Afrique: Célébrer la couverture sanitaire universelle au Nigéria

12 décembre 2023 par Peter Sands, Executive Director, The Global Fund

Dépassant les 200 millions d'habitants, le Nigéria est le pays le plus peuplé d'Afrique. C'est une nation effervescente, pleine d'initiative et de talent, mais sa population est aussi affectée par la pauvreté et la maladie. Près de 90 millions d'habitants du Nigéria vivent dans la pauvreté extrême. Le paludisme y fait chaque semaine environ 4 000 victimes, en majorité des enfants et des femmes enceintes. Cela représente 31 % de la mortalité imputable à cette maladie dans le monde. Le Nigéria arrive au troisième rang mondial (après l'Afrique du Sud et l'Inde) en nombre de personnes vivant avec le VIH, avec près de deux millions de cas. En outre, le pays compte le plus grand nombre de personnes atteintes de la tuberculose en Afrique.

Voilà pourquoi, pour la Journée internationale de la couverture sanitaire universelle, je me trouve à Abuja aux côtés du ministre coordonnateur de la Santé et du Bien-être social du Nigéria, le Dr Muhammad Ali Pate, pour assister au lancement de l'initiative d'investissement pour le renouvellement du secteur de la santé du Nigéria par le président Bola Ahmed Tinubu. Avec cette initiative ambitieuse, le Nigéria cherche à accélérer sa progression vers la couverture sanitaire universelle, afin d'offrir une meilleure santé et de meilleurs soins à tous ses citoyens et citoyennes, sans exception. Pour qu'elle soit réussie, la mise en oeuvre de ce plan nécessitera une collaboration sans précédent - entre le gouvernement fédéral et ceux des États, de même qu'entre le secteur public et les partenaires de développement, dont le Fonds mondial -, ainsi qu'un souci de tous les instants pour la qualité d'exécution et l'obtention de résultats. L'enjeu est énorme. Compte tenu de l'immense population du Nigéria et de l'ampleur de sa charge de morbidité, tout progrès conséquent réalisé dans ce pays peut se traduire par des millions de vies sauvées et rectifier la trajectoire de la lutte contre les maladies les plus mortelles, en particulier le paludisme, à l'échelle mondiale.

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Le Fonds mondial investira plus de un milliard de dollars US au Nigéria au cours des trois prochaines années (sur un budget total d'environ 15 milliards de dollars US), soit plus que dans tout autre pays, à l'appui de programmes de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, et pour le renforcement des systèmes de santé, le tout en adéquation avec la feuille de route du Nigéria pour l'atteinte de la couverture sanitaire universelle.

Pour atteindre la couverture sanitaire universelle, les pays doivent investir dans leurs systèmes de santé

Au Nigéria, comme ailleurs, la clé de l'atteinte et du maintien de la couverture sanitaire universelle n'est pas le financement extérieur, mais bien l'engagement des ressources financières nationales. Aucun pays n'est arrivé à la couverture sanitaire universelle sans une mobilisation massive de ses propres ressources, que ce soit par la taxation ou un régime d'assurance maladie obligatoire. Le Nigéria multiplie ses engagements budgétaires envers la santé, et devra en faire plus encore. Il procède d'ailleurs à une réforme cruciale de son Fonds pour la prestation des soins de santé de base qui s'inscrit dans cet engagement.

Dans bien des pays à revenu faible ou intermédiaire, en Afrique ou ailleurs, la volonté politique pour mobiliser et allouer des fonds publics n'est pas à la hauteur des ambitions affichées à l'égard de la couverture sanitaire universelle. En 2001, les pays membres de l'Union africaine se sont donné comme cible d'allouer au moins 15 % de leur budget annuel au secteur de la santé. À aucun moment depuis, plus de quatre pays n'ont atteint cette cible. En février 2023, les leaders africains ont réitéré leur engagement à atteindre cette cible de la Déclaration d'Abuja. Qu'elle soit financée par une taxation générale ou un régime d'assurance maladie obligatoire, la couverture sanitaire universelle repose sur des bases financières qui demandent un degré de redistribution que bien des leaders politiques ne sont pas disposés à envisager. Elle demande aussi des systèmes robustes et efficaces d'allocation des ressources, de contrôle financier et de redevabilité.

Les obstacles liés aux droits humains et au genre entravent l'atteinte de la couverture sanitaire universelle

Dans un nombre préoccupant de pays, riches ou pauvres, on néglige l'aspect « universel » de la couverture sanitaire universelle. Or comment un gouvernement peut-il atteindre la couverture sanitaire universelle tout en criminalisant ou en discriminant certaines des communautés les plus vulnérables ? Les politiques qui alimentent les inégalités de genre, qui minent les droits des femmes et des communautés LGBTQI+, qui discriminent les personnes réfugiées et autres personnes déplacées ou qui exacerbent les iniquités d'accès aux services de santé sont absolument incompatibles avec l'idée même de couverture sanitaire universelle.

Mettre fin à la pénurie de personnel de santé pour atteindre la couverture sanitaire universelle

Dans la plupart des pays d'Afrique, l'atteinte de la couverture sanitaire universelle passe par une solution à la grave pénurie de personnel qualifié dans le domaine de la santé. La plupart des pays d'Afrique manquent cruellement d'agentes et agents de santé communautaires, de personnel infirmier, de médecins, de techniciennes et techniciens de laboratoire et d'autres spécialistes. Les pays riches aggravent le problème en allant recruter par dizaines de milliers des agentes et agents de santé parmi les plus qualifiés d'Afrique pour compléter les effectifs de leurs propres systèmes de santé. Face à cet enjeu, les ministères africains responsables de la santé doivent être encore plus audacieux. Par exemple, le Rwanda a récemment lancé une stratégie extraordinairement ambitieuse, nommée « 4X4 », qui vise à quadrupler d'ici quatre ans le nombre d'agentes et agents de santé formés chaque année par le pays.

Le Fonds mondial accompagne des pays comme le Nigéria et le Rwanda dans leur parcours vers la couverture sanitaire universelle, et de plusieurs manières. La réduction du fardeau du VIH, de la tuberculose et du paludisme sauve des vies et libère des ressources dans les systèmes de santé. En tant que plus important fournisseur multilatéral de subventions pour les systèmes de santé, avec des investissements de près de deux milliards de dollars US par année, le Fonds mondial aide les pays à renforcer les composantes essentielles des systèmes de santé qui procurent des avantages bien au-delà des maladies infectieuses. Par exemple, nous finançons la construction de plus de 60 installations de production d'oxygène dans des structures de santé à travers le Nigéria, qui sauveront la vie de mères et de nouveau-nés, de victimes de traumatismes aigus et de personnes ayant besoin d'une anesthésie pour une chirurgie. Au Rwanda, nous investissons dans des outils numériques qui permettront aux agentes et agents de santé communautaires de diagnostiquer, de traiter et de suivre plusieurs maladies, y compris des maladies non transmissibles. Nous appuyons également l'établissement de nouveaux hôpitaux d'instruction afin d'intensifier la formation du personnel de santé.

Bien que la couverture sanitaire universelle soit souvent considérée comme une fin, on pourrait aussi la voir comme un moyen. En effet, c'est à travers elle que nous atteindrons le troisième objectif de développement durable, « Bonne santé et bien-être ». Pour jauger leur progrès vers la couverture sanitaire universelle, les pays doivent se baser sur des résultats mesurables et liés aux droits humains, y compris des indicateurs spécifiques aux maladies comme la réduction des décès et des infections et des indicateurs généraux comme l'espérance de vie et la mortalité infantile, maternelle et adulte. Enfin, si le nivellement des iniquités en santé est la clé de l'universalité de la couverture sanitaire, il sera impératif de voir plus loin que les statistiques agrégées. Il faudra mesurer et mettre en évidence les indicateurs qui reflètent la réalité des communautés les plus défavorisées.

Le plan audacieux de couverture sanitaire universelle du Nigéria, s'il est exécuté adéquatement et durablement, promet de sauver des millions de vies et de transformer la santé d'une nation tout entière. Mettant en pratique sa stratégie, le Fonds mondial s'est engagé à collaborer étroitement avec des pays comme le Nigéria pour appuyer la réalisation de tels plans, pour vaincre le VIH, la tuberculose et le paludisme, pour bâtir des systèmes pour la santé résilients et pour accélérer l'atteinte de la couverture sanitaire universelle.

Cet article d'opinion a été publié pour la première fois dans Forbes.

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