Sénégal: Le film 'Saint Omer' est 'un questionnement sur la maternité', selon la réalisatrice française Alice Diop

Dakar — La réalisatrice française d'origine sénégalaise Alice Diop a présenté à Dakar son dernier film intitulé "Saint Omer" (2022) dans lequel elle questionne la maternité voire le lien entre une mère et son enfant.

"Le lyrisme de cette phrase prononcée par Fabienne Kabou [une Sénégalaise accusée d'infanticide pour avoir tué sa fille de quinze mois en France en 2013 et jugée en 2016] qui dit : +j'ai déposé ma fille sur la plage avec l'idée que la mer emporte son corps+ permet d'aller interroger quelque chose sur la maternité et qu'on ne peut pas faire si on est collé à la violence sordide de ce faits divers", a estimé la cinéaste venue montrer son film dans son pays d'origine.

Elle est présente à Dakar pour les besoins du festival »Dakar court » clôturé, samedi, où elle a été la présidente du jury officiel.

Pour Alice Diop, tout le film "Saint Omer" est construit pour se détacher du fait divers dont il s'inspire.

Il s'agit, indique-t-elle, "d'aller interroger autre chose d'une dimension psychanalytique, mythologique et symbolique qui apparait et qui permet de dire que peut être cette femme a offert sa fille à une mère plus puissante qu'elle, à quelqu'un qui pouvait l'accueillir".

La réalisatrice qui a assisté au procès de Fabienne Kabou dans la ville de Saint Omer (France) durant trois semaines rappelle qu'elle n'avait pas l'intention de faire un film en y allant.

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"Lorsque j'y allais, je ne savais pas que j'allais en faire un film", fait savoir Alice Diop qui affirme que le niveau de langue de l'accusée lui avait donné l'envie d'en faire une fiction.

Le film, première fiction de Alice Diop reconnue pour ces documentaires, raconte l'histoire de la jeune sénégalaise Laurence Coly qui avait laissé sa fille Elise, âgée de quinze mois, sur la plage de Berck-sur-mer au nord de la France à la marrée montante.

Le film "Saint Omer" débute par cette image forte où une femme tenant dans ses bras sa fille marche tout au long de la plage dans la nuit noire.

Elle est alors jugée pour infanticide à la cour d'assises de la ville de Saint Omer où une autre jeune fille Rama, universitaire et écrivaine sénégalaise, enceinte de quatre mois, vient suivre le procès.

Elle voit des similitudes de sa vie avec celle de Laurence Coly aujourd'hui à la barre.

Tout le film repose sur ce procès où trois visages de femmes noires (Laurence Coly, sa mère et Rama) déroulent la narration.

Mais au cours du procès, la parole de l'accusée, l'écoute des témoignages font vaciller les certitudes de Rama et interrogent notre jugement.

Alice Diop s'attarde sur le verbe, car "fascinée et impressionnée" par la qualité de langue de Fabienne Kabou qui explique son geste de façon claire et glaçante.

"Tout le film repose sur la langue de cette femme. Je pense que je n'aurais pas fait ce film si Fabienne Kabou ne parlait pas comme cela", dit-elle.

Elle fait savoir que le rapport à la langue lui a permis d'aborder toutes ces questions, celle de l'enfermement, du fantasme et de regarder la psyché d'une femme noire.

Ce film, dense, est "très littéraire et il est tout sauf naturaliste, réaliste", lance sa réalisatrice qui a coécrit le scénario avec la romancière française Marie Ndiaye et Amrita David.

Elle explique avoir choisi ses personnages pour la manière dont leur vie est rentrée en résonnance avec l'histoire du film sans forcément en avoir la certitude.

"Ce film m'a guérie de quelque chose que j'avais et que je percevais chez la comédienne Rama", confie Alice Diop qui va montrer aussi son autre film, le documentaire "Nous", lundi.

Pour Mati Ndiaye qui a suivi la projection, "Saint Omer est un beau film techniquement et artistiquement, notamment par la dramaturgie réalisée et le jeu discrètement époustouflant des acteurs. (...) C'est une histoire de mère, de femmes africaines muettes, emmurées dans des conflits inférieurs", selon elle.

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