Pour la bonne compréhension du développement qui va suivre, nous avons choisi de considérer la nécessité de doter notre pays de toutes sortes d'infrastructures physiques, morales et institutionnelles comme relevant du bâti, et, d'autre part, de lui imprimer une orientation patriotique, comme relevant de la perspective politique historique. Alors trois questions pour amorcer cette importante thématique annoncée par le titre.
Ahmadou Ahidjo a-t-il été à la hauteur du bati et de la perspective historique ? Paul Biya à son tour est-il à la hauteur du bâti et de la perspective historique ? Et, au cas où se serait l'un d'eux pour 2025, Maurice Kamto, Cabral Liibi et Joshua Osih seront-ils à leurs tours à la hauteur du bâti et de la perspective historique pour la prochaine présidentielle ? Pour l'avenir du Cameroun, c'est maintenant que nous devons nous poser ces questions car comme dit l'adage, qui veut aller loin doit non seulement connaître son point de départ et préparer son voyage, mais il doit aussi ménager sa monture.
AHMADOU AHIDJO
Contrairement à ce que pensent ceux qui comparent sa gestion des affaires non seulement à celles de ses pairs africains, mais surtout à celle peu reluisante de Paul Biya, son successeur à la tête de l'État camerounais, Ahmadou Ahidjo, qui a été dans une certaine mesure à la hauteur du bâti, n'a par contre pas été à la hauteur de la perspective politique historique. Le bâti en 1960 avait deux versants.
Le premier portait concrètement d'abord sur la gestion ponctuelle de la situation de guerre civile qui était née de la contradiction antagonique qu'il y avait entre, d'une part, les partisans du maintien de l'ordre colonial, et, d'autre part, les patriotes de l'UPC et des forces politiques alliées, favorables à la rupture. Et, à l'issue immédiate de ce douloureux évènement dont le dénouement fut malheureusement favorable aux réactionnaires, dans le deuxième temps, l'autre versant du bâti portait sur la gestion comptable, administrative et matérielle concrète de la nouvelle entité politique.
Une entité qui de ce fait, ontologiquement parlant, à partir des fonds baptismaux, à cause de sa venue au monde dans des conditions anti-patriotiques, était donc marquée du sceau d'un régime politique néo-colonialiste. Mais, au-delà de l'agenda de l'aménagement infrastructurel du territoire, il y avait également la question de la perspective historique qui elle, posait la problématique du devenir politique du Cameroun.
Dans ce registre en effet, il était plutôt fondamentalement question de la nature de l'indépendance qui allait objectivement conditionner tout le reste de la construction pour ne pas dire de l'édifice Cameroun. Et, à partir donc de ce point de vue patriotique, l'on comprend pourquoi à la suite de la mauvaise manière, et, surtout sur la base négative dont les choses avaient été engagées sur le plan politique historique, le visage désastreux que présente aujourd'hui le Cameroun, avait été annoncé et était prévisible.
PAUL BIYA
Le chef de l'État actuellement en poste est-il où plutôt même aura-t-il été à la hauteur du bâti et des enjeux de la perspective politique historique, puisque son mandat va bientôt prendre fin en 2025, et qu'une nouvelle élection présidentielle dont on ne peut préjuger ni des résultats, ni de sa candidature, va être organisée en octobre de la même année ? Pour répondre à cette question, nous disons non, il ne l'a pas été, et nous le disons pour ce qui concerne les deux tableaux que sont bâti et la perspective politique historique.
En effet, et d'abord sur le plan de la gestion pure du bâti, il n'a pas été malheureusement un bon manager parce que tout le monde sait que gouverner c'est non seulement prévoir, mais c'est aussi décider, exécuter ou le faire faire, contrôler, et sanctionner enfin, lorsque ça n'a pas été fait. Paul Biya n'a jamais été un praticien et un adepte de ces règles qui fondent pourtant l'abécédaire de la bonne direction de toutes les affaires humaines.
Il a malencontreusement privilégié la gouvernance par embuscade et par délégation dans un pays qui est pourtant encore en réalité comme un arbrisseau ayant besoin d'un tuteur pour pousser droit et haut. Un pays où la gouvernance par procuration et par hautes instructions ne devait pas avoir lieu et ne pouvait pas se révéler être autre chose qu'une incongruité et un non sens politique.
Et sur le plan de la perspective politique historique non plus, il ne pouvait pas être l'homme de la situation compte tenu des conditions de son arrivée au pouvoir. Il n'était donc pas question en dehors de l'enjeu conjoncturel d'une bonne gestion comptable et administrative des affaires courantes du bâti, qu'on attende qu'il fasse des miracles sur le plan plus complexe de la vision et de la perspective politiques au sens historique des deux termes.
MAURICE KAMTO, CABRAL LIIBI, JOSHUA OSIH
Au cas où le choix des Camerounais se porterait sur l'un de ses trois présidentiables, seront-ils à la hauteur des enjeux du bâti ou de la perspective politique historique ? La réponse à cette question commande que l'on commence d'abord par inverser les termes de la problématique. Plutôt que de parler des hommes en premier dans ce cas, et de faire dépendre tout le reste à l'aune de ce qu'ils valent, il faut parler de la mission qu'ils vont être appelés à remplir et voir pourquoi ils seraient capables ou non de le faire. Cette mission présente un volet politique et historique, et un volet individuel qui relève de la capacité managériale.
Et sur le plan managérial, elle soulève la question de la compétence des impétrants à être conjoncturellement capable de gérer les affaires comptables , matérielles et administratives du pays. Nous avons objectivement aucune raison de préjuger de l'incapacité des trois hommes a pouvoir bien mener cet aspect des choses à bon terme. Sur le plan de la perspective politique historique par contre, où il s'agit de sortir des sentiers politiques jusqu'ici battus pour résolument engager le Cameroun dans la voie de la véritable indépendance qui pourrait même objectivement déboucher si cela était vraiment nécessaire, à la rupture avec l'Occident, l'Orient et l'Asie, l'on pourrait par contre en douter.
Non pas comme nous le disions plus haut, pour les aptitudes intrinsèques des uns et des autres, mais à cause des exigences draconiennes souverainistes et patriotiques que requiert la noble mission à accomplir. En effet, il y a le problème de la mission à découvrir, mais il y a aussi concomitamment le problème des hommes qui doivent objectivement être à la hauteur de la remplir. Le premier terme de ce duo ne va pas sans le second et inversement.
C'est pour cela que l'on s'interroge plutôt sur les dispositions politiques et la volonté réelles de pouvoir changer la donne systémique de l'État néo-colonial, que sur les compétences managériales de ces trois hommes qui à notre connaissance n'ont sur le plan pratique des choses pas eu dans le passé, ni des accointances, ni de la proximité assumées et avérées, avec le camp patriotique.
Et qui plus est, après Paul Biya, n'auront toujours pas participé directement à la lutte initiale, ni à sa poursuite par ses héritiers de l'UPC. Des hommes qui devraient porter sur leurs épaules la lourde charge de redresser le Cameroun qui est non seulement complètement et absolument dans un état matériel et moral de délabrement caractérisé et avancé, mais qui traverse également de nouveau, après les dramatiques évènements politiques qu'il a connu dans les années 1950-1960 au moment de son accession à l'indépendance, non seulement sur le plan politique, mais également sur le plan économique et social, une nouvelle forte zone de turbulences.
LA NÉCESSITÉ D'UNE TRANSITION POLITIQUE APRÈS PAUL BIYA
Après tout ce qui précède qu'elle est donc la solution, pourrait-on où devrait-on nous demander ? La solution à notre humble avis devrait être trouvée par l'ensemble des Camerounais de tous les horizons politiques, civils et confessionnels, dans une concertation qui doit nécessairement ouvrir après le départ de Paul Biya en 2025, l'instauration d'une TRANSITION POLITIQUE au Cameroun.
Et pourquoi l'impérieuse nécessité de cette transition politique que préconisait déjà en 2016 l'émérite et regretté Cdt Kissamba qui se porta même pour cela candidat à la présidentielle de 2018 ? Tout simplement parce que le "common good sense" si cher à nos compatriotes d'expression anglaise, voudrait que lorsque l'on est mal parti comme cela a été le cas pour le Cameroun en 1960, à la suite de la mise en place d'un régime dont par définition le rôle central n'était que de perpétuer l'ordre colonial, et, qu'ensuite pendant plus de 60 ans, l'on a mal conduit la gestion de cet anachronisme, la moindre des choses et le bon sens pratique de ces dernières commandent que l'on s'arrête pour faire au moins un bilan d'étape, avant de reprendre ensuite la route pour un nouveau cycle et un nouveau départ.
Et au demeurant, la transition qui s'impose à tous et que nous préconisons, ouvrira au Cameroun et à ses populations, tous les champs du possible. Elle n'interdit rien à personne, et permet tout même à ceux qui n'ont pour seule et unique ambition que de simplement gouverner dans le sens d'une alternance et non pas dans celui d'une alternative politique. Rien n'étant écrit d'avance, tout se décidera pendant cette période dont nous définirons ensemble les attendus et la temporalité.
Et comme nous nous acheminons inexorablement vers la fin de l'année 2023 pour amorcer 2024 qui annonce enfin 2025, l'année du grand tournant que pourrait prendre le Cameroun, pour la fête de la Saint Sylvestre, je souhaite à tous les citoyens du monde qui me feront encore cette fois le grand honneur de me lire, une très bonne et belle année 2024 !!!