Aujourd'hui, il est plus qu'urgent pour les institutions financières de digitaliser non seulement tous leurs services mais également digitaliser leurs processus en interne et toutes leurs structures qui doivent être alignées pour assurer une continuité et une durabilité du service et réussir ainsi leur transition digitale.
Parmi les plus grands défis aujourd'hui figure l'intégration optimale du digital dans les secteurs économiques. L'inclusion financière implique la digitalisation du système financier tunisien. Quelle lecture faites-vous sur cette approche ?
L'intégration optimale du digital dans les secteurs économiques, y compris la digitalisation du système financier, représente aujourd'hui un enjeu vital et une grande opportunité pour améliorer l'inclusion financière, permettant à un plus grand nombre de personnes d'accéder aux services financiers. La finance digitale permet l'accès à des services financiers à travers le mobile Banking, le Paiement mobile, la Banking Tech, l'Open banking ou encore l'E-Banking. Plusieurs technologies numériques (cloud, big data, machine learning, IA, blockchain, IoT) se cachent derrière ces termes et constituent les vecteurs de la révolution digitale.
Le recours à ces outils permettrait d'atteindre une catégorie de la population exclue des services financiers traditionnels qu'elle soit à faibles revenus ou géographiquement éloignée. Il existe donc un lien étroit entre finance digitale et inclusion financière. On assiste par exemple partout dans le monde à l'émergence des fintechs (comme les «néobanques») qui offrent des services bancaires et financiers innovants, 100% digitaux, à faibles coûts, sécurisés et vont même jusqu'à proposer de nouveaux modes de paiement. Ceci a pour effet d'atteindre une clientèle laissée pour compte dans l'économie en s'adaptant à ses besoins et de lutter ainsi contre l'exclusion économique.
Quelle est votre perception de la situation générale de la finance digitale en Tunisie ?
La Tunisie a entrepris plusieurs efforts ces dernières années afin d'adopter la finance digitale pour améliorer l'inclusion financière, l'efficacité opérationnelle et stimuler l'innovation dans le secteur financier avec des initiatives telles que le développement de services bancaires mobiles, de solutions de paiement en ligne, la mise en place d'un cadre réglementaire et d'un portail national de crowdfunding. Dans l'écosystème entrepreneurial, cela s'est fait ressentir notamment par l'apparition de startup opérant dans la fintech. D'autres formes de services financiers numériques ont vu le jour bien qu'encore peu nombreuses pour répondre aux besoins d'une population de plus en plus connectée.
Les établissements de paiement ont un potentiel très important en Tunisie, et ce, grâce à une bonne infrastructure numérique (66% de la population a accès à internet) et un taux de pénétration très élevé sur le secteur de la téléphonie mobile (7 Tunisiens sur 10 ont un téléphone portable). Ce qui constitue un potentiel de croissance important à exploiter. Il est important de noter que le Covid-19 a eu pour effet d'accélérer la transformation digitale en 2020 mais cela reste encore assez timide. Seuls 4% des Tunisiens utilisent les moyens de paiement en ligne.
Aujourd'hui, et face à ces chiffres, il est plus qu'urgent pour les institutions financières de digitaliser non seulement tous leurs services mais également digitaliser leurs processus en interne et toutes leurs structures qui doivent être alignées pour assurer une continuité et une durabilité du service et réussir ainsi leur transition digitale.
Ces défis ne sont pas uniquement limités au secteur bancaire, mais touchent l'ensemble du paysage institutionnel. Les réformes nécessaires pour encourager l'innovation, la flexibilité et l'efficacité tardent à se concrétiser. Pourtant, il est impératif de développer un écosystème favorable à la bancarisation de qualité et à un accès équitable aux services financiers.
L'inclusion financière en est encore à ses balbutiements en Tunisie. Quelles sont ses avancées et comment peut-on la développer ?
Selon un rapport publié par la Société financière internationale (IFC) en 2022, le taux de particuliers, clients d'une institution financière, a atteint 75% en 2021, contre 61% en 2018. Ceci concerne surtout les particuliers à bas revenus, les auto-entrepreneurs, les TPE et les personnes géographiquement éloignées. Ces chiffres montrent que l'inclusion financière en Tunisie a enregistré des progrès remarquables au cours des dernières années.
La Tunisie bénéficie également de services d'épargne de base abordables pour les populations à bas revenus grâce au réseau postal. Aujourd'hui, 700.000 Tunisiens visitent quotidiennement les bureaux de poste, qui gèrent 3,6 millions de comptes d'épargne. Des mécanismes de financement autres que les crédits traditionnels existent aujourd'hui en Tunisie tels que le prêt d'honneur qui permet de financer des entrepreneurs dont l'apport est insuffisant à taux zéro, il offre ainsi une solution adaptée pour répondre aux défis du développement social et économique en Tunisie.
Malgré tous ces progrès, 9% des particuliers et 29% des entreprises n'ont toujours aucun accès aux services financiers (selon le même rapport de l'IFC). Aujourd'hui, il est impératif de faire de l'inclusion financière une priorité pour le développement économique de la Tunisie en mettant en place une stratégie nationale et en joignant les efforts des institutions publiques et privées. (Les partenariats public-privé pouvant aider à créer des solutions financières inclusives et à promouvoir l'éducation financière). Cette stratégie comprend des réformes réglementaires ayant pour but de faciliter l'accès aux services financiers innovants tout en veillant à la sécurité des transactions et à la protection des consommateurs annexés à des mesures renforçant l'éducation financière.
Encourager l'entrepreneuriat peut également contribuer à l'inclusion financière car en soutenant les petites entreprises et les entrepreneurs locaux, on peut créer des opportunités économiques qui favorisent l'accès aux services financiers. Et bien évidemment, toutes les mesures citées ne peuvent aboutir sans une transformation digitale réussie du système financier. Mettons-nous au travail et oeuvrons ensemble pour une Tunisie inclusive et prospère !