Dakar — De sa prise de fonction officielle de président en exercice de l'Union africaine lors du 35e sommet des chefs d'Etat et de gouvernement d'Addis-Abeba (février 2022) au passage de témoin au Comorien Azali Assoumani, et même au-delà de son mandat, Macky Sall a imprimé un rythme soutenu aux aspirations diplomatiques, politiques et économiques du continent africain très souvent marginalisé dans les cadres multilatéraux de discussion et de prise de décisions impactant la marche du monde.
En février 2022, lors du 35e sommet des chefs d'État et de gouvernement africains à Addis Abeba, le président sénégalais Macky Sall succède au Congolais Felix Tshisékédi, à la présidence tournante de l'Union africaine. Il prend les commandes dans un contexte marqué l'après Covid-19 et la guerre entre la Russie et l'Ukraine.
Plaçant d'emblée son mandat sous le triptyque suivant : le financement du développement de l'Afrique et la relance des économies africaines après le COVID- 19, la stabilité du continent et la lutte contre le terrorisme, le dirigeant sénégalais s'est illustré en fin de compte dans presque tous les combats consacrés au devenir le continent africain.
Il a pris son bâton de pèlerin, plaidé, harangué et dénoncé par exemple la gouvernance mondiale toujours marquée par un confinement à la périphérie des pays du Sud, prônant à la place une gouvernance multipolaire dans laquelle l'Afrique doit prendre toute sa place au même titre que tous les blocs concentriques du monde.
Un siège de membre du G20 pour l'Afrique
Macky Sall avait fait de l'intégration de l'Afrique au groupe intergouvernemental composé de l'Union européenne et de 19 des pays les plus développés du monde, communément appelé G20, un point d'honneur, où l'Afrique du sud était le seul pays africain. Son plaidoyer a porté ses fruits, quand, le 9 septembre 2023, à New Delhi, en Inde, le sommet du G20 a officiellement entériné l'adhésion du continent comme membre à part entière de cette entité économique créée en 1999.
Dans un communiqué de son ministère des Affaires étrangères, "le gouvernement de la République du Sénégal [s'était réjoui] de la décision unanime prise (...) par le sommet du G20 de New Delhi d'admettre l'Union africaine comme membre de plein droit du groupe".
Une décision considérée comme "l'aboutissement heureux du plaidoyer" que le président sénégalais, Macky Sall, "a porté tout au long de son mandat à la tête de l'Union africaine pour l'admission de l'Afrique au G20", pour en avoir "assuré le suivi conformément au mandat qui lui avait été confié par le (...) sommet de l'Union africaine de février 2022".
Le G20 représente actuellement 80 % de l'activité économique mondiale, 75 % du commerce international et les deux tiers de la population mondiale, ce qui en fait le premier forum de coopération économique internationale.
Bons de tirage spéciaux, le combat de Sall pour la hausse de la quote-part africaine (DTS)
Sur les 650 milliards de dollars de la nouvelle tranche de droits de tirages spéciaux (DTS), décidée en 2021, l'Afrique a reçu la part la plus faible de 33 milliards de dollars, soit 5% du total alloué cette année-là. A titre de comparaison, les Etats-Unis ont reçu 113 milliards de dollars, soit 17% du montant total.
Une anomalie dénoncée par le président sénégalais, Macky Sall, en son temps, dans tous les forums et rencontres internationaux afin que le continent puisse recevoir 100 milliards de dollars, d'autant plus que l'Afrique, qui concentre le plus de pays à faible revenu fait face aux conséquences du Covid-19 et de la guerre entre la Russie et l'Ukraine.
Un certain nombre de pays avancés avaient proposé de verser à l'Afrique une partie de leur nouvelle allocation de DTS, afin d'accéder à la demande du continent.
Les DTS sont des actifs de réserve internationaux créés en 1969 par le FMI. Concrètement, ils permettent de fournir indirectement des devises aux pays membres sans créer de dette supplémentaire. Sauf que les pays riches sont les premiers bénéficiaires proportionnellement à leurs quotes-parts au capital du FMI.
Pour le cas précis du Sénégal, le Fonds monétaire international (FMI) a déclaré, au début du mois de décembre, avoir pris une mesure permettant au pays d'accéder à un financement d"'environ 166 milliards de francs CFA" au titre de droits de tirages spéciaux.
Médiation africaine dans la guerre entre Russie-Ukraine
En juin dernier, le président Macky Sall s'est rendu à Saint-Pétersbourg, en Russie, en compagnie d'autres dirigeants africains, dans le cadre d'une mission de médiation visant à mettre fin au conflit entre la Russie et l'Ukraine.
Cette rencontre avec le président russe, Vladimir Poutine, s'est faite dans le cadre de l'initiative de paix pour le règlement de la guerre russe en Ukraine au nom de la Zambie, du Sénégal, du Congo, de l'Ouganda, de l'Égypte et de l'Afrique du Sud.
Cette mission comprenait également une rencontre avec le président ukrainien Volodymir Zelensky.
La mission de médiation a produit des résultats mitigés, mais l'initiative a été appréciée par les présidents russe et ukrainien.
Les dirigeant africains leur avaient proposé une solution de paix en dix points portant entre autres sur la "désescalade des deux côtés", la "reconnaissance de la souveraineté" des pays telle que reconnue par les Nations unies, les "garanties de sécurité" pour toutes les parties, la "levée des entraves à l'exportation des céréales via la mer Noire", la "libération des prisonniers de guerre", ainsi que la reconstruction.
Après des propositions de médiation de la Chine, de la Turquie, l'Afrique ne pouvait pas être en reste. Histoire de "peser dans les affaires du monde", comme avait souligné le président Macky Sall.
Livraison gratuite de céréales russes à plusieurs pays africains
En pleine guerre russo-ukrainienne, les pays africains dépendants des importations de blé provenant de ces deux pays ont exprimé la crainte d'une crise alimentaire. En première ligne, Macky Sall, président de l'Union africaine, a effectué une visite en Russie, début juin 2023, pour négocier la "libération des stocks de céréales" auprès de son homologue, Vladimir Poutine.
En effet, il planait la menace de suspension par Moscou de l"'Initiative céréalière de la mer Noire" signé un an plus tôt entre la Russie et l'Ukraine, sous l'égide des Nations Unies et de la Turquie. Cet accord avait pour objectif de garantir un couloir maritime sécurisé pour que les navires chargés de céréales puissent traverser la mer noire.
L'Afrique, fortement dépendante des importations de blé russe et ukrainien craignait une crise alimentaire. Avec le président de la Commission de l'UA, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, Macky Sall réaffirmait son appel pour une reconduction de l'accord sur l'initiative céréalière de la Mer noire et la levée des entraves au commerce de l'engrais.
"Je voudrais renouveler mon appel pour la reconduction de l'Accord sur l'initiative céréalière de la Mer noire et la levée des entraves au commerce de l'engrais", avait-t-il dit au président de la fédération de Russie, Vladimir Poutine, dans le sillage du deuxième sommet Russie-Afrique, tenu les 27 et 28 juillet 2023.
Quatre mois plus tard, en novembre, le chef du Kremlin donnait suite à la demande de Macky Sall, en lançant la livraison gratuite de céréales à plusieurs pays africains, en commençant par la Somalie et le Burkina Faso. En tout, Moscou disait pouvoir envoyer "jusqu'à 200.000 tonnes de blé russe" à des pays africains d'ici début 2024.
De nouveaux pas dans la quête de sièges africains au Conseil de sécurité de l'ONU
Depuis des années, l'Union africaine revendique "au moins deux sièges permanents", avec droit de veto, au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. Durant son mandat à la tête de l'Union africaine, le président sénégalais en avait fait un de ses chevaux de bataille. "Cela participe de notre revendication pour une gouvernance politique et économique mondiale plus juste et plus inclusive", martelait-il dans toutes les grands-messes mondiales.
Selon lui, l'heure de la "la réforme du Conseil de Sécurité, afin que l'Afrique y trouve enfin une place plus conforme aux réalités de notre temps", a sonné.
Pour Macky Sall, le continent, de par le nombre de pays qui le composent, de son importance démographique et compte tenu de l'ampleur des défis sur lesquels le Conseil de sécurité est appelé à se prononcer, a droit à des sièges au Conseil de sécurité de l'ONU.
"Ce combat, nous continuerons à le mener parce qu'il n'a pas encore abouti", soutenait-il dans un entretien avec Al-Jazeera.