Sénégal: Des artistes sénégalais interpellent le président Macky Sall pour l'application effective de la rémunération pour copie privée

Dakar — Des artistes sénégalais ont interpellé, mardi, le président de la République Macky Sall en vue de l'application effective des décrets d'application instituant la rémunération pour copie privée.

"Nous subissons une injustice depuis quinze ans que la loi sur le droit d'auteur et les droits voisins a été votée en 2008. Nous demandons au président de la République d'agir dans l'immédiat, surtout pour nous les artistes interprètes. Les droits voisins ne sont pas appliqués depuis l'adoption de la loi", a déclaré le comédien Mactar Diouf.

Pour lui, la question est de savoir qui a intérêt à bloquer le processus d'application de cette rémunération "légitime" instaurée par la loi pour la reproduction du travail des artistes.

Il s'exprimait lors d'une conférence de presse organisée par des artistes. Cette rencontre avec la presse a vu la présence des cinéastes Clarence Delgado, Joseph Sagna, d'écrivains comme Abdoulaye Fodé Dione, de chanteurs, dont Didier Awadi et Yoro Ndiaye. Les danseurs Gacirah Diagne et Malal Ndiaye ont pris part à la rencontre aux côtés d'autres artistes.

Cette sortie médiatique fait suite à une campagne lancée par des artistes il y a deux semaines sur les réseaux sociaux, pour "exiger" l'application de la loi.

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La rémunération pour copie privée instaurée par la loi sur le droit d'auteur et les droits voisins est une redevance prélevée sur les supports d'enregistrement tels que les disques durs, les clés USB, les cartes mémoires, CD ou DVD.

Elle est destinée à compenser le préjudice subi par les auteurs, artistes, éditeurs et producteurs du fait du manque à gagner résultant de cette utilisation massive et gratuite de leurs oeuvres.

Pour le président de l'Association des métiers de la musique (Ams), Daniel Gomes, si on ne prenait en compte que les téléphones portables qui entrent dans le pays par an, "on en serait à deux milliards de perte pour les ayants droit".

"L'Etat nous doit trente milliards de francs Cfa à ce jour pour défaut d'application de la loi. L'Etat nous doit de l'argent", insiste-t-il, relevant que la rémunération pour copie privée est une directive de l'Union monétaire ouest Afrique (Uemoa) signée par le Sénégal. "Jusque-là tous les autres pays de l'Uemoa ont appliqué cette directive, sauf le Sénégal", s'offusque-t-il.

La loi a été votée en 2008, les décrets d'application signés en 2017 et une commission mise en place la même année.

"A chaque fois qu'on demande, il [le gouvernement] dit qu'on y travaille. 2008, 2016. Aujourd'hui, on est à la fin de 2023, toujours rien. (...) Nous demandons à M. le président de la République de nous donner un décret spécial qui instaure la copie privée", réclame le président de l'AMS.

Selon lui, les artistes ne quémandent pas, mais réclament un « droit reconnu par la Constitution ». « Nous ne voulons plus être perfusés", martèle Daniel Gomes. Les artistes n'excluent pas "de porter plainte contre l'Etat".

"C'est un scandale", renchérit le rappeur Didier Awadi qui abonde dans le même sens, tout en revenant sur les actions menées pour l'application de la copie privée.

"Avec le ministre Abdoulaye Diop [ancien ministre de la Culture], on lui a mis un peu de pression, rien ne s'est passé. A la présidence, lors d'une audience, le Président [de la République] lui a dit de mettre le taux à 10 %, il ne s'est rien passé jusqu'aujourd'hui. Abdoulaye Diop est parti", fulmine le producteur et fondateur du studio Sankara.

Il rappelle qu'avant que le nouveau ministre de la Culture et du Patrimoine historique, Aliou Sow, ne prenne fonction, « on lui a dit qu'il y a deux enjeux dans le secteur : la copie privée et le statut de l'artiste. Il ne reste que deux mois, et toujours rien".

"C'est un manque de respect pour un artiste d'aller au Festival national des arts et de la culture pour faire la fête quand il y en a qui vont mourir pour des urgences", a déclaré Didier Awadi, lançant un appel au chef de l'Etat au vu de l'urgence de la question.

En Algérie, au Burkina Faso, au Maroc, en Côte d'Ivoire, au Cap Vert, la rémunération pour copie privée est appliquée, indique-t-on.

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