Ile Maurice: Les maladies cardiovasculaires, premières tueuses des Mauriciens

28 Décembre 2023

C'est sans surprise qu'en 2022, les maladies cardiovasculaires sont restées la faucheuse n°1 des Mauriciens avec 4 377 décès, alors que le diabète a pris la deuxième place avec 2 795 morts. Le cancer n'a pas jeté sa part aux chiens et a ôté la vie de 1 456 Mauriciens. C'est ce qu'indiquent les statistiques pour 2022, publiées en septembre 2023 par le ministère de la Santé. Mais il faudra attendre la fin de janvier 2024 pour confirmer les tendances de la mortalité en 2023. Seuls un sursaut et une transformation radicale du mode de vie des Mauriciens, ce qui serait surprenant, pourraient éclaircir ce tableau sombre.

Si on détaille ces maladies cardiovasculaires tueuses que le ministère de la Santé appelle aussi maladies du système circulatoire, en pole position, on trouve les maladies du coeur, puis les congestions et autres maladies cérébrovasculaires. Et 19,3 % des 4 377 personnes tuées par ces maladies avaient moins de 60 ans. Le diabète est malheureusement aussi bien enraciné chez les Mauriciens. Le cancer du sein l'a emporté sur les autres cancers et pris la vie de 13,3 % des 1 456 personnes ayant succombé à un cancer, suivi par ceux de la trachée, des bronches et des poumons (11 %), lui-même talonné par le cancer du côlon (10 %). 47 personnes sont mortes d'une leucémie, appelée couramment «cancer du sang». Une autre cause de mortalité enregistrée en 2022 et qui est intrigante car ses causes ne sont pas déterminées dans le rapport du ministère, est la septicémie - infection générale rare causée par le développement de germes pathogènes dans le sang - qui a tué 89 personnes.

Les maladies chroniques respiratoires ont fait 162 morts en 2022. Par rapport à la pandémie de Covid-19, de janvier 2020 au 27 janvier 2023, Maurice a enregistré 1 043 morts liés au Sars-Cov-2. Entre mars et début mai, 33 Mauriciens ont été contaminés par un variant de l'Omicron. La situation semblait s'être apaisée puisqu'en août, l'hôpital ENT à Vacoas, transformé en centre unique de soins pour malades du Covid-19 au plus fort de la pandémie, a retrouvé sa vocation première. Mais le virus du SarsCov-2 n'a pas disparu pour autant des radars car en octobre, Maurice comptait 15 cas actifs et un sexagénaire infecté et souffrant de comorbidités en est mort. Depuis novembre, on assiste à une résurgence du virus, causée par un énième variant d'Omicron. Il n'a peutêtre pas la même virulence que le SarsCov-2 du début de la pandémie mais il affecte tout de même les personnes présentant des comorbidités.

Légionellose et dengue

Les pressions sur la santé publique ont démarré dès février 2023 avec une dizaine de cas de légionellose, infection bactérienne dont le vecteur est l'eau, recensée parmi les clients d'un hôtel du Sud. La source de contamination aurait été la piscine. Lorsqu'elle est sans gravité, la légionellose peut causer une petite fièvre. Mais chez des personnes souffrant de comorbidités, les symptômes peuvent être plus graves, allant de la toux à des problèmes pulmonaires. C'est au moment où les autorités sanitaires de La Réunion ont averti le ministère de la Santé mauricien que plusieurs de ses ressortissants ayant séjourné dans cet hôtel à Maurice en étaient infectés que le ministre concerné et celui du Tourisme ont conjointement animé une conférence de presse pour en parler.

Autre épidémie qui a affecté les Mauriciens en 2023 est la dengue. Si elle est apparue d'abord en juin à Rodrigues où six cas ont été enregistrés, cette maladie dont le vecteur est un moustique, a vite gagné du terrain à Maurice, affectant plus de 114 personnes à travers l'île. Il est possible qu'il y ait eu un plus grand nombre de malades de la dengue mais pas forcément signalés au ministère de la Santé. C'est à Port-Louis et dans ses régions périphériques que la dengue a davantage joué les trouble-fêtes. Il faut croire que le projet de Sterile Insect Technique consistant à relâcher 500 000 moustiques mâles stérilisés, entre novembre 2022 et janvier 2023, dans la région du Champde-Mars pour réduire la prolifération des moustiques tigres et les maladies transmises par eux comme la dengue et le chikungunya, n'ait pas fonctionné de façon optimale.

De janvier à octobre 2023, 67 bébés sont morts dans les services néonataux des hôpitaux. D'ailleurs, en septembre, il a fallu fermer temporairement l'Intensive Care Unit néonatale de l'hôpital SSRN car une bactérie opportuniste, la serratia, y a été décelée chez des bébés admis. Ceuxci ont, fort heureusement, pu être traités. Une situation jugée préoccupante par un médecin britannique qui l'a d'ailleurs évoquée dans un rapport et que le ministre Kailesh Jagutpal a tenté d'expliquer par une absence de suivi prénatal de plusieurs femmes enceintes, de même que par des grossesses tardives chez les femmes, qui repoussent l'âge de l'enfantement après la trentaine.

Après le scandale de l'achat de médicaments au prix fort et au plus fort du Covid-19, cette année, un autre genre de séisme a ébranlé les fondations du ministère de la Santé après que le 30 octobre, les députés du Parti travailliste (PTr) Ehsan Juman et Shakeel Mohamed soient parvenus à entrer dans l'entrepôt de l'hôpital A.G. Jeetoo, à Port-Louis, où sont stockés les produits alimentaires. L'endroit qui ressemblait davantage à un capharnaüm recelait des boîtes de conserve rouillées, jouxtant des produits périmés, certains datant aussi loin que 2020 alors que d'autres produits étaient posés à même le sol.

Une vidéo de l'état de cet entrepôt a été postée sur la page Facebook du député Juman, qui a allégué que des aliments avariés étaient servis aux malades. Quand cette vidéo est devenue virale, les responsables de cet établissement hospitalier se sont fendus d'une conférence de presse pour nier la chose, arguant que le service de restauration de l'hôpital avait été primé, sans préciser par quel organisme et dans quel concours, avant de se lancer dans des explications sur les procédures à suivre avant que l'administration ne puisse se débarrasser des produits périmés.

La présence des autorités sanitaires ayant été requise par les deux députés de l'opposition par le biais de la police, une équipe du département de Public Health and Food Safety du ministère a débarqué le même jour pour un constat. Peu après, l'administration de l'hôpital a fait nettoyer l'entrepôt. Le plus terrible est qu'au lieu de se remettre en question et d'en profiter pour réviser les systèmes de stockage des produits alimentaires, le ministre Jagutpal a préféré traquer celui qui avait fuité ces informations, essayant de savoir comment le député Juman avait pu pénétrer dans l'hôpital Jeetoo. Ayant appris que la fuite pouvait venir d'un fonctionnaire religieux, sa priorité a été de convoquer trois hommes religieux pour les interroger.

Pigeons et rats à l'hopital Victoria

Cette attitude semble avoir donné des ailes à d'autres fonctionnaires qui, sans doute outrés par le stockage des médicaments dans les entrepôts de PlaineLauzun et de Castel, ont fait circuler des photos qui ont atterri entre les mains d'un autre député du PTr, le Dr Farhad Aumeer. Celui-ci a posté des photos de ces entrepôts sur sa page Facebook où on peut voir des boîtes de médicaments empilées les unes sur les autres, certaines détrempées en raison sans doute d'un toit qui fuit et le député du PTr a même évoqué la présence de médicaments périmés depuis plusieurs mois.

Le député Juman contre qui une plainte a été logée, en a rajouté une couche en faisant circuler des photos de la cuisine de l'hôpital Victoria où l'hygiène est approximative et où pigeons et rats ont élu domicile. L'absence d'hygiène a également été pointée du doigt à l'hôpital Dr Bruno Cheong à Flacq. Le député rouge a d'ailleurs réclamé qu'un Select Committee soit institué pour enquêter sur cette absence d'hygiène dans les établissements de santé publics.

Acculé au Parlement par le leader de l'opposition, Xavier-Luc Duval, qui a brandi un internal audit report en date du 11 juillet 2023 venant donner raison à l'opposition, le ministre de la Santé a d'abord parlé «d'acte illégal et prémédité» des députés du PTr avant de dire que son ministère inspecte régulièrement les hôpitaux et que l'opposition «cherche la petite bête car elle serait en chute libre depuis le verdict du conseil privé» dans la contestation de la pétition électorale dans la circonscription no 8 par le député Suren Dayal et que l'opposition cherche à «détourner l'attention de cette gifle magistrale qu'elle a reçue».

Mais Kailesh Jagutpal a concédé être au courant du rapport de l'audit interne dénonçant les conditions d'hygiène déplorables dans trois établissements de soins, dont l'hôpital Dr Jeetoo, et que 86 % des recommandations de ce rapport étaient en train d'être appliquées. Or, comme l'a fait remarquer Xavier-Luc Duval, les photos prises par les députés de l'opposition prouvent que rien n'a été fait depuis la rédaction du rapport de l'audit interne. Après avoir argué que les photos des légumes pourrissants n'étaient pas de l'hôpital, le ministre de la Santé s'est contredit en venant dire que ces légumes avariés étaient en partance pour Mare-Chicose. Which is which ?

Toujours est-il que par rapport à la demande d'un Select Committee pour enquêter sur le manque d'hygiène dans les hôpitaux publics, le ministre de la Santé s'est réfugié derrière le speaker en disant que c'était à lui d'en décider. Une copie du rapport d'enquête des autorités sanitaires en date du 31 octobre et que l'express a pu se procurer et publier le mardi 21 novembre confirme qu'il y avait bien des aliments périmés depuis 2019 dans l'entrepôt de l'hôpital Dr Jeetoo à côté de produits en cours d'utilisation, notamment du lait pour enfants.

Si ce manque d'hygiène dans les hôpitaux pénalise les malades admis, les plus à plaindre sont les parents des 11 patients dialysés morts en raison du Covid-19 à l'hôpital de Souillac entre mars et avril 2021 et, qui après avoir été entendus par un Fact-Finding Committee, se sont entendu dire qu'il n'y avait eu négligence médicale que dans deux cas. Le ministre de la Santé a d'ailleurs refusé de publier ce rapport. L'affaire a été référée au Medical Negligence Standing Committee qui a écouté les parents des dialysés décédés et fait son rapport dans lequel il a estimé qu'il y avait eu négligence dans quatre cas. N'étant pas convaincus par ces versions divergentes, les parents des 11 dialysés morts en ont appelé à toutes les instances pour connaître la vérité, y compris au Directeur des poursuites publiques. Le ministre de la Santé a finalement confié l'enquête au Medical Council.

Ces proches qui n'arrivent toujours pas à faire leur deuil ont été entendus par le Conseil de l'ordre des médecins. C'est seulement lorsque ses conclusions seront connues que le Medical Tribunal pourra être saisi et que le ministère pourra prendre des sanctions à l'égard des fonctionnaires blâmés. Ce n'est qu'alors qu'une compensation financière pourra être envisagée pour ces familles. Autant dire qu'elles ne sont pas sorties de l'auberge...

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