Comores: Réforme de la justice et de la Constitution, autorité de l'Etat, Daoudou Abdallah Mohammed présente son «projet alternatif»

interview

Aux Comores, l'élection présidentielle se tiendra le 14 janvier prochain. Avant cette échéance, RFI débute une série d'interviews avec les six candidats engagés dans ce scrutin. Après Daoud Halifa, mandataire et porte-parole du candidat Bourhane Hamidou, hier, nous recevons Daoudou Abdallah Mohammed, leader du parti Orange. Déjà candidat en 2018, ancien ministre de l'Intérieur de 2016 à 2021, Daoudou Abdallah Mohammed présente les points au coeur de son programme : la restauration de l'autorité de l'État, une réforme de la justice et de la Constitution.

RFI : Pourquoi vous présentez-vous à la présidence de l'Union des Comores ?

Daoudou Abdallah Mohamed : Vous savez, en tant que président d'un parti politique, j'ai le devoir de me présenter parce qu'un parti politique doit être présent dans chaque combat démocratique. Mais également, la situation, socio-économique et politique du pays et la gouvernance ont fait qu'aujourd'hui, je suis obligé de me présenter. Quand on regarde, notre pays est déchiré, très polarisé, aussi la vie est chère, l'absence de perspectives pour les jeunes, parce que le chômage des jeunes est très très très élevé. En l'absence de solutions adéquates et de perspectives pour ces jeunes, je pense qu'en tant que responsable politique, j'ai le devoir de présenter un projet alternatif face à cette situation, par rapport à la mauvaise gouvernance actuelle.

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Quelles sont les deux priorités de votre programme ?

D'abord, dans un premier temps, ma priorité, c'est d'unifier le pays, réconcilier tous les Comoriens, parce qu'ensemble, c'est là où on pourra travailler pour développer le pays et répondre aux préoccupations de nos concitoyens. Nous devons, en premier lieu, lutter contre la vie chère, maîtriser cette inflation qui est galopante, réformer notre système fiscal, permettre à nos opérateurs économiques de travailler et faire travailler aussi les jeunes. Il y a aussi des points très importants qu'il faut revoir : restaurer l'autorité de l'État, avec une justice équitable pour tous. Ça aussi, c'est très important pour nous, mais également, parmi nos premières mesures, c'est d'oeuvrer avec des partenaires sociaux, notamment ceux de l'éducation, pour que les enfants reprennent l'école. On ne peut pas aujourd'hui accepter que dans un pays, ça fait déjà plus de trois-quatre semaines, voire un mois, que les écoles sont fermées. Pendant ce temps, rien n'est fait.

Et quelle sera votre priorité immédiate en cas de victoire ?

Déjà, je veux dire que la victoire, ce n'est pas qu'en cas de victoire. Moi, je ne doute pas, parce qu'on a bien travaillé, les Comoriens ont confiance, espèrent que parmi les premières mesures qu'on va prendre, c'est d'abord de lutter contre la cherté de la vie, c'est une chose. Valoriser le pouvoir d'achat, revaloriser les pensions de retraite parce que, vous savez, aujourd'hui, les pensions vont jusqu'à 13 000 francs comoriens, l'équivalent de 26 euros. Vous croyez qu'avec 26 euros on peut vivre dans ce pays ? Donc nous allons travailler et faire en sorte que les pensions de retraite soient revalorisées, et aussi, nous allons indexer les pensions sur l'inflation : à chaque fois que ça augmente, ça va suivre. Il y a aussi des mesures très importantes que nous allons faire, c'est de voir comment réconcilier nos concitoyens et puis, faire en sorte que tous les exilés politiques rentrent au pays.

Êtes-vous satisfait du rapport entre la France et les Comores ?

Je pense que nous devons essayer de revoir et de renforcer notre coopération avec notre partenaire historique et faire en sorte qu'aujourd'hui, les Comores puissent aborder les vrais sujets, les grands enjeux, notamment sur la zone indo-océanique, l'Afrique australe aussi, l'Indo-Pacifique. Pourquoi ? Parce qu'avec notre partenaire historique, on peut travailler pour aborder ces enjeux-là, parce que c'est vrai que ce qui se passe ailleurs a toujours des répercussions par ici, donc nous devons ensemble travailler par rapport à ces enjeux-là, au lieu de rester dans une diplomatie de mendicité qui ne répond pas aux préoccupations de nos concitoyens. Nous devons donc nous diriger vers une diplomatie économique et de développement améliorée, et voire même revue dans certains domaines.

Vous avez été ministre de l'Intérieur du président Azali durant cinq ans, quelles sont les raisons de votre rupture ?

Je remercie le président de m'avoir intégré dans son équipe. On a beaucoup travaillé, on a fait beaucoup de choses pour le bien de notre pays, toutefois, on est en politique : à partir du moment où il y a des divergences de vues, il est tout à fait normal et naturel, en tant qu'homme politique, de prendre une décision et c'est le choix de notre parti. Nous avons une vision, un projet, qui n'étaient pas compatibles par rapport à la gouvernance de ce pays. Le président nous a remerciés et aujourd'hui, nous sommes dans une opposition démocratique, mais pas dans une opposition systématique. C'est très important de le remarquer, et nous avons un projet alternatif qui pourra répondre aux préoccupations de nos concitoyens. Ça, c'est ce que je peux vous dire. Nous avons quitté la mouvance présidentielle, ça fait déjà plus de trois ans, donc je ne vois pas pourquoi aujourd'hui, à chaque fois, cette question revient toujours, parce que nos actions sur le terrain, nos actions par rapport aux affaires du pays, notre position est claire.

Êtes-vous pour ou contre le maintien de la présidence tournante ?

Cette tournante, dans un premier temps, assure une certaine stabilité, mais le fait de la prolonger de dix ans, moi je trouve que ça ne peut pas marcher, ça ne peut pas continuer. Donc nous devons revoir la Constitution, supprimer certaines institutions et en créer d'autres, toutefois, en gardant le principe de la tournante pour préserver l'unité nationale, ça, c'est très important. Maintenant, le débat viendra. Nous allons consulter les Comoriens dans ce sens, mais, à mon avis, dans notre projet, cet aspect a été pris en compte.

Quelles conditions demandez-vous pour garantir la transparence et la sincérité des élections ?

Moi, je pense qu'aujourd'hui, nous devons vraiment nous pencher sur la sécurisation, parce qu'il y a un défi majeur pour sécuriser ces élections. D'un côté, il y a ceux qui ne veulent pas que ces élections aient lieu, mais nous autres, nous estimons aussi qu'en politique, la seule chose qui peut faire changer un régime, c'est par les urnes, donc les élections doivent avoir lieu. Et la présence des forces de l'ordre... Moi, je ne suis pas contre les forces de l'ordre, mais nous devons vraiment discuter et trouver une alternative, parce qu'aujourd'hui, tous les rapports montrent que les forces de l'ordre doivent être quand même à l'écart de ce processus. Le président lui-même a dit que les forces de l'ordre, notamment les militaires, seront cantonnés dans leur caserne. Maintenant, nous devons travailler pour trouver une alternative. Est-ce que ce sont les gendarmes et les policiers non armés ? Mais ça ne peut pas se faire tant qu'on ne s'est pas réunis autour de la table pour (sérieusement) étudier cette question, parce qu'elle est très importante.

L'ordre public doit être maintenu, ça c'est une chose. Les élections doivent être sécurisées aussi, mais il faudra aussi penser que quelque part, il y a des rapports qui ont fait des recommandations par rapport au comportement des forces de sécurité lors des dernières élections, raison pour laquelle nous devons nous réunir pour trouver une alternative sans pour autant entraver le travail des professionnels, parce que nos militaires sont professionnels, ils font du bon travail, sauf qu'en période électorale, il y a des situations que les personnes ne peuvent pas contrôler, et on ne souhaite pas aujourd'hui qu'ils puissent être impliqués dans cette situation. Il faudra aussi noter que le président de la Céni, moi, je pense qu'il doit se ressaisir, parce qu'au lieu qu'il soit dans une position de conciliation, rassembleur, d'essayer de trouver un consensus pour que le processus se déroule dans de bonnes conditions, il est devenu comme un politique. Je rappelle que, dans une certaine mesure, la loi n'est pas respectée, à commencer par la Céni. Quand on regarde, je pense que si aujourd'hui nous nous réunissons, on peut trouver des solutions autrement, mais on ne peut pas continuer avec une personne pareille qui méprise les gens, qui ne respecte pas les gens. Je pense qu'il y a matière à réflexion sur sa présence au sein de cette institution, si vraiment on veut organiser des élections libres, transparentes et apaisées.

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