Ile Maurice: Le président Jeewooth révoqué à la veille de l'audience en Cour suprême

28 Décembre 2023

Le ministre Husnoo devait se présenter en Cour suprême aujourd'hui pour expliquer pourquoi il n'a pas encore révoqué le président du district de Flacq, Kishore Kumar Jeewooth. Une réunion a eu lieu hier au Prime Minister's Office. Suite à quoi il a été décidé qu'Anwar Husnoo devrait limoger Jeewooth.

Il aura fallu l'intervention du Premier ministre pour qu'Anwar Husnoo et Kishore Kumar Jeewooth entendent raison. Ce dernier vient d'être enfin révoqué et l'élection pour un nouveau président de conseil de district de Flacq aura probablement lieu vendredi à 15 heures.

Se retrouvant en minorité lors d'une élection le 7 décembre et ayant subi deux revers au niveau du judiciaire dont un concernant l'appel devant la cheffe juge, le président déchu du conseil de district de Flacq agissait comme si rien ne s'était passé, s'adonnant avec un certain sans-gêne à ses fonctions de président. Durant ces dernières semaines, il a été très actif sur le terrain, notamment à Olivia, pour la célébration de la Noël, à Belle-Mare pour l'inauguration d'un parcours de jogging, à Camp Ithier pour la cérémonie de pose de la première pierre d'un sub-hall, ou pour remettre des prix aux gagnants d'un tournoi de pétanque en compagnie du ministre Vikram Hurdoyal. Il a même présidé deux réunions du conseil, où il s'est retrouvé en minorité dans l'une d'elles. On l'a vu bravant la pluie, accompagné de quelques personnes, et présidant une cérémonie «rien que pour voir son nom figurer sur la plaque commémorative» nous dit-on.

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Permis aux proches

Comme président du conseil de district, Kishore Kumar Jeewooth a touché ses rétributions plus son boni d'un mois et ses allocations qui s'élèvent à plus de Rs 100 000. Il a aussi bénéficié d'une allocation de transport s'élevant à Rs 15 000, sans oublier des allocations pour le téléphone. On nous signale qu'il profite également de la voiture avec chauffeur mise à sa disposition. Certains habitants de la région de Flacq estiment que c'est un manque flagrant d'amourpropre, tant il s'accrochait à son poste.

Pour quelles raisons ? Les langues commencent à se délier à l'Est et une fois qu'il ne serait plus à son poste, on en saura davantage. On parle de permis alloués aux proches d'un ministre... Toutefois il est bon de rappeler que même s'il est limogé, Kishore Kumar Jeewooth sera éligible à poser sa candidature à nouveau comme président.

Cependant, il fallait au préalable que le ministre des Collectivités locales le révoque. Or, depuis le 7 décembre, Anwar Husnoo n'avait rien fait, jouant sur un vide de la loi. Un conseiller de district de Flacq, Chandra Dev Bundhoo, a demandé à la Cour suprême d'ordonner au ministre Husnoo de révoquer Jeewooth. Le juge Patrick Kam Sing n'a pas agréé à cette demande ex-parte le 18 décembre mais a ordonné au ministre de paraitre devant lui aujourd'hui, où il pourra s'opposer à la demande de Bundhoo. Quel est ce vide ou lacune de la Local Government Act (LGA) ? Selon l'article 36 (1) de la LGA : «Where a [...] Chairperson or ViceChairperson of a District [...] no longer commands a majority, following a motion of no confidence that has been debated and passed against him, the Minister shall revoke the [...] Chairperson or Vice-Chairperson, as the case may be, and order that a new [...] Chairperson or Vice-Chairperson be elected within 7 days of the order.» Les 7 jours de délai courent à partir de la date à laquelle le ministre des Collectivités locales révoquera le président qui a été l'objet d'une motion de blâme. Cependant, la loi n'impose aucun délai au ministre pour révoquer le président.

Dans sa demande d'injonction en Cour suprême pour que Kishore Kumar Jeewooth soit révoqué, Chandra Dev Bundhoo, reconnaît au paragraphe 21 que la LGA n'impose aucun délai au ministre Husnoo pour révoquer Jeewooth. Mais, souligne-t-il, «the wording [...] is couched in the imperative and it is only 'following' the motion of no confidence that the minister ought to proceed with revocation». En français simple, Bundhoo est d'avis que le ministre Husnoo aurait dû révoquer Jeewooth promptement. «C'est comme si, nous dit un conseiller de district, Pravind Jugnauth avait fait l'objet d'une motion de blâme mais le président de la République prenait tout son temps pour demander à quelqu'un d'autre de former un nouveau gouvernement. Et entretemps, Pravind Jugnauth continue à assister aux différentes fonctions en tant que Premier ministre.»

Pour le député travailliste et avocat Ritish Ramful, le ministre Husnoo est en train d'atermoyer en se basant sur cette «lacune» de la LGA, en prenant tout son temps pour révoquer Jeewooth. «Si le président de district n'était pas un agent du MSM, le ministre l'aurait sans doute révoqué le même jour.»

Ritesh Ramful avait, le 5 décembre, lors des débats au Parlement sur l'amendement à la LGA, signalé ce même vide dans l'amendement qui permettra désormais au ministre des Collectivités locales de révoquer quand il le voudra un conseiller municipal ou régional déclaré transfuge par son parti. «Si le conseiller est pro-gouvernemental, la révocation sera retardée, et s'il lui est hostile, sa révocation sera actée promptement.» Cela ressemblait bien à un viol de la démocratie. Mais l'intervention du PM aurait mis fin à ce viol. D'ailleurs, on se demandait ce que Husnoo allait raconter au juge aujourd'hui. Il est maintenant probable que son avocat demande à la cour de mettre fin à la demande d'injonction puisqu'il n'y a plus de live issue. Mais attendons voir.

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