Afrique: Sécurité - L'Afrique, un continent de rivalités militaires

Le recul de la France s'accompagne d'une implantation russe mais aussi d'un maintien de la présence américaine, tandis que la Chine pourrait avoir une base navale en Afrique de l'Ouest.

Selon une étude de l' Institute for Security Studies, les concessions accordées aux armées étrangères rapporteraient plus de 300 millions de dollars chaque année au petit Etat de Djibouti, où les bases navales américaine, chinoise, française mais aussi quelques unités britanniques, japonaises et italiennes se côtoient. En 2016, l'Union africaine s'efforçait de conseiller aux Etats membres "de faire preuve de circonspection" avant de signer des accords devant conduire à l'établissement de bases militaires étrangères.

Sept ans plus tard, c'est peu dire que son conseil a été largement ignoré. Le retrait actuel de la France, plus subi que désiré, s'accompagne d'un retour assez visible de la Russie sur le continent, d'un maintien discret des bases militaires américaines et d'une question récurrente : la Chine va-t-elle ouvrir une seconde base navale, après celle de Djibouti, sur le continent ? La France reste la seule ancienne puissance coloniale à maintenir des troupes sur le territoire de ses anciennes colonies.

Le Royaume-Uni, par exemple, n'est intervenu que deux fois depuis les indépendances : en 1961 en Tanzanie et en 2000 en Sierra Leone. Paris a conduit trente-quatre opérations militaires en Afrique depuis 1960. Mais depuis les indépendances, la présence militaire française a été réduite par cinq, passant de 30 000 à 6 000 hommes.

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Une diminution constante, uniquement atténuée, entre 2013 et 2020, par les opérations Serval et Barkhane dans le Sahel. Ces deux grandes opérations anti-djihadistes ne doivent toutefois pas dissimuler une réalité assez simple : la France n'a plus les moyens financiers d'assurer son déploiement sur le continent africain. Selon un rapport du Sénat français de 2013, l'Afrique représentait 70% du budget militaire "finançant une présence ou des opérations hors du territoire national " et la moitié des effectifs humains déployés hors de France.

Ce même rapport rappelait que déjà, en 2008, le Livre blanc sur la défense nationale, chargé de tracer les grandes lignes de la future politique militaire, indiquait la volonté de la France de se retirer du continent, essentiellement pour des raisons budgétaires.

Le but aurait été ainsi de réduire ses bases militaires à trois : Djibouti, Libreville et N'Djamena. Mais rien ne s'est déroulé comme prévu. Alors que la stratégie envisagée était celle d'un retrait progressif, Paris s'est embourbé au Sahel avant de subir un revers diplomatique au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Mais cette crise aura imposé un constat évident : il n'est plus acceptable, pour les opinions publiques africaines, que des soldats de l'ancienne puissance coloniale soient encore présents. Les députés français, dans un rapport datant de mai dernier, présageaient, d'ailleurs, ce qui allait suivre : "Il est à parier qu'un désengagement militaire français serait rapidement comblé par nos compétiteurs, au premier rang desquels la Russie".

Selon le Center for Strategic and International Studies, Wagner effectuerait un milliard de dollars de bénéfices miniers annuels en Centrafrique, ce qui aiderait le Kremlin à atténuer les dommages causés par les sanctions occidentales, imposées depuis l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022. Présent avec un millier d'hommes en Libye et vise un accès au port de Benghazi ou de Tobrouk, Wagner a profité de la vague de coups d'Etat dans le Sahel.

Un millier de mercenaires russes a ainsi offert à l'armée malienne la possibilité de reprendre la ville touareg de Kidal, dans le Nord du pays. Cette expansion inquiète les Américains qui, à la différence des Français, n'ont pas quitté le Niger. Washington a investi beaucoup au Niger : la construction, depuis 2016, de la base aérienne 201 d'Agadez a coûté environ 250 millions de dollars et son coût opérationnel est de 20 à 30 millions de dollars par an. C'est "le plus grand projet de construction militaire de l'histoire de l'armée de l'air", selon le général de brigade Michael Rawls. Pourtant, les Américains sont beaucoup plus discrets que les Russes sur le continent.

Concernant cette fois le nombre de bases militaires déployées sur le continent, l'Africom n'a plus donné de réponse. Selon certains calculs, l'armée américaine dispose d'une vingtaine de bases dans une douzaine de pays africains. En dehors de Djibouti, les Etats-Unis n'ont officiellement pas de bases en Afrique, mais seulement des CSL. Pas sûr que cette classification parvienne à convaincre au-delà des responsables militaires américains.

L'offensive chinoise

La Chine avance elle aussi discrètement sur le continent. Pour l'instant, Pékin ne possède qu'une seule empreinte militaire en Afrique : sa base navale de Djibouti. Mais de lourds investissements laissent présager qu'une nouvelle base militaire pourrait voir le jour sur la façade atlantique. Aid Data met en lumière une forte concentration des investissements dans les ports d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique centrale. Pékin a ainsi, en deux décennies, investi plus d'un milliard de dollars dans le port autonome de Kribi, au Cameroun, et celui-ci est "désormais assez profond pour accueillir les navires de guerre les plus grands de la marine chinoise", précise le document.

A Djibouti, la Chine avait commencé par nier être en pourparlers pour une base militaire jusqu'à ce que la construction commence en 2016... l'année où l'Union africaine a mis en garde contre les bases étrangères. Le port de Doraleh, à Djibouti, construit par la Chine, avait été initialement présenté comme une infrastructure civile, avant d'être agrandi pour inclure une base navale. Pékin a 2 000 soldats stationnés en permanence sur sa base de Djibouti et a achevé de construire une jetée qui peut accueillir un porte-avions.

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