Dakar — L'ancien recteur de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) Pr Ibrahima Thioub estime que l'argent ne doit pas être le critère déterminant de l'accès ou du maintien des étudiants dans le système éducatif.
"L'argent ne peut pas s'ériger en facteur d'accès ou de maintien dans le système éducatif", a déclaré Ibrahima Thioub, à l'occasion de l'amphi de rentrée et la cérémonie de remise des diplômes aux étudiants de la faculté des Sciences et Technologies de l'éducation et de la formation (FASTEF).
"L'éducation relève du service public, qu'elle soit publique ou privée. Ce service public peut être délégué à des tiers", a dit l'ancien recteur de l'UCAD, en prononçant la leçon inaugurale de cette amphi de rentée, placée sous le thème "Entre privatisation et service public : le Sénégal face au défi académique".
Le Pr Thioub rappelle que l'intervention du privé reste encadrée par ce principe intangible qui est que "l'éducation n'est pas une marchandise".
"L'accès doit être le plus large possible pour tous les citoyens et nul ne peut en être privé, du fait de la faiblesse de ses ressources financières", a tranché Ibrahima Thioub.
Il estime qu'il est nécessaire de prendre un minimum de dispositifs pour avoir des coûts "raisonnables" et non discriminatoires.
"La mercantilisation qui semble de plus en plus irréversible va à contre-courant des intérêts du pays, va à contre-courant du service public et en conséquence nécessite d'être corrigée", a affirmé l'universitaire sénégalais.
Il suggère à cet égard la mise en place de cadres juridiques, mais également de dispositifs permettant d'assurer le respect de ces cadres juridiques.
"Nous devons pouvoir laisser la liberté de choix à chaque famille de choisir le système où il envoie ses enfants. Mais le système public a l'obligation de mettre en place des infrastructures, des équipements, un dispositif qui couvre tout le territoire national, un système public performant qui oblige le privé à la qualité", a expliqué l'historien sénégalais.
"Sans cela, dit-il, cette discrimination qui renforce les inégalités sociales va se perpétuer, va même s'approfondir et cela est porteur d'un certain nombre de dangers".
Il estime que "la lutte doit porter sur le refus de la mercantilisation de l'éducation et particulièrement de la transformation de l'enseignement supérieur en marchandise qui obéit simplement à la loi de l'offre et de la demande".
D'après Pr Ibrahima Thioub, l'éducation est trop sérieuse "pour être laissée exclusivement entre des mains privées, elle doit marcher sur ses deux jambes".
Les deux systèmes peuvent cohabiter, les deux systèmes sont "nécessaires", a-t-il cependant relevé.
L'ancien recteur de l'UCAD pense qu'il est aussi "nécessaire" de renforcer, aujourd'hui plus qu'hier, les investissements dans l'éducation.
C'est "la seule façon de sortir l'Afrique du sous-développement et de ses positions subalternes à l'échelle du monde", a estimé Ibrahima Thioub.