Des armes de plusieurs catégories, notamment des kalachnikovs, des lances grenades Rpg-7, des minutions de guerre etc., qui ont été rendues par plus de 250 ex-combattants du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc) de la faction de Diakaye (Bignona) sous le contrôle du chef de guerre Salif Sadio, ont été détruites, ce samedi, au village de Mamatoro en présence du gouverneur de la région de Ziguinchor, Mor Talla Tine et des autorités militaires et civiles. Cet acte historique vient consolider les efforts consentis jusqu'ici par les pouvoirs publics et les organisations internationales pour le retour d'une paix définitive dans toute la verte Casamance en proie à un conflit armé vieux de plus de quatre décennies.
ZIGUINCHOR- Sous le soleil de midi, des flammes se constituent et une couche de fumée se dégage et envahit aussitôt le ciel de Mamatoro. Ce n'est pas un incendie qui vient de ravager ce petit village d'agriculteurs et d'éleveurs niché dans de l'arrondissement de Nyassia. En revanche, c'est le feu qu'on a mis sur les armes (kalachnikovs, des lances grenades Rpg-7, des minutions de guerre etc.), bien rangées et rendues par une partie du Mfdc qui est à l'origine de cette couche de fumée qui enveloppe le ciel.
Ces étincelles constituent un brin d'espoir pour toutes les populations de la Casamance et le Sénégal entier qui aspirent à une paix définitive, gage d'un meilleur-être et un avenir radieux pour le Sud du pays. Cette cérémonie d'incinération s'est déroulée ce samedi 23 décembre sous les yeux admiratifs de plusieurs autorités administratives, militaires et civiles y compris ceux-là, qui, le samedi 13 mai 2023 ont accepté de déposer les armes dans le village de Mongone, commune de Djinacky, département de Bignona. A compter de ce jour, les Casamançais n'entendront jamais le crépitement de ces armes qui ont été brulées. Un épisode marquant la signature de l'acte 3 de l'accord de paix entre l'État du Sénégal et le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc).
Après Mongone pour le dépôt des armes, Mamatoro où l'on note souvent un calme olympien a reçu des hôtes de marque pour procéder à l'incinération. Présent à cette cérémonie de destruction des armes, le président de l'Initiative pour la réunification des ailes politiques et armées (Irapa) du Mouvement des forces démocratiques de Casamance, Lamine Coly a affirmé cet acte symbolise un grand pas vers la paix définitive en Casamance. «Une partie du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance a accepté de déposer les armes.
Aujourd'hui (samedi), la destruction de ces armes se déroule sous tous les yeux des Casamançais. Désormais, tout le monde sait que ces armes ont été détruites», s'est-il félicité. Pour parvenir à ces résultats concrets, M. Coly a reconnu que l'État du Sénégal et les acteurs qui l'accompagnent dans ce processus n'ont cessé de se mobiliser tout en privilégiant la voie du dialogue. De l'avis du président de l'Irapa, l'État du Sénégal «a montré qu'il est vraiment prêt pour qu'il y ait une paix définitive en Casamance ».
Lamine Coly a tout de même mis à profit cette cérémonie de destruction des armes pour exprimer toute sa gratitude aux ex-combattants du Mfdc « qui ont eu le courage de faire la guerre mais qui ont eu également le plus grand courage de faire paix ». La paix, a insisté le président de l'Initiative pour la réunification des ailes politiques et armées du Mfdc, « c'est moi, c'est toi et c'est lui et c'est nous tous. Donc, la paix c'est pour tout le monde. Et Dieu bénira celui qui oeuvre pour la paix ». Une parabole qui en dit long sur la détermination de Lamine Coly et des autres clés dans ce processus de travailler à permettre à la Casamance de retrouver cette paix définitive tant chantée en choeur et si convoitée par tous.
Amiral Farba Sarr : «Toutes les factions prêtes à négocier y compris Salif Sadio»
Représentant du Mouvement contre les armes légères en Afrique de l'Ouest (Malao), structure chargée de la réception, de la sécurisation et de la destruction des armes, Cheikh Cissé a magnifié le geste des ex-combattants de Diakaye. Pour lui, le fait de choisir la paix plutôt que la guerre est un geste de courage. Poursuivant, Cheikh Cissé a, au nom du directeur exécutif du Malao, Honoré-Georges Ndiaye, rappelé que cette paix peut être dure à défendre mais elle finira par triompher car elle reste la vérité. De son côté, le président du comité Ad hoc et représentant de l'État dans les négociations, l'Amiral Farba Sarr a révélé que ce sont des négociations constructives qui ont abouti à la signature des accords pour une paix «sans vainqueurs ni vaincus ». Pour la recherche d'une paix et d'une stabilité définitive, l'amiral Farba Sarr a indiqué que l'État «va tout mettre en oeuvre pour respecter ses engagements». Aussi-t-il révélé que toutes les factions sont prêtes à discuter avec le Gouvernement y compris Salif Sadio.
La reconnaissance de l'État aux ex-combattants
Venu présider la cérémonie de destruction des armes des ex-combattants du Mfdc, le gouverneur de la région de Ziguinchor, Mor Talla Tine a salué les avancées qui ont été notées dans le processus de paix en Casamance. Le successeur de Guédji Diouf, actuel gouverneur de Tambacounda a magnifié la posture des ex-combattants du Mfdc, membres de faction de Diakaye. D'après lui, c'est un pas supplémentaire vers la matérialisation d'une volonté commune de faire de la paix, la seule alternative viable au développement de notre région et au-delà, de notre pays.
Aussi, le chef de l'exécutif régional a tenu à les rassurer quant à disponibilité du Gouvernement du Sénégal d'être aux côtés des ex-combattants pour leur faciliter la réintégration socio-économique. «Après de nombreuses années de lutte armée, en cette matinée radieuse du 23 décembre 2023, veille de Noël, nous voilà réunis pour procéder à la destruction des armes issues dudit accord (...). Vous conviendrez avec moi que le chemin a été long et parsemé de nombreux obstacles. En effet, ce qui semblait relever de l'impossible s'est finalement concrétisé grâce à l'engagement inébranlable et la détermination sans faille des deux parties.
Par ma voie, l'État du Sénégal vous témoigne toute sa reconnaissance», s'est-il réjoui, réitérant « l'appel constant » de l'État au dialogue et au dépôt des armes et à la paix définitive. «Acceptons de nous engager résolument sur le chemin de la paix. Car, elle est la seule et l'unique alternative pour le rayonnement économique et sociale de la Casamance ».
Restant sur la même dynamique, l'ancien préfet de Dakar a dit « un grand merci aux ex-combattants de Diakaye qui ont osé déposer les armes ». En posant un tel acte, le gouverneur Mor Talla Tine a soutenu que ces derniers ont contribué à la matérialisation du souhait ardent des populations, de vite tourner la page sombre du crépitement des armes qui a toujours rythmé leur quotidien et hanté leur sommeil. De plus, il a précisé que l'État prendra toutes les dispositions en respectant tous les engagements contenus dans l'accord de Mongone qui a conduit à la cérémonie de Mamatoro.
Oui à la paix, adieu la guerre !
A l'aube des années 1980, la Casamance avait été plongée dans une crise armée sans précédent, avec son lot de morts, de mutilés de guerre, d'accidentés de mines, de villages déplacés, de populations sans pièces d'état-civil etc. Bref, la Casamance a sombré dans le chaos. Au fil du temps, des initiatives ont été menées pour tenter de stopper cette guerre interne aux multiples conséquences.
Les deux parties belligérantes acceptent de négocier mettant en avant l'intérêt des populations. Au terme de ces négociations, plusieurs accords ont été paraphés. Et en 2008, des armes ont été remises de façon volontaire par des combattants du Mfdc. C'était à Samine, dans le département de Goudomp, l'autre partie de la Casamance décimée par le conflit armé. Le 13 mai 2023, après un long processus, une autre aile a décidé de déposer les armes optant ainsi pour la paix. Rien que la paix. Ces armes ont été incinérées ce samedi 23 décembre.
Des étapes décisives et d'une haute portée historique qui ouvrent des perspectives pour une paix définitive en Casamance. Après le dépôt des armes, les ex-combattants ont sollicité l'accompagnement des pouvoirs publics et des partenaires. Tous, ont reconnu qu'il y un temps pour la guerre et un temps pour déposer les armes et faire la paix. Avec de tels engagements, c'est un nouveau chapitre qui s'ouvre en Casamance. Cette Casamance qui est en train de dire à Dieu à la guerre !