Dakar — L'ancien Premier ministre Mamadou Lamine Loum a estimé samedi à Dakar que le Sénégal souffre de la "faiblesse" de son système politique avec des formations politiques dédiées exclusivement à la conquête et à la conservation du pouvoir au détriment d'une éducation citoyenne.
"La principale faiblesse du système politique sénégalais c'est que nous n'avons pas d'offres politiques capables de challenger avec les demandes citoyennes (...) les associations et mouvements citoyens ont aussi un grand rôle à jouer dans ce domaine", a analysé l'ancien chef du gouvernement sous le régime socialiste.
Mamadou Lamine Loum intervenait lors d'un panel marquant la célébration du 10ème anniversaire de LEGS Africa, un tink tank panafricain. La rencontre avait pour thème : "L'efficience de l'action publique : entre logique de conquête de pouvoir et logique citoyenne".
Plusieurs personnalités, des universitaires et de représentants de mouvements citoyens ont pris part à cette cérémonie organisée samedi à la Maison de la presse à Dakar.
"Les partis politiques ne sont pas exclusivement dédiés à la conquête et à la conservation du pouvoir, mais ils doivent aussi veiller à l'éduction de leurs militants, à l'éducation et la conscientisation citoyennes, ainsi que la promotion des thèmes porteurs de progrès dans le cadre des politiques publiques", a préconisé l'ancien Premier ministre.
"Dans l'espace public, nous avons affaire à des personnels politiques dont le rôle est la conquête et la conservation du pouvoir (...) Mais il y a également d'autres acteurs comme la société civile et qui ont une action beaucoup plus longtermiste", a-t-il dit.
Dans son analyse du système politique sénégalais, l'ancien Premier ministre n'a pas manqué de mettre en perspective son point de vue par rapport aux futures échéances électorales. "Nous sommes à quelques encablures d'une élection présidentielle qui va sans doute compter dans notre jeune Etat. Les partis politiques doivent être comme des entités qui permettent à leurs militants de se reconnaitre à travers un certain nombre d'orientations", a plaidé M. Loum.
Pour l'économiste Ndongo Samba Sylla "les élections ne sont pas les seules mesures d'une démocratie".
"Ce qu'il faut savoir c'est que pendant plus de 2000 ans, il n'y a pas de penseurs politiques qui aient fait des élections un rituel démocratique. Une élection ne peut jamais être démocratique. Et quand vous lisez des auteurs comme Aristote, Platon ou Montesquieu, ils nous disent que l'élection est assimilée à l'aristocratie ou à l'oligarchie. Mais il y a des élections qui peuvent être plus ou moins consensuelles et qui permet d'avoir de bons candidats qui sont là pour l'intérêt général", a analysé l'économiste.
De son côté la sociologue Aoua Bokar Ly Tall a déclaré que "l'Afrique a connu la démocratie bien avant la colonisation", faisant allusion "à la charte du Mande".
"A mon avis nous ne sommes pas encore dans la démocratie parce que la démocratie avec laquelle on gère nos pays surtout les Etats francophones, c'est une démocratie venue d'ailleurs et qui colle mal avec nos sociétés et nos cultures", a-t-elle estimé.
Disciple du savant sénégalais Cheikh Anta Diop, Aoua Bokar Ly Tall a fait observer que "l'Afrique a raté le coche".
"Au lendemain des indépendances les Africains devaient s'assoir autour d'une table pour voir qu'est-ce que nous avions avant la venue des colonisateurs. Nos savoirs locaux constituent une bonne base. Nous devons les actualiser pour aller vers une démocratie à l'africaine", a-t-elle préconisé.