Congo-Brazzaville: Portrait - Boris Mikala, la vie telle une scène de théâtre

Si l'on dit que la vie est une grande pièce de théâtre, l'assertion trouve toute sa pertinence dans celle de Boris Florian Mikala, piqué par l'amour de la scène à des âges où les yeux s'émerveillent de tout, de rien, et du théâtre surtout. C'est au détour d'une vie académique pas si jolie que promise, que l'imprévu se produit et que Boris prend la vie côté théâtre, se déployant en continu telle une surprise.

Il est une vérité qui s'éprouve par le constat, ce que l'on consomme, voilà ce que l'on devient. Né en Janvier 1989 à Brazzaville, Boris Florian Mikala, ceinture du pantalon de son père, le suit partout, enfant, lors de ses déplacements professionnels et dans ses escapades culturelles.

De ce père, professeur de lettres, il hérite l'amour des arts et de la scène qui lui est perfusé dans le biberon par les habitudes culturelles qu'initie ce dernier et qui embellissent leurs semaines. En effet, par des après-midis légers et joyeux, les deux Mikala parcourent les rues et avenues de Brazzaville, respirent la simplicité d'une vie axée sur la finesse de l'esprit plutôt que sur les constantes recherches et insatisfactions matérielles.

Ils trouvent dans le Centre de formation et de recherche en art dramatique de Brazzaville (Cfrad), un cocon, un petit paradis, où de façon inconsciente et passive, Mikala fils vit une initiation aux arts de la scène dont personne ne mesure encore l'influence sur son chemin de vie.

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Faisant son cycle secondaire dans un lycée de Brazzaville, Boris choisit le cursus général et l'option « lettres » pour demeurer au plus près de ce qu'il a reçu de son ascendant. Il initie des cercles de ce qu'il considère comme étant des prémices du théâtre: des petits dialogues entrepris avec emphase, des mouvements du corps exécutés avec plus de conscience, plus d'énergie, plus d'intention, des improvisations de textes où les uns et les autres vont chercher par la force de la créativité ou des lectures qui les ont marqués la pertinence du propos ou l'impertinence, la petite phrase qui dérange, qui suscite le débat et étoffe le corps de scénettes présentées aux camarades de classe.

Son baccalauréat littéraire en poche, il intègre la Faculté de droit de l'Université Marien-Ngouabi de la capitale et continue de vouer une admiration sans mesure pour le théâtre, noué par le cordon au CfradF, qu'il rejoint souvent à la marche ou au pas de course, après avoir honoré les horaires de la faculté, afin ne pas rater le début des représentations qu'il considère essentielles pour le déroulé du scenario et ne se souciant pas du manque de sous des périodes de joyeuse pauvreté estudiantine. Mais la vie estudiantine, ce n'est pas que des galères régulières auxquelles on s'habitue dans l'espoir qu'un jour meilleur viendra, le jour de l'emploi, du recrutement, du premier salaire et de tout ce qui s'en suit ; en passant au préalable par le jour tant attendu de la diplomation, puis de ceux qui s'en suivent.

Boris n'envisage pas le théâtre comme carrière de vie, ça reste une passion, qui passe en second plan après ses études et leur suite naturelle et promise. Seulement, voilà, la vie académique, comme la vie de tous les jours elle-même, constitue une vraie pièce de théâtre entre notes qui disparaissent sans laisser de traces, fiches non-archivées qui rallongent les semestres d'unités de valeurs pourtant validées sans plus désormais de preuve sans que ça ne soit la faute de personne et que cela passe pour normal.

Boris éprouve une véritable lassitude après l'obtention de sa licence et ne se projette plus en cycle master, malgré la réapparition, miraculeuse, de ses notes.

Il fait un véritable choix de vie en orientant son avenir côté théâtre, un choix aidé par un déclic qui se produit en 2011 sur la scène de l'Institut français du Congo lors de la présentation d'une pièce intitulée " Le pasteur et la prostituée ", mise en scène par Fortuné Bateza, interprétée par ce dernier et Liz-Beth Mabiala. L'impression de voir le temps suspendu, le monde s'arrêter, les siens de temps et de monde, Boris déclare : « J'ai eu marre de ne qu'aimer le théâtre, il fallait le faire! ».

Dans un monde où il décide de passer de la posture d'amateur à celle d'acteur, l'étape de la formation s'impose, une formation qui ne passerait que par la détection, la reconnaissance de son talent et de son désir irrépressible d'exister, sur scène. Boris se fait alors remarquer en intervenant, parfois maladroitement, lors des prises de parole liées au monde du spectacle. Il découvre ainsi le festival Mantsina sur scène, sur la chaude recommandation d'un ami pour vivre son rêve de devenir comédien. En 2012, il intègre des ateliers du Festival, une véritable institution. L'atelier de jeu d'acteur animé par Rock Banzouzi permet la détection de son talent et les recommandations qui s'en suivent.

Boris découvre un monde où le travail ne se compte pas en heures mais en volonté et en force de caractère. Il étouffe dans leur sommeil les remises en question qui planent en lui et ignore la pression familiale qu'il reçoit, se tenant à son choix, qu'il vit comme un privilège et sert de manière sacrificielle, se donnant corps et âme, sans marche-arrière. C'est ainsi qu'à partir de 2014, il devient au pauvre rang d'un simple homme mortel une institution dans l'institution Mantsina, livrant parfois jusqu'à cinq représentations d'affilée dans la programmation du Festival.

L'acteur brille par son jeu, sa capacité à se fondre dans son personnage, à faire rire sans surjouer, jusqu'à parfois se surprendre à rire de lui-même, pris en écho par le rire contagieux dont son jeu a été le germe. Boris est beau sur scène, dans la vie. Membre du collectif " Les têtes brûlées ", sa simplicité, son accessibilité, sa sympathie, le sens de sa répartie, son comique ou on ne sait si le comédien si l'homme si les deux finalement font de lui un homme à la compagnie appréciée, recherchée ; une oreille attentive et une bouche avertie qui a encore devant lui de belles années de théâtre à vivre et à faire vivre !

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