Congo-Brazzaville: Le vote mémorable

Ce jour-là, 24 septembre 1992, dans une salle de conférence du Palais des congrès habitée par la hantise de perdre la face, les deux candidats à la présidence de l'Assemblée nationale présentés respectivement par l'Union panafricaine pour la démocratie sociale (Upads) associée en la circonstance à l'Alliance nationale pour la démocratie (AND), et par l'Alliance URD-PCT et Apparentés, se soumettent au vote de leurs collègues députés pour les départager.

Ange Edouard Poungui pour le premier groupement et André Mouélé pour le second incarnent alors la rupture beaucoup trop tôt d'une coalition formée au lendemain de l'élection du président Pascal Lissouba à la tête du Congo, par l'ex-Parti unique, le Parti congolais du travail (PCT) et l'Upads, organisation politique à peine créée mais déjà l'une des principales patronnes du jeu politique dans le pays.

Poungui et Mouélé incarnent aussi le rapprochement spectaculaire entre le PCT et le MCDDI (Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral) dont le dirigeant incontesté n'est autre que Bernard Kolelas. Homme politique controversé, inflexible à sa façon - on ne l'imaginait pas de sitôt accepter de cheminer avec Denis Sassou N'Guesso - représentant il y a encore peu du régime qu'il a contesté sans répit des années durant.

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L'explication de ces revirements est à trouver dans l'idée que chacun des trois leaders se fait des enjeux du moment.

Mis au banc des accusés pendant la Conférence nationale souveraine, le PCT a réussi à se faire désirer en devenant le faiseur de roi par la position d'arbitre que lui ont conféré les résultats du premier tour de l'élection présidentielle de 1992. Longtemps désireux de changer le cours des choix politiques du pays, le MCDDI cherche enfin à montrer de quoi il est capable. Consciente du vent favorable qui souffle en sa faveur désormais, l'Upads entend assumer pleinement son pouvoir.

Vient le moment fatidique du vote à main levée dans l'hémicycle. Une certaine fébrilité est perceptible. Puis le résultat est annoncé. André Mouélé l'emporte sur Ange Edouard Poungui. Le discours politique du moment emprunte à la jurisprudence en invoquant un changement de majorité à l'Assemblée nationale. « La majorité a basculé », dit-on du côté de l'Alliance URD-PCT et Apparentés. Il n'en est pas question, rétorquent l'Upads et l'AND.

C'est cela l'histoire politique de la République du Congo : truffée de tensions parfois paroxysmiques, et ses leaders, des gens qui se connaissent bien, ayant fait l'école ensemble, milité dans les mêmes associations, les mêmes partis, les mêmes majorités et les mêmes oppositions, mais se rendent coup pour coup quand il le faut. Puis reviennent au bon sentiment. On les voit rire à gorges déployées dans des retrouvailles festives, partager la douleur autour d'un être cher disparu qui s'avère être un proche parent au sens bien congolais du terme.

André Mouélé, comme bien d'autres dirigeants l'ayant précédé sur le chemin de l'éternité, comme ceux qui sont en vie et rêvent depuis toujours de bâtir un Congo uni, prospère et fraternel, aura donné sa part d'effort dans ce destin commun. La nation le lui a reconnu et lui a rendu l'hommage qu'il méritait, le 30 décembre. L'ancien président de l'Assemblée nationale était un homme habité par la mesure. Qu'il repose en paix.

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