Ile Maurice: Noël Chelvan - Plongée dans l'assiette de la cuisine typique

16 Décembre 2023

S'intéresser aux produits «à ras de terre». Goûter à la simplicité. Apprécier la débrouillardise de gens de peu qui se donnent les moyens de manger. En retraçant l'histoire de la cuisine traditionnelle (1930-1970), le chef Noël Chelvan propose bien plus qu'un livre de recettes. L'ouvrage publié aux Éditions de l'océan Indien a été lancé récemment au Hennessy Park Hotel.

Au fil des plats, c'est Rivière-Noire qui est raconté. Une région «longtemps délaissée. Les gens y vivaient repliés sur eux-mêmes. Enn sans nou pann manz nou kamwad», ironise le chef. Pour faire bouillir la marmite, on se tournait vers les rivières, les bois, le braconnage dans les chassés.

La période 1930-1970 correspond à la naissance des parents de Noël Chelvan, pour s'arrêter à l'époque quand «frizider rant dan lakwizinn». Le chef précise qu'il n'est pas l'auteur des recettes compilées. Il les a patiemment collectées auprès de gardiens des traditions de Rivière-Noire. Des témoins de «letan lontan» où rien ne se perdait, même pas le bouyon ros larivier.

Ce travail de collecte cherche à valoriser les savoirs de «personnes qui n'ont jamais été à l'école, mais qui nous ont transmis des bases». Ce projet de longue haleine, Noël Chelvan l'a commencé en 1989. «Mais je ne savais pas où cela allait me conduire.» Il prend la plume parce qu'il a peur d'oublier, peur «tansion ariv mwa enn kitsoz».

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À force de travailler les produits de premier choix utilisés dans les hôtels, Noël Chelvan s'inquiète du risque de disparition des ingrédients simples de la cuisine traditionnelle. Il est alors chef de cuisine à l'hôtel Mauricia Beachcomber Resort & Spa, puis au Canonniers Beachcomber Golf Resort & Spa. Noël Chelvan a «plus de 42 ans» dans l'hôtellerie. Il avait commencé en 1979 au Paradis Beachcomber Golf Resort & Spa. «Monn sorti lao monn redesann anba.» Lui qui n'a jamais oublié la question d'un journaliste alors qu'il participait à un vol inaugural sur Chennai : «Quoi ? Vous allez montrer aux Indiens comment faire du curry ?» Piqué au vif, le chef mitonne depuis des trésors d'inventivité pour inculquer le goût authentique de la cuisine typique.

À paraître

Parler en Morisien de la cuisine locale

Recenser le vocabulaire culinaire en kreol. C'est le prochain ouvrage que souhaite publier Noël Chelvan. Il s'agit d'un manuel pour le National Certificate Levels 2, 3 and 4. Il entend ainsi réparer «une grosse faiblesse de la cuisine mauricienne», l'enseignement en anglais et en français à des élèves qui n'en ont pas une bonne maîtrise. Pour l'auteur, l'école hôtelière, «c'est une université, surtout pour les pauvres, pour les élèves avec des résultats scolaires faibles. Les autorités ne lui donnent pas assez d'importance».

Il estime que «depuis 50 ans, on patauge. La cuisine mauricienne a certes évolué, mais elle est partie dans tous les sens». Il s'insurge que la Mauritius Tourism Promotion Authority choisisse des chefs étrangers pour les campagnes à l'international. «Zot pran lasos kari zot met lakrem. Ils adaptent notre cuisine au palais des étrangers. Mais si vous venez chez moi, vous devez manger à ma manière. Pour faire respecter la cuisine, il faut parfois aller dans les extrêmes.»

«Lakwizinn an tol», une école

«Tout ce qui est cuisiné ici doit être frais.» Halte aux produits surgelés pour réapprendre le goût des aliments, insiste le chef. Entre deux gorgées d'in- fusion au miel faite maison, il lance : «La nature nous a tout donné, mais on préfère aller vers les bouteilles qui restent sur les étagères pendant des mois. Personne ne se demande : ki lafors sa bann ingredian ladan-la, pou enn bwat konserv res dezan.» Sa cuisine en tôle, aménagée depuis 2006, a des allures de cave au trésor. À chaque regard, vous découvrez un détail qui vous a échappé au précédent coup d'oeil. Ni four à gaz ni four électrique, la cuisson s'y fait uniquement au feu de bois. Où trouve-t-il du bois ? «Kan ou kontan enn 35, ou al rod li», rigole Noël Chelvan.

Ce n'est pas une cuisine où les gens viennent manger, souligne le chef. «C'est pour déguster». Il y reçoit notamment des élèves de troisième année de l'école hôtelière. «Les futurs chefs. Ou pou vinn enn sef, poukni ou pa konn souflé? La première chose pour un chef, c'est de connaître sa cuisine.»

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