
L'oeuvre ne sera représentée qu'une seule fois, ce vendredi soir, à l'Institut français.
Pour le metteur en scène d'Akan Story, Abass Zein, cette adaptation ivoirienne de Carmina Burana vient renforcer l'implantation d'une scène classique et lyrique à Abidjan. « C'est ça aussi l'originalité, dans cette pièce-là, estime-t-il. C'est d'avoir pu retranscrire le lyrique, le classique, dans cette oeuvre-là, mais en langues locales. Ce sont des chanteurs qui sont d'ici ! Il y a une soprane, deux ténors et un baryton. Ils ont déjà chanté dans nos oeuvres classiques et sont assez connus sur la place abidjanaise ».
Abass Zein poursuit : « On a commencé à travailler sur l'opéra et les musiques classiques et lyriques. C'est un projet qu'on essaie de mener depuis 10 ans, et de plus en plus, on a un public très friand de ce projet-là. On a une chorale extraordinaire, qui a chanté dans des grandes oeuvres, comme 'Carmen', comme 'Carmina Burana'... Il y a vraiment de plus en plus de personnes qui s'intéressent à ça. »
Il conclut : « Et c'est d'ailleurs pour ça qu'on a maintenant, sur Abidjan, un pupitre important de violons, de contrebasses... Aujourd'hui, on est très, très fiers du pupitre. Je crois qu'on a 24 violons, maintenant ! On a réintroduit le violoncelle, on a, je crois, quatre ou cinq violoncelles, deux contrebasses... Il y a un travail qui est fait, et auquel je suis très fier d'avoir grandement participé. »