Si Martin Fayulu, président de l'Ecidé (Engagement Citoyen pour le Développement) et candidat à la présidentielle du 20 décembre 2023 rêvait d'un bain de sang hier à Kinshasa pour faire accréditer la thèse du rejet, par le peuple, des résultats partiels de ce scrutin, force d'admettre que le piège du chaos postélectoral n'a pas du tout fonctionné.
C'est la faute à la démobilisation générale qu'il avait lui-même provoquée dans les rangs de ses cadres et sympathisants, en décrétant le boycott des élections, interdisant, dans la foulée, aux membres de son parti de se porter candidat à quelque scrutin que ce soit, sous peine de sanction.
Depuis son rétropédalage, marqué par son retour fracassant dans la course à la présidentielle, alors que le délai de dépôt des candidatures de ses partisans à la députation nationale et provinciale avait largement expiré, un terrible fossé s'est installé entre lui et sa « base ».
Il y a lieu d'ajouter aussi à ce tableau sombre sa rupture avec ses anciens alliés politiques dans « Lamuka », la plate-forme électorale l'ayant soutenu lors de la présidentielle de décembre 2018, notamment Moïse Katumbi et Adolphe Muzito, sans oublier son divorce avec Sesanga, Matata et Mukwege.
Hier mercredi, confiné au quartier général de son parti, l'Ecidé, sur le Boulevard Triomphal, en compagnie d'une poignée d'inconditionnels, il lui était impossible de faire bouger la rue. L'autre fait au débit de Fayulu est le district de la Tshangu, qui faisait office de sa « base naturelle » jusqu'à sa gaffe politique du vrai-faux refus de participer au processus électoral, sous prétexte que le fichier de la Ceni (Commission Electorale Nationale Indépendante) était totalement « pollué », n'a pas suivi son mot d'ordre de marche.
L'inconstance politique de Fayulu a été fort contreproductive pour lui dans sa vaine tentative de remettre en cause, sur le tard, l'organisation des élections par une centrale électorale qu'il avait feint de désavouer avant de se présenter sur la ligne de départ pour la présidentielle. La question de fonds que se posent des partisans du président de l'Ecidé ainsi que l'écrasante majorité des Kinoises et Kinois est de savoir de quoi se plaint-il, lui qui s'est soumis aux règles du jeu édictées par la Ceni, à partir du dépôt de sa candidature jusqu'au vote.
La moindre des choses qu'on attend de Fayulu qu'il puisse avoir le courage d'assumer les conséquences de sa participation. Les observateurs pensent que s'il est réellement démocrate, il devrait attendre la publication globale des résultats provisoires annoncée pour le 31 décembre 2023 et, au besoin, soit féliciter sportivement le vainqueur, soit saisir la Cour Constitutionnelle en contestation du verdict des urnes, comme il l'avait déjà fait en 2019.Martin Fayulu devrait comprendre, de lui-même qu'il n'a plus l'aura d'il y a cinq ans pour forcer la main à la Ceni, à travers des actions de rue.
Sérieusement déconnecté de sa « base » et des alliés politiques, l'attitude la plus sage pour lui serait de se soumettre à la sanction du souverain primaire, même si celle-ci parait amère et donc difficile à avaler. La vie politique de Fayulu ne s'arrête à 2023 Politicien de carrière, puisqu'il revendique sa participation à la Conférence Nationale Souveraine (1991-1992), Martin Fayulu ne devrait circonscrire sa vie politique à 2023.
Puisque Félix Antoine Tshisekedi, virtuel vainqueur de la présidentielle de 2023, épuise son second mandat en 2028, les portes de la présidence de la République restent largement ouvertes aux candidats malheureux d'aujourd'hui comme à tous ceux et toutes celles qui nourrissent des ambitions pour la magistrature suprême dans cinq ans.
On rappelle, pour les besoins de l'histoire, que François Mitterrand avait échoué face au général de Gaulle en 1965 puis contre Giscard d'Estaing en 1974 avant de se faire élire Président de la République française en 1981 et réussir un « doublé » en 1988. L'exemple le plus proche de nous est celui de l'UDPS, qui avait dû attendre 38 ans pour cueillir les fruits de la lutte pour la démocratie et l'Etat de droit de ses pères fondateurs, dont Etienne Tshisekedi d'heureuse mémoire. Fayulu, Katumbi, Muzito, Matata, Mukwege... Président de la RDC en 2028 ? Ce n'est pas impossible. La patience est amère, mais son fruit est doux, dit un adage français.