Tunisie: Forte abstention lors des élections locales - Quels enseignements pouvons-nous tirer ?

26 Décembre 2023

Selon les données de l'instance électorale, le taux de participation au scrutin a dépassé 20% dans les gouvernorats de Sidi Bouzid, Kasserine, Siliana et Zaghouan, alors que les gouvernorats du Grand Tunis ont enregistré les taux les plus faibles.

Encore des élections marquées par un large taux d'abstention. Seulement une personne inscrite sur neuf est allée voter dimanche dernier lors des élections des conseils locaux, soit un taux de participation de 11,66%. Si, selon l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie), il s'agit d'un taux de participation «respectable, dépassant même celui du premier tour des dernières Législatives», ces résultats ont donné lieu à un grand débat, non seulement au sujet de ces élections, mais surtout autour de la relation entre les Tunisiens et la vie politique. En effet, les élections locales ont été marquées, hier, par un taux de participation relativement faible remettant en question l'intérêt des Tunisiens à la vie politique au coeur d'une situation sociale marquée par les pénuries interminables des produits de base.

Selon les chiffres de ladite instance annoncés par son président, Farouk Bouasker, ce taux correspond aux votes de 1.059.0004 voix parmi 9.080.987 électeurs potentiels. Les taux de participation les plus élevés ont été enregistrés dans les gouvernorats de l'intérieur puisque, logiquement, ces élections s'intéressent essentiellement aux questions de développement régional et local. Toujours selon les données de l'instance électorale, le taux de participation au scrutin a dépassé 20% dans les gouvernorats de Sidi Bouzid, Kasserine, Siliana et Zaghouan, alors que les gouvernorats du Grand-Tunis ont enregistré les taux les plus faibles.

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De même, le premier constat à la fermeture des bureaux de vote, aura été une absence significative d'électeurs des catégories jeunes et femmes aux élections locales, malgré le fait que 22% des candidats soient des jeunes. Les statistiques officielles livrées à la fermeture des bureaux de vote ont, en effet, montré que seuls 19.51% des électeurs de moins de 35 ans ont voté, et seuls 32.37% des votants étaient des femmes. Des chiffres qui ont été confirmés par les ONG spécialisées dans l'observation des différents processus électoraux. Ainsi l'Observatoire «Chahed» pour le contrôle des élections et l'appui aux transitions démocratiques et le réseau Mourakiboun ont annoncé des taux de participation situés entre 11 et 12%

Un désintérêt plutôt qu'un boycott

Pour revenir sur ces taux, les différents membres de l'Isie affirment que l'instance a fait de son mieux pour remplir sa mission portant notamment sur l'inscription des électeurs et l'organisation logistique du scrutin. Contactée, Najla Abrougi, membre de l'Isie a évoqué un contexte général qui aura influencé ce taux de participation, notamment dans les grandes villes. Elle évoque même la guerre à Gaza comme facteur observé d'abstention. «Il faut dire

que le contexte général et notamment la guerre à Gaza peuvent l'expliquer. L'instance électorale a rempli sa mission notamment au niveau de la sensibilisation des électeurs et sur le plan logistique», a-t-elle insisté. Autant dire que l'abstention aux élections locales est un phénomène en constante progression en Tunisie, depuis l'élection présidentielle anticipée.

Pour les observateurs de la scène politique, les Tunisiens sont de plus en plus nombreux à se désintéresser de la politique et à ne plus croire en la capacité des élus à résoudre les problèmes qui les concernent. Si ces élections n'ont pas fait l'exception puisqu'elles ont renforcé le constat et confirmé cette tendance qui met à mal toute la vie politique et démocratique, ce sont surtout les jeunes et les femmes qui manifestent un désintérêt plus marqué à la chose publique de plus en plus grandissant.

Absence des partis politiques

La question de l'absence des partis politiques qui ont décidé de boycotter ce scrutin explique également ce faible taux de participation. D'ailleurs, le constat est confirmé chez le réseau Mourakiboun qui fait état d'un taux de participation «extrêmement faible». «Nous pensons que l'absence des partis politiques et la non-implication des acteurs politiques dans ce processus électoral pourraient expliquer ces faibles taux de participation», explique à La Presse Slim Bouzid, président de Mourakiboun, mettant en garde contre l'exclusion des différentes composantes de la société civile dans l'élaboration des processus électoraux.

Cette abstention aura des conséquences importantes sur la vie politique locale et la décentralisation du pouvoir exécutif et législatif. Mais réduira-t-elle la légitimité des élus et rendra-telle plus difficile la prise de décision au niveau local ? L'Isie semble anticiper cette polémique, en déclarant que les conseils locaux seront installés dans les délais indépendamment des taux de participation. «La légitimité de ces conseils n'est pas liée aux taux de participation aux élections locales», a insisté Najla Abrougi, membre de l'Isie.

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