2024 pourrait marquer la fin de trois années de tractations : l'Union européenne est sur le point de réformer son système d'asile.
En Europe, la barre du million d'arrivées de demandeurs d'asile pourrait être franchie cette année, selon l'Agence européenne pour l'asile (AEEA). Il s'agit du chiffre le plus élevé depuis 2015-2016, lorsque la chancelière allemande, Angela Merkel, lançait son fameux "Wir schaffen das!", "Nous y arriverons !", face à des centaines de milliers de personnes fuyant notamment la guerre en Syrie.
Depuis le premier janvier, plus de 350.000 personnes sont entrées dans l'Union européenne de manière irrégulière, d'après l'agence européenne de surveillance des frontières, Frontex.
Et cette tendance devrait se poursuivre en 2024, malgré les dangers, souvent mortels, que représentent les différentes routes migratoires, notamment par la mer. Selon Catherine Woollard, directrice du Conseil européen pour les réfugiés (ECRE), regroupant une centaine d'ONG, "Il y a un nombre record de personnes déplacées dans le monde et nous nous attendons à ce qu'une partie de ces personnes, un petit pourcentage si nous regardons les chiffres, continue à chercher une protection en Europe. Il est donc probable que l'année prochaine, près d'un million de personnes chercheront une protection et que la plupart d'entre elles en auront effectivement besoin."
Pacte sur la migration et l'asile
Un autre expert, David Kipp, en charge de la politique migratoire allemande et européenne à la Fondation Science et Politique à Berlin, ne voit "actuellement aucun signe de changement de tendance" puisque le nombre de crises augmente au lieu de diminuer dans le monde entier.
Les arrivées sont toutefois gérables, note Catherine Woollard. La guerre en Ukraine l'a bien montré, puisque plus de 4 millions d'Ukrainiens bénéficient aujourd'hui d'une protection temporaire dans l'UE.
C'est pourtant bien des politiques plus restrictives qui se dessinent avec le nouveau pacte migratoire, qui pourrait être adopté avant les prochaines élections européennes en juin.
La réforme prévoit entre autres, des centres de détention aux frontières extérieures de l'UE ou seraient traitées les demandes de personnes ayant peu de chances d'obtenir l'asile. Le règlement de Dublin doit également faire place à un mécanisme de solidarité obligatoire entre les États membres, pour soulager des pays du sud comme l'Italie ou la Grèce.
"Avec la responsabilité accrue des pays aux frontières de l'UE nous nous attendons à ce qu'ils réagissent en procédant à davantage de refoulements et de rejets aux frontières, affirme Catherine Woollard. Malheureusement, la situation que nous observons déjà, à savoir l'empêchement violent de l'accès aux frontières, risque donc de perdurer."
Virage à droite
L'UE veut aussi miser sur des accords migratoires avec des pays d'origine ou de départ des migrants. Bruxelles cherche ainsi à renforcer son partenariat avec la Tunisie, devenue l'un des principaux pays d'embarquement pour la traversée de la Méditerranée vers l'Italie.
Par ailleurs, d'autres partenariats, comme avec le Niger, un pays de transit, s'érodent au gré des instabilités politiques. La junte militaire a ainsi abrogé la loi anti-passeurs soutenue depuis plusieurs années par l'UE.
Pendant ce temps, de nombreux pays européens prennent des virages à droite de plus en plus serrés et les partis qui prônent des discours anti-immigration se renforcent. L'extrême droite a remporté un succès inedit aux législatives aux Pays-Bas, en France, le gouvernement est accusé de consacrer le concept de préférence nationale dans la nouvelle loi sur l'immigration, tandis qu'en Allemagne, Berlin veut accélérer les expulsions, qu'il s'agisse de demandeurs d'asile déboutés ou de migrants en situation irrégulière.
"Nous devons enfin expulser à grande échelle ceux qui n'ont pas le droit de rester en Allemagne. Nous devons expulser plus, et plus rapidement", a clairement expliqué le chancelier Olaf Scholz au magazine Der Spiegel.