Sénégal: Le difficile accès au financement et aux matières premières, une complainte des artisans de Kaolack

Kaolack, 29 déc (APS) - Les occupants du village artisanal de Kaolack (centre) sont confrontés à plusieurs contraintes, dont l'indisponibilité de la matière première, le difficile accès au financement et le faible taux de fréquentation de leur lieu de travail.

En cette matinée de vendredi, le soleil chauffe la ville de Kaolack. La porte du village artisanal est surmontée de l'écriteau "Village artisanal de Kaolack", en caractères bleus.

À l'intérieur de ce centre artisanal situé en face de l'hôpital régional El Hadji-Ibrahima-Niass, des cases éparpillées çà et là accueillent les visiteurs. Difficile d'échapper à l'émerveillement, devant la beauté des articles exposés dans des étals vitrés de moitié. Partout résonnent les coups de marteau assourdissants des artisans. La canicule ne diminue en rien l'ardeur des artisans.

Plusieurs articles sont exposés. Ce sont des sacs, des chaussures, des ceintures et d'autres produits en cuir, énumère Diassé, un artisan âgé d'une trentaine d'années, vêtu d'un caftan vert.

Les financements, une aubaine pour certains

Près de sa boutique trône un comptoir rempli de bijoux en or, qui voisine avec un atelier de confection de chaussures tenu par Souleymane. Agé d'environ 40 ans, cet artisan à la silhouette élancée et au teint basané capitalise une dizaine d'années dans la maroquinerie.

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Souleymane est convaincu que la valorisation de l'artisanat passe "inéluctablement" par la disponibilité du cuir, une matière essentielle pour la confection de chaussures, de ceintures et de sacs.

"Une partie du cuir que nous utilisons n'est pas de la région de Kaolack", signale cet artisan spécialisé dans la cordonnerie, la fabrication des couteaux et des chaussures.

"La plupart des matières premières que nous exportons sont produites au Sénégal. L'État doit mettre en place des entreprises de tannage du cuir, puisque les autres l'importent et le transforment pour ensuite nous le revendre", s'inquiète-t-il.

Le village artisanal de Kaolack réunit une centaine d'artisans qui viennent y travailler chaque jour. Grâce à leurs activités, ils parviennent à joindre les deux bouts, malgré les difficultés, selon ceux d'entre eux interrogés.

Dans une forge, le sexagénaire Mamadou Sylla dit avoir été témoin de l'ouverture du village artisanal en 1972. Cet homme ayant formé une quinzaine d'artisans ne comprend pas la difficulté de l'accès au financement de l'artisanat.

"J'ai formé beaucoup de jeunes, mais je n'ai jamais bénéficié du soutien de l'État ou de qui que ce soit. Pourtant, si on se souciait plus de notre sort, nous aurions permis à beaucoup de jeunes de trouver un emploi et une qualification professionnelle", dit l'artisan sexagénaire.

Tout en poursuivant ses explications, sous le regard de son apprenti âgé d'une quinzaine d'années, Mamadou Sylla manie un chalumeau à gaz.

Les touristes quasi invisibles

De l'autre côté du village artisanal retentissent des coups de marteau. Des chaussures, des sacs, des pagnes et d'autres objets sont exposés à l'entrée d'un atelier de cordonnerie.

Saliou Diagne travaille ici. Pour cet artisan en train de confectionner des sandales, les difficultés des artisans sont légion.

"Notre lieu de travail est un peu enclavé [...] À cause de cela, les gens viennent rarement ici. Notre principal problème, c'est la concurrence des produits fabriqués en Chine. Ils engendrent beaucoup de dommages pour nous. Le financement de l'État est une nécessité pour les artisans sénégalais", dit l'artisan âgé de 35 ans.

La rareté des clients contrarie le savoir-faire des travailleurs du village artisanal de Kaolack. Pour certains artisans, outre l'enclavement du village, l'affluence des touristes est très faible depuis la pandémie de Covid-19.

Abdoulaye Dia cire une calebasse, à l'intérieur d'une boutique mesurant à peine cinq mètres carrés. Des chaussures de fabrication locale, des silhouettes, des masques et d'autres produits artisanaux sont rangés dans la pièce.

M. Dia est né en Côte d'Ivoire et y a grandi. Faute de voir les touristes, autrefois ses principaux clients, il dit se tourner maintenant vers les émigrés, qui "achètent ces objets d'art pour leurs amis européens".

Une dizaine de tam-tams ornent le décor de la véranda de la boutique d'Abdoul Mbaye. Cet homme de teint clair et de taille moyenne propose des tableaux d'art sur lesquels sont représentés des animaux, des chaussures et des tam-tams.

"La plupart des clients sont des Sénégalais. Les touristes ne viennent presque plus ici", s'inquiète l'ancien guide touristique.

C'est la raison pour laquelle "nous louons nos tam-tams à nos compatriotes, pour l'animation de cérémonies familiales ou populaires", ajoute-t-il.

El Hadji Bitèye dit avoir trouvé une solution de rechange à l'absence des touristes. Ce tailleur d'une trentaine d'années confectionne des blouses pour l'école franco-arabe El Hadji-Abdoulaye-Niass de Sam, dans la commune de Kaolack.

Pour cette activité, il emploie une demi-douzaine d'apprentis assis sur une machine et vêtus de blouses vertes.

"Le consommer local commence à devenir l'affaire des Sénégalais. J'ai gagné ce marché de blouses, mais je confectionne aussi des boubous traditionnels", confie M. Bitèye.

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