C'est une journée chaude du 27 décembre 2023 qui s'annonce en République démocratique du Congo (RDC) où plusieurs candidats de l'opposition et pas des moindres, appellent à une manifestation pour dénoncer les irrégularités qui ont entaché la présidentielle du 20 décembre dernier.
Et ce, dans un climat de vives tensions où les récriminations ne manquent pas contre la Commission électorale nationale indépendante (CENI), coupable, aux yeux des contestataires, de manquements graves à même de mettre en doute la crédibilité du scrutin. De là à rejeter les résultats du vote dont les premières tendances sont plutôt favorables au chef de l'Etat sortant, il y a un pas que Martin Fayulu, Denis Mukwege et leurs camarades pourraient d'autant plus franchir qu'avant même la fin de la compilation des résultats, ils sont dans la logique de mobiliser leurs militants pour réclamer de nouvelles élections en lieu et place du scrutin du 20 décembre dernier qualifié de « simulacre d'élections ».
Et avec le ralliement de Moïse Katumbi qui passe pour être le plus grand challenger du chef de l'Etat sortant, ils pourraient d'autant plus être ragaillardis dans leur combat que des voix et pas des moindres, continuent de s'élever pour dénoncer l'organisation du scrutin.
Les Congolais devraient savoir tirer leçon de leur histoire pour se donner les moyens d'organiser des élections propres
Lequel, au-delà de l'extension de la période électorale au-delà du 20 décembre pointée du doigt par l'opposition, semble avoir accumulé les couacs organisationnels au point d'être qualifié de « gigantesque désordre » par le cardinal Fridolin Ambongo.
Même si pour l'heure, la voix de l'archevêque de Kinshasa est loin d'être celle officielle de la très influente Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) qui « attend les rapports de différentes missions d'observation, notamment celui de la mission conjointe de l'Eglise catholique et de l'Eglise protestante, qui pourrait nous aider à prendre la mesure des irrégularités constatées et à en évaluer l'impact sur la crédibilité de ces élections », elle ne manquera pas de servir d'adjuvant aux contestataires.
Toujours est-il que prenant la mesure de la situation, le pouvoir a pris des mesures de sécurité, à travers une présence renforcée de soldats lourdement armés, arpentant les artères de certaines villes dont Lubumbashi connue pour être le fief de l'opposant Moïse Katumbi qui a aussi appelé ses ouailles à se joindre à la manifestation. C'est dire si dans l'attente des résultats provisoires, les tensions restent très vives au lendemain de cette présidentielle qui n'a pas fini de faire parler d'elle.
Et il faut d'autant craindre le pire que la tension semble non seulement à son paroxysme, mais les ingrédients d'une crise postélectorale sont réunis et menacent de faire sauter la cocotte-minute dans une RDC devenue coutumière des violences postélectorales. Comment peut-il en être autrement quand les acteurs politiques engagés dans les processus électoraux semblent plus portés sur la rue qu'aux voies légales de recours en cas de contestation ?
Comment peut-il encore en être autrement quand leurs jugements et autres positions restent à géométrie variable selon que les résultats des élections leur sont favorables ou pas ? C'est dire si en plus de grandir politiquement, les Congolais devraient savoir tirer leçon de leur histoire pour se donner les moyens d'organiser des élections propres.
Et ils sont d'autant plus appelés à vaincre le signe indien qu'en plus de contribuer à ternir l'image du pays, la récurrence des crises pré et postélectorales ne manque pas d'interroger sur le niveau d'engagement d'une classe politique incapable de s'élever au-dessus de ses intérêts égoïstes pour mettre en avant l'intérêt national. Et ce dans un pays qui présente encore, plus de soixante ans après son indépendance, le paradoxe de ses immenses richesses naturelles à côté de l'extrême pauvreté de la grande masse des populations.
Au-delà des enjeux de ce scrutin, il appartient au peuple congolais de se montrer vigilant
Pour un pays qui aspire au développement, cela sonne comme une interpellation de la classe politique, avec des acteurs souvent prompts à s'étriper pour des strapontins, mais dont les objectifs, une fois élus, semblent aux antipodes des aspirations du peuple congolais.
C'est le lieu de dénoncer l'inconséquence de l'opposition congolaise, incapable de s'entendre en amont, en raison d'ego surdimensionnés, autour d'une candidature commune pour se donner les meilleures chances de provoquer l'alternance dans les urnes, mais qui, sentant les carottes presque cuites, se trouve subitement assez d'atomes crochus pour s'unir dans la contestation. En tout état de cause, comme le dit l'adage, « nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes ».
C'est pourquoi, au-delà des enjeux de ce scrutin, il appartient au peuple congolais de se montrer vigilant. Non seulement pour ne pas se laisser entraîner aveuglément dans des manifestations susceptibles de mettre inutilement en péril la paix sociale. Mais aussi pour ne pas avoir à payer le plus lourd tribut de contestations postélectorales qui finissent bien trop souvent par des arrangements entre politiciens, comme cela s'est souvent vu dans bien des pays.