Ile Maurice: «Pourquoi ne pas instaurer une commission parlementaire pour enquêter sur certains cas»

19 Décembre 2023
interview

Cette année marque le 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, une initiative de l'Organisation des Nations unies qui s'est engagée à reconstruire un monde meilleur, particulièrement après l'Holocauste, les horreurs de la Seconde Guerre mondiale et la crise économique qui ont marqué cette époque. Toutefois, à Maurice, selon l'avocat et directeur de la Pro Bono Law Clinic, Me Erickson Mooneapillay, il subsiste encore de nombreux défis à relever pour garantir le respect des droits humains.

En tant que directeur de Pro Bono Law Clinic, et anciennement directeur de l'organisation non gouvernementale DISMOI, êtes-vous satisfait du niveau de respect des droits des citoyens mauriciens ?

Il semble que, du point de vue des droits humains, le pays ait connu un recul notable au cours de la dernière décennie, suscitant des préoccupations, notamment dans les rapports internationaux. Maurice est souvent cité pour des violations des droits humains, un recul du droit à la libre expression et des changements législatifs perçus comme préoccupants. Il est important de souligner que le droit à la libre expression a été restreint par de nouvelles lois, suscitant des inquiétudes quant à la présomption d'innocence et au respect des droits fondamentaux.

Ces constats conduisent à penser que, sur le plan des droits humains, le pays a régressé malgré la célébration du 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Bien que Maurice soit signataire de nombreuses conventions internationales et que sa Constitution reflète les principes des droits humains, il est regrettable de constater que ces droits sont souvent violés. Ceci ne vise pas à créer une atmosphère alarmiste, mais à souligner la nécessité de rester vigilant.

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Il est à noter que Maurice maintient une démocratie fonctionnelle avec des élections libres, ce qui constitue un aspect positif comparé à d'autres pays africains. Bien que des préoccupations subsistent, notamment en matière de droits humains, la démocratie et le suffrage universel continuent d'être des aspects préservés dans le pays.

Dans quels domaines des progrès sont-ils nécessaires pour assurer un meilleur respect des droits des citoyens ?

Vous soulevez des préoccupations légitimes concernant les infrastructures publiques et le système en place. Les lacunes dans les processus de sélection, souvent liées au copinage, peuvent conduire à la nomination de personnes inappropriées à des postes clés. Ce problème contribue à la détérioration de la qualité des services publics. Un appel à un changement dans ce système est justifié pour garantir une gouvernance plus transparente et efficace. L'impunité et la lenteur du système judiciaire, face à la corruption ou à d'autres infractions, sont également des problèmes sérieux. L'appel à une justice équitable et rapide pour tous, indépendamment de leur statut, est essentiel pour renforcer la confiance dans le système judiciaire.

Le soulignement de l'importance de l'éducation civique dès le plus jeune âge est crucial. Intégrer des cours sur les droits humains dans le cursus scolaire peut contribuer à éduquer les jeunes générations sur les valeurs fondamentales de la démocratie, de la justice et des droits de l'homme. De plus, une attention particulière doit être accordée à la prévention de l'abandon scolaire, en identifiant et en résolvant les problèmes dès le primaire, pour éviter les conséquences à long terme telles que l'incarcération. En somme, l'appel à des réformes dans les domaines de la gouvernance, de la justice, et de l'éducation civique est crucial pour bâtir une société plus juste et équitable.

Quelles initiatives pourraient-elles être mises en place pour renforcer le respect des droits des citoyens ?

Un point essentiel est de mettre en avant l'importance de l'éducation et de la prévention dans le contexte de la criminalité. La surconcentration sur la répression a souvent montré ses limites, en se concentrant principalement sur la punition sans aborder les causes sous-jacentes des comportements criminels.

La réinsertion sociale des personnes condamnées est un élément clé d'un système de justice équilibré. De plus, les droits humains ne concernent pas uniquement les criminels mais également les victimes. Il devient même dangereux lorsque la victime ne parvient pas à obtenir justice et est amenée à chercher à rendre justice elle-même. Les institutions ont la responsabilité de remplir pleinement leur rôle, et il est crucial de nommer les personnes compétentes à leur tête.

Ces derniers jours, la façon dont certains travailleurs étrangers transfèrent leurs salaires à leurs proches dans leur pays d'origine a été mise en lumière. Êtesvous d'avis que la loi devrait être renforcée afin de garantir la sécurité et la liberté de ces travailleurs ?

On oublie souvent que tous les Mauriciens sont issus de l'immigration. Leurs ancêtres sont nés à l'étranger et sont venus ici pour travailler. Lorsque l'on examine la manière dont les travailleurs étrangers sont traités, cela reflète un jugement défavorable de la part des autorités. Il est crucial de se rappeler que la façon dont on traite les membres les plus vulnérables de la société est un critère pour évaluer un pays. Il existe de nombreuses lacunes institutionnelles, telles que le lien entre le médecin légiste et le gouvernement, compromettant son indépendance. Il est nécessaire de remédier à ces lacunes institutionnelles, en s'inspirant des pratiques à l'étranger, comme la mise en place d'une commission parlementaire.

Cette commission, constituée majoritairement de membres du Parlement, pourrait identifier des problèmes, tels que ceux rencontrés dans les hôpitaux comme l'utilisation de produits expirés, ou les problèmes liés aux travailleurs étrangers. Une telle commission pourrait enquêter, mais actuellement, la législation mauricienne ne prévoit pas cette possibilité.

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