Tunisie: Projet d'amendement du texte de loi relatif aux associations - Préserver la souveraineté nationale, ne pas fausser le jeu politique

1 Janvier 2024

Certains juristes universitaires ont indiqué que ce projet de loi peut être considéré, à un ou deux éléments près, comme positif en la matière, dans le sens où il consacre et renforce la souveraineté nationale et met un terme aux risques de «mauvais financements».

Depuis quelque temps, on parle avec insistance de l'éventualité d'un amendement du décret-loi n°2011-88 du 24 septembre 2011, portant organisation des associations avec l'esprit de mieux réguler et contrôler les mécanismes et les modes de fonctionnement ainsi que surtout leur financement des associations.

En effet, dans le souci de renforcer les dispositions en faveur d'un plus grand respect de la souveraineté nationale, de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer des amendements de certaines dispositions dudit décret-loi, en vue de préserver le statut national des associations, surtout que les faits ont prouvé, plus d'une fois, que celles-ci ont été, en réalité, une porte d'entrée pour les partis politiques.

La pratique avait apporté la preuve que certains partis, et non des moindres, avaient à leurs débuts, une façade associative, dont les plus célèbres étaient Qalb Tounes et ses multiples associations dites caritatives, et Aich Tounsi, qui se sont transformées, du jour au lendemain, en partis politiques, profitant, ainsi, de leurs situation initiale pour jouer le facteur de proximité que leur procurait leur statut associatif.

%

Plus encore, en tant qu'associations, ces partis et leurs similaires ont profité de financements ultérieurs et autres dons collectés au nom des oeuvres de charité et de bienfaisance pour récolter des pactoles assez conséquents, utilisés, par la suite, à des fins politiques, voire carrément électorales.

Il ne faut pas oublier que certaines associations jouaient sur la fibre religieuse pour attirer les sympathisants et les adhérents, alors qu'elles servaient d'antichambres à des partis d'obédience et de référence religieuses dont le plus notoire n'est autre qu'Ennahdha. Ce parti avait en effet un réseau d'associations qu'il défendait sous prétexte que plusieurs aspects de ses activités -- politiques partisanes, associative, et caritatives -- étaient cloisonnés. Un fait qui n'a jamais été prouvé.

Mettre un terme au financement étranger

Parmi les voix appelant à la nécessité de tirer au clair cette situation complexe et très équivoque, celle du Président de la République qui avait pris une position tranchante dès le début de 2022, en assurant qu'il «faut mettre un terme au financement étranger des associations qui servent de couverture au financement des partis politiques».

Et d'enchaîner que «personne n'a le droit de s'ingérer dans notre politique et nos choix. Nous allons organiser ce cadre pour les ONG, mais il n'est plus question de laisser les associations servir d'intermédiaires. Que cela soit clair, nous n'accepterons pas le retour en arrière parce que le peuple l'a bien voulu».

Le Chef de l'Etat n'a pas manqué de préciser, auprès de ceux qui criaient au retour du pouvoir unilatéral, qu'il «n'est nullement question de porter atteinte aux droits et aux libertés qui sont garantis par la Constitution, tout en continuant à respecter les conventions et les traités signés...»

Or, s'il n'y a rien d'officiel, le projet de loi d'amendement existe bel et bien et a, même suscité des réactions dans les milieux politiques et juridiques. Il est composé de 26 articles allant de la définition d'une association, ses droits et devoirs, les interdictions, les conditions de création, les modalités de financement, sans oublier les limitations de certaines de leurs présumées activités et leurs domaines d'intervention, ainsi que les éventuelles sanctions à appliquer en cas d'infraction.

«Toute réforme de ce décret doit être opérée dans l'optique de l'enrichir»

Joints par La Presse, des juristes universitaires nous ont indiqué que ce projet de loi peut être considéré, à un ou deux éléments près, comme étant positif en la matière, dans le sens où il consacre et renforce la souveraineté nationale et met un terme aux risques de «mauvais financements» pouvant fausser le jeu politique.

Et d'ajouter que les garde-fous sont maintenus pour mettre fin à certains dérapages, avec le maintien de l'avantage consistant à laisser la justice dire son mot pour les cas de dissolution, tout en émettant des réserves sur les éventuelles plaintes puisque le nouveau projet laisse la liberté aux tierces parties, voire de simples individus, réclamer la dissolution d'une association quelconque devant les tribunaux.

Les mêmes juristes estiment, effectivement, que la logique veut que ce droit soit restreint aux adhérents desdites associations dans la mesure où ils connaissent les fonctionnements et les comportements des membres et des modalités de l'intérieur.

En ces mêmes moments, certaines critiques sont venues de bon nombre d'associations qui ont dénoncé l'intention de modifier le décret-loi 88 de 2011.

Elles sont plus de quarante associations à avoir signé une pétition, estimant que toute tentative d'amender le décret 88 doit advenir à l'issue de la période exceptionnelle décrétée par le Président de la République, avant d'ajouter que «toute réforme de ce décret doit être opérée dans l'optique de l'enrichir et non de l'affaiblir...»

En résumé, on enregistre, que mises à part les associations ayant adopté des positions prédéfinies, une certaine majorité se dégage pour faire valoir le caractère positif de ce projet d'amendement dans le sens où il ne touche pas aux acquis au niveau des libertés et des droits aussi bien individuels que publics.

AllAfrica publie environ 500 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.