Afrique de l'Ouest: Est-ce que les termites sont (seulement) des nuisibles ?

analyse

En France, les termites sont considérés comme des mangeurs insatiables de bois, et donc représentent un coût relativement élevé pour nos sociétés. Et on ne parle pas de centaines d'euros mais plutôt de millions voire de milliards en Amérique du Nord et en Europe.

C'est vrai aussi que les termites peuvent, dans certains contextes, représenter une menace pour la sécurité alimentaire ou des intérêts économiques en s'attaquant à certaines cultures (maïs, canne à sucre, etc.). En Afrique de l'Ouest (Bénin par exemple) et de l'Est (Éthiopie), ce sont dans certaines situations jusqu'à plus de la moitié des cultures qui peuvent être perdues, consommés par seulement quelques espèces de termites.

Faut-il pour autant en faire une généralité ? Les termites ne font-ils que cela ? Non. Les termites (attention, on dit une fourmi mais un termite) offrent même de nombreux services que l'on appelle « écosystémiques » à la nature et nos sociétés. Ils vont par exemple mélanger les sols (on parle de bioturbation) et les rendre plus fertiles à la fois chimiquement et physiquement, par exemple en améliorant la quantité de nutriments (azote, phosphore, silice...) disponibles pour les plantes, ou en augmentant la porosité des sols, ce qui permet une meilleure infiltration et une meilleure rétention de l'eau.

Les termites, alliés des agriculteurs

Tout cela offre un avantage certain et bien connu des agriculteurs en Afrique ou en Asie. Par exemple, il n'est pas rare de rencontrer des agriculteurs épandant des sols des termitières pour améliorer la fertilité de leurs champs. Attention, ces fins connaisseurs de la nature ne détruisent pas toutes les termitières. Au contraire, ceux-ci les utilisent dans une approche durable en en prélevant seulement une partie (plusieurs mètres cubes quand même) et pas tous les ans (par exemple tous les 3 ans dans les rizières au Cambodge), conscients du temps (et du travail) que cela nécessite pour les termites de reconstruire leurs « maisons ».

Une technique traditionnelle, que l'on trouve en Afrique de l'Ouest (le « Zaï ») repose même sur la stimulation de l'activité des termites dans les sols. Il s'agit alors de faire des trous dans les sols, dans lesquels de la litière (branche, feuille, déchets organiques...) est offerte aux termites, lesquels vont « labourer » les sols en construisant des galeries et des chambres qui vont permettre une amélioration de la productivité agricole. Et tout cela gratuitement en plus ! Les termites peuvent aussi fournir des services insoupçonnés, par exemple façonner les paysages en créant des buttes de sol qui hébergent une biodiversité animale et végétale très spécifique. Biodiversité unique mais aussi très utile puisque celle-ci peut héberger des plantes aux propriétés médicinales que les habitants locaux connaissent bien. C'est le cas où, en Asie du Sud Est, les agriculteurs ont ainsi accès à une sorte de pharmacie à ciel ouvert.

Un rôle majeur dans la biodiversité

Les termites, en tant que décomposeurs (les décomposeurs sont les petites bêtes qui consomment les feuilles mortes ou les branches de bois au sol, ou encore les bouses des grands herbivores...), sont souvent la principale biomasse dans les sols, et ils sont aussi essentiels à la rétention du carbone au sol ou au retour des nutriments au sol et à la plante. Ils participent aussi à la complexité des réseaux trophiques en constituant des proies de choix pour les fourmis, les lézards, les fourmiliers, ou encore les poules, voire même les humains dans certaines cultures !

Enfin, loin de chez nous, chez certains groupes ethniques en Inde par exemple, les termites ou leurs termitières, peuvent même être utilisés dans des rituels comme des outils symboliques figurant le cycle des saisons, et les liens entre la fertilité et la fécondité des sols. En bref et pour conclure, est-ce que les termites sont nuisibles ? Oui, c'est vrai, mais quand l'on sait que c'est ainsi plusieurs millions d'euros qui sont par le monde utilisés pour se débarrasser d'eux, sans compter toute l'énergie dépensée pour faire fonctionner les cerveaux des chercheurs et des ingénieurs s'évertuant à trouver un moyen magique de les éradiquer !... Alors, ne serait-il pas temps, de regarder les verres à moitié plein et de reconnaître la grande diversité des services que nous offre la nature ?

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Écologue des sols, Institut de recherche pour le développement (IRD)

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