Afrique: L'accord de la COP28 « ignore le financement de l'adaptation »

18 Décembre 2023

DUBAI — Selon des observateurs, l'accord final des négociations de l'ONU sur le climat, qui appelle à un abandon des combustibles fossiles à l'échelle mondiale, ne garantit pas les financements nécessaires pour permettre aux pays les plus pauvres de passer à une énergie plus verte et de s'adapter au changement climatique.

Le texte finalement convenu le mercredi 13 décembre à la COP28 au terme de deux semaines de négociations à Dubaï, exhorte les pays à « s'éloigner des combustibles fossiles » ; une première pour les négociations de l'ONU sur le climat.

Il n'a cependant pas répondu à l'appel lancé depuis longtemps en faveur d'une « élimination progressive » du pétrole, du charbon et du gaz, soutenu par plus de 100 pays.

"Il nous manque encore des financements suffisants pour aider les pays en développement à se décarboner. L'on s'attend surtout à ce que les riches producteurs de combustibles fossiles se retirent en premier"Mohamed Adow, Power Shift Africa, Kenya

« C'est un pas vers notre objectif, mais ce n'est pas suffisant », a déclaré Fatima Yamin, conseillère en matière d'adaptation au climat et de catastrophes climatiques au Pakistan.

« Malheureusement, les décisions cruciales concernant le financement de l'adaptation et le relèvement du niveau du fonds pour les pertes et dommages n'ont pas été prises », relève-t-elle.

« Oui, l'abandon des combustibles fossiles est un point essentiel, mais les pays en développement ont besoin de technologies et de fonds pour s'adapter, ce qui ne sera pas aussi efficace si les décisions concernant les fonds d'adaptation ne sont pas accélérées », analyse Fatima Yamin.

En effet, l'accord stipule que les pays doivent mettre en oeuvre un plan national d'adaptation d'ici 2030, mais ne précise pas d'où devrait provenir l'argent pour cela.

Un rapport de l'ONU publié en novembre 2023 révèle que les pays en développement ont besoin de jusqu'à 18 fois plus de financement que ce qu'ils reçoivent actuellement pour s'adapter aux impacts du changement climatique.

Au cours des négociations, les pays se sont engagés à verser moins de 200 millions de dollars en faveur du Fonds d'adaptation des Nations Unies destiné à aider les communautés vulnérables à changer leurs habitudes en réponse au changement climatique.

Combustibles fossiles

Un projet de texte publié le lundi 11 décembre avait été largement critiqué pour son manque de fermeté sur la question de la réduction des combustibles fossiles. L'Alliance des petits États insulaires l'avait même décrit comme un « acte de décès » pour les habitants ses membres.

Le président de la COP28, Sultan Al Jaber, qui est également à la tête de la Compagnie pétrolière nationale d'Abu Dhabi, a reçu une standing ovation lorsqu'il a donné le coup de marteau sur un accord final mercredi matin, malgré le fait d'avoir évité les mots controversés de « suppression progressive », auxquels s'opposent les l'Organisation des pays exportateurs de pétrole.

« Pour la toute première fois, nous parlons des combustibles fossiles », a-t-il annoncé sous les applaudissements.

Jauad El Kharraz, directeur exécutif du Centre régional pour les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique, a déclaré que l'accord final était un « compromis » entre ceux qui soutiennent l'arrêt complet des combustibles fossiles et « les parties qui refusent d'arrêter les combustibles fossiles sur lesquelles reposent leurs économies ».

« Cela peut être considéré comme une étape sur laquelle on peut s'appuyer... pour signer la fin de l'ère des combustibles fossiles », a-t-il déclaré.

Manque de moyens suffisants

Faisant référence à l'objectif convenu lors des négociations de la COP21 à Paris en 2015, visant à limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius au-dessus des niveaux préindustriels, Kenzie Azmi, responsable de campagne pour Greenpeace au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, déclare : « C'est un pas qui nous rapproche de l'objectif de 1,5 mais, qui ne permettra pas de l'atteindre ».

« Les communautés en première ligne de la catastrophe climatique ont besoin de plus que cela », ajoute l'intéressée.

« Ils ont besoin d'un engagement inébranlable et résolu en faveur d'une élimination rapide, équitable et bien financée de tous les combustibles fossiles, ainsi que d'un programme financier complet permettant aux pays en développement de passer aux énergies renouvelables et de faire face aux impacts climatiques croissants », précise Kenzie Azmi.

Elle déclare que l'accord pêche par un manque de moyens suffisants pour réaliser une transition vers l'énergie verte « d'une manière juste et rapide ».

« Le nouveau texte ne fournit aucun financement supplémentaire durable pour l'adaptation ou l'atténuation, ce qui est indispensable pour opérer une transition juste vers l'abandon des combustibles fossiles... afin de permettre de faire face aux impacts climatiques, de s'y adapter et de s'éloigner des combustibles fossiles », ajoute Kenzie Azmi.

Mohamed Adow, directeur de l'organisation climatique Power Shift Africa, basée au Kenya, affirme que « La transition pourrait être rapide - le texte appelle à une transition vers l'abandon des combustibles fossiles au cours de cette décennie critique. Mais [ce] n'est ni financé ni équitable ».

« Il nous manque encore des financements suffisants pour aider les pays en développement à se décarboner. L'on s'attend surtout à ce que les riches producteurs de combustibles fossiles se retirent en premier », ajoute cet expert.

« Nous avons également besoin d'un soutien financier bien plus important pour aider les personnes vulnérables à s'adapter aux impacts du dérèglement climatique », ajoute-t-il.

L'Alliance des petits États insulaires s'est plainte de ce que sa délégation n'était pas présente dans la salle lorsque la décision a été prise ; déclarant que le texte ne répondait pas de manière adéquate à la science du climat.

« Il ne suffit pas de faire référence à la science et ensuite de conclure des accords qui ignorent ce que la science nous recommande », a déclaré la négociatrice principale de Samoa, Anne Rasmussen.

« Ce n'est pas une approche que l'on devrait nous demander de défendre », dit-elle.

Pertes et dommages

La conférence avait commencé par un vote historique pour lancer le Fonds pour les pertes et dommages, convenu lors de la COP27 tenu l'année dernière en Égypte. Ce fonds a été créé pour financer les destructions provoquées par le changement climatique dans les pays vulnérables.

Cependant, les pays riches n'ont engagé que 700 millions de dollars, soit une fraction des 100 milliards de dollars ou plus demandés par les pays en développement pour répondre aux catastrophes climatiques.

« Même si nous avons obtenu 700 millions de dollars au Fonds pour les pertes et dommages, cela ne suffit pas pour aider les communautés vulnérables du Sud à financer les catastrophes provoquées par l'impact climatique », regrette Kenzie Azmi de Greenpeace.

El Kharraz trouve que d'autres résultats positifs pour les pays en développement sont les engagements visant à tripler les énergies renouvelables, à améliorer la résilience des systèmes alimentaires et à réduire les émissions de méthane.

La version originale de cet article a été produite par l'édition mondiale de SciDev.Net

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