C'est une écrivaine qui fait revenir les Tunisiens vers la lecture, dans un pays qui compte peu de bibliophiles. Avec des milliers d'exemplaires vendus à chaque publication, les livres de la Tunisienne Faten Fazaa font l'exception. Écrits en derja, le dialecte tunisien, et non en arabe classique, ses ouvrages drainent des jeunes lecteurs, surtout des femmes.
Lors d'une séance de dédicace de son dernier livre à Tunis, ses fans sont venus en grand nombre : une file d'attente de plusieurs centaines de personnes, en majorité des femmes. Devant un café de la Goulette à Tunis, la dédicace du dernier livre de Faten Fazaa, Kafichanta, a attiré de nombreuses lectrices.
Wahida, gestionnaire de société, est venue avec son exemplaire sous le coude, accompagnée de ses deux filles. « Je suis fan de Faten, je lis ses livres parce qu'elle parle toujours des choses qui sont réelles. Elle est divorcée maintenant, elle a beaucoup de problèmes et il y a beaucoup de femmes qui sont comme ça en Tunisie, qui souffrent », dit la lectrice. Pour elle, la langue utilisée par Faten, le dialecte tunisien, la rend très accessible. « Je lis le français, je lis un peu l'anglais, je lis l'arabe, mais notre langue, c'est plus facile à lire et à comprendre », poursuit Wahida.
Safeh Goumedi, 42 ans et femme au foyer, a découvert Faten Fazaa sur les réseaux sociaux. « Après que tout le monde en a parlé sur un groupe Facebook, je suis allée acheter l'un de ses livres et ça a été le coup de foudre. En fait, je trouve qu'elle décrit le quotidien des femmes en détail, de façon très réaliste, de ce que l'on peut ressentir et qu'on ne dit pas », explique-t-elle. Les relations mère-fille, le célibat, l'homosexualité... L'écrivaine aborde tous les sujets. Une liberté qui lui a valu d'être souvent victime de polémiques et de cyberharcèlement en Tunisie.
Faten Fazaa devenue écrivaine grâce aux réseaux sociaux
Rien ne prédestinait Faten Fazaa à l'écriture, malgré l'héritage de son père, Tahar Fazaa, écrivain et journaliste connu en Tunisie. Autodidacte, elle a commencé par rédiger des statuts et histoires sur le réseau social Facebook en 2009, qui sont ensuite devenus des histoires à part entière dans des livres inspirés principalement par la communauté qu'elle a développé sur les réseaux sociaux avec qui elle interagit. Du divorce aux problèmes de charge mentale, l'écrivaine écrit surtout sur l'intimité des femmes.
Son dernier ouvrage, Kafichanta, parle du cancer du sein, un sujet tabou chez beaucoup. « J'ai l'une de mes abonnées sur Instagram qui est aussi une amie. Elle est médecin et elle m'a contactée en me demandant de parler des femmes atteintes du cancer du sein, raconte-t-elle. Ce dont elle voulait que je parle plus particulièrement, c'est le phénomène de rejet par leur mari : beaucoup de femmes malades sont repoussées par leur mari qui ne supportent pas le changement dans leur corps, l'ablation d'un ou des deux seins. Ils ne veulent plus avoir de rapports intimes avec elles par exemple, et cela affecte beaucoup les femmes. Moi, j'écris plus pour aider les gens à guérir de leurs maux que pour la littérature. Donc j'avais envie de donner de l'espoir à ces femmes et de les aider. »