En 1976, au stade Baressountou de Nkongsamba, j'ai eu la chance d'assister à un match du championnat camerounais, opposant le Canon de Yaoundé à l'Aigle Royal de Nkongsamba. Le stade était littéralement bondé, car quand le Canon jouait, il attirait les foules, toute la ville s'y rendait. Parmi les joueurs légendaires qui se sont produits ce jour-là, on pouvait voir des noms tels que Manga Onguéné, Mbida Arantes, Théophile Abega, Aoudou Ibrahim, Emana Marcos, Mougam Dagobert, mais deux joueurs en particulier captivaient l'attention : Jean Daniel Eboué et Thomas Nkono. Thomas Nkono a regné véritablement de 1976 à 1982 dans le championnat camerounais et au sein des lions indomptables, une période au cours de laquelle il a fasciné non seulement le Cameroun mais toute l'Afrique.
Il y a une élégance particulière dans le football, car il est bien plus qu'un simple sport, c'est un art. Thomas Nkono incarnait ce charisme unique sur le terrain. Personnellement, je n'ai jamais vu un autre gardien dégager une telle fierté corporelle. Il était agile, presque tactile, avec un regard perçant qui semblait anticiper les mouvements des attaquants adverses. Lorsque Thomas Nkono pénétrait sur un terrain de football au Cameroun, même les supporteurs de l'équipe adverse se levaient pour l'ovationner. Son élégance avait le pouvoir de captiver les esprits, et tous les regards se fixaient sur lui. On le voyait rarement sourire, il était calme et serein. Thomas Nkono était avant tout un joueur discipliné, et sa réputation s'est étendue bien au-delà des frontières camerounaises pour conquérir l'Afrique et le monde entier.
Il est souvent comparé à Joseph Antoine Bell, mais avec tout le respect que je peux avoir pour ce dernier, Bell n'arrive pas à la cheville de Thomas Nkono. Même le regretté Ngondjep, coéquipier de Joseph Antoine Bell, affirmait à la télévision nationale de son vivant que le meilleur gardien camerounais de tous les temps était Thomas Nkono. La malchance de Bell dans sa carrière a été la présence de Thomas Nkono. Thomas Nkono était une idole, tandis que Bell était une star. C'est la nuance qu'il faut comprendre. Bell reste l'intellectuel du football par excellence, un véritable visionnaire dans ce domaine. Il a maîtrisé le football de manière scientifique et a montré un talent précoce. Je me souviens l'avoir vu jouer en 1977, toujours à Nkongsamba, où il arrêtait presque toutes les frappes.
C'était sa vocation, mais pour maintenir son niveau, il devait s'entraîner dur. En revanche, Thomas Nkono pouvait se lever au milieu de la nuit et arrêter un tir comme s'il s'agissait d'une simple formalité. Son agilité était incroyable, à tel point qu'il aurait pu arrêter une mouche en plein vol dans ses cages. J'ai souvent lu des commentaires sur la rivalité entre ces deux gardiens, mais je soutiens toujours que ceux qui placent Bell en tête sont soit nés bien après, soit ne croient que le football a commencé à Bordeaux ou à Marseille, où Bell a excellé.
Ce qui m'a le plus touché, c'est le manque de modestie de Bell, qui savait au fond de lui qu'il n'était pas du même calibre que Nkono. Notre atout c'est le fait qu'on avait deux grands gardiens dont l'un pouvait relayer l'autre et cela se passait très bien. Dans l'ensemble, le Cameroun peut se vanter d'avoir produit cinq joueurs exceptionnels au fil des ans : Mbappé Leppé, Roger Milla, Manga Onguené, Thomas Nkono et Samuel Eto'o Fils. Parmi eux, l'apport de Thomas Nkono a été tout simplement colossal, et ce dès le début de sa carrière. À l'âge de 18 ans, il se trouvait déjà sur les terrains, disputant des matchs de coupe de haut niveau.
Il est devenu le gardien de but incontestable des Lions Indomptables, monopolisant ce poste pendant près d'une décennie. Le mérite de Joseph Antoine Bell était qu'il était capable de rivaliser avec Nkono, créant ainsi une saine concurrence qui a profité à l'équipe nationale. Le moment le plus mémorable de la carrière de Nkono reste la qualification du Cameroun pour sa première Coupe du Monde en 1982, une étape historique pour le pays.
Pendant cette compétition, il a été élu meilleur gardien du premier tour, démontrant ainsi son immense talent à l'échelle internationale. Trois moments spectaculaires se sont produits sous mes yeux et restent gravés dans ma mémoire. Commençons par le penalty de Chicha à Kenitra en 1981, lors des éliminatoires de la Coupe du Monde en Espagne. Nous étions branchés sur nos radios.
À la 14e minute, le Cameroun a obtenu un penalty, concrétisé par Kundé, qui s'est révélé être un excellent tireur de penalties. Six minutes plus tard, le Maroc a eu à son tour un penalty, et le tireur marocain était Chicha. Écoutons les mots d'Abel Daniel Anicet Noah : "Finale continentale, penalty pour les Marocains, Chicha -Thomas. Chicha s'avance, il tire, et Thomas Nkono plonge vers la gauche pour repousser le ballon.
Regardez-moi ça, en finale continentale, Thomas Nkono arrête le penalty." C'était un moment mémorable, bien que Nkono ait déjà réalisé cet exploit à Enugu en 1977 et à de nombreuses autres occasions. Ce match a été le premier à être largement médiatisé en Afrique. Un autre arrêt spectaculaire s'est produit cette fois sous mes yeux lors d'un match à Douala. Il s'agissait du match retour contre le Zaïre.
Le joueur Mayelé s'avançait vers le l'aile droite du terrain, Thomas Nkono lui tournait le dos et repositionnait le défenseur Aoudou Ibrahim afin qu'il s'occupe d'un autre attaquant du nom de Kama. Mayelé, croyant surprendre le gardien camerounais, tira, mais Thomas Nkono lança sa main comme s'il essayait d'attraper une mouche qui passait et saisit le ballon et presenta au public.
Le Cameroun menait par 4 buts à zéro et finira par gagner par un score de 6 buts à 1. Je demande à tous ceux qui ont assisté à ce match de se remémorer ce moment incroyable et de m'écrire afin que retrouve d'autres scènes de ce jour. Un dernier souvenir indélébile dans ma tête, remonte à l'année 1979, lors d'un match contre le Dynamo de Douala. Le Dynamo venait de remporter la Coupe du Cameroun devant PWD de Bamenda, qui avait fait beaucoup de bruit cette année-là, mais avait finalement perdu.
Pour évaluer les capacités du Dynamo de Douala, les autorités sportives ont organisé un match amical très engagé, avec des primes alléchantes à la clé. Au cours de ce match, vers la 74e minute, le Dynamo était en retard d'un but à zéro et cherchait désespérément à égaliser.
Deux joueurs du Dynamo, YETNA et Eyobo, se sont retrouvés en face de Thomas Nkono. Yetna avait le ballon et a semblé feinter un tir vers la gauche avant de le passer à Eyobo. À ce moment-là, Thomas Nkono était au sol, mais au moment où Eyobo a tiré en direction des buts, Thomas Nkono s'est relevé et s'est précipité comme un serpent pour attraper le ballon et le ramener à lui.
Le stade s'est levé dans un silence de trente secondes avant d'exploser en acclamations. Thomas Nkono est une légende vivante. Il y a eu tellement d'arrêts de ce genre qu'il est impossible de les dénombrer tous. Le seul gardien camerounais qui a eu les débuts de Thomas Nkono était Idriss Carlos Kameni. Cependant, Carlos Kameni était un passionné du football, mais il n'avait pas la même aura géniale que Nkono. Nous devons toujours avoir du respect pour ceux qui ont marqué l'histoire du football et nous rappeler les exploits incroyables qui ont émergé sous nos yeux. Thomas Nkono restera à jamais une icône du football camerounais et africain. Disons tout court une icône mondiale.