Tunisie: Industries culturelles et créatives | Et si on y investissait ?

3 Janvier 2024

La culture peut être une source importante de revenus pour l'Etat. Il faut le dire, crûment, si on veut attirer les regards vers un secteur, qui a été longtemps relégué aux oubliettes.

La culture rapporte de l'argent parce qu'elle est créatrice de valeur ajoutée. Aujourd'hui, tout un écosystème et toute une économie dite "créative" sont en train de se structurer autour d'industries, connues sous l'appellation "Industries créatives et culturelles". Cependant, le développement de ce type d'activités en Tunisie reste tributaire de réformes visant à moderniser les législations en vigueur et à encourager la consommation culturelle.

Dans une tribune publiée le 19 mai 2011, dans les colonnes du journal Le Monde, un collectif d'acteurs culturels français ont fait le plaidoyer d'une économie mauve, couleur de la créativité et de l'imaginaire. "La culture a cessé d'être un luxe de riches ou un divertissement d'oisifs. Elle irrigue tous les processus de production modernes", ont-ils affirmé. C'est dire que la créativité est devenue partie intégrante de toute activité économique créatrice de forte valeur ajoutée.

De grandes disparités

En effet, les industries créatives et culturelles sont un secteur résilient qui recèle un potentiel illimité. Avec l'accélération du progrès technologique et l'émergence de nouvelles technologies de pointe, elles connaissent actuellement un boom sans précédent, dans la plupart des pays. Alors que le monde était aux prises avec le Covid, une des crises économiques les plus sévères jamais connues, le secteur des ICC, imperturbable, poursuivait sa croissance. D'ailleurs, l'Unesco déclarait l'année 2021, "année internationale de l'économie créative au service du développement durable", soulignant, dans ce même contexte, le caractère moteur du phénomène. "L'économie créative est l'un des secteurs qui connaît des croissances les plus rapides au monde", a affirmé l'organisation internationale.

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Attractives pour les jeunes générations, les ICC sont le secteur qui emploie le plus les travailleurs âgés de 18 à 25 ans. Elles génèrent 2.250 milliards de dollars à travers le monde et offrent des postes de travail pour plus de 30 millions de personnes. C'est aussi un secteur fortement exportateur : en 2020, les services créatifs ont totalisé 21% de l'ensemble des exportations de services dans le monde, représentant ainsi un bond considérable par rapport aux 12% enregistrés dix ans plus tôt. Cependant, derrière ces chiffres se cachent de grandes disparités.

Alors que l'Asie-Pacifique, l'Europe et l'Amérique du Nord cumulent 92% des revenus générés par le secteur dans le monde, les pays d'Afrique, du Moyen-Orient et d'Amérique latine arrivent en queue de peloton. Or, s'il y a bien une réalité que ces chiffres reflètent, c'est à la fois le potentiel inexploité du secteur dans les pays du Sud, mais aussi sa précarité et le caractère informel qui le dominent. Le potentiel est principalement un potentiel créatif, c'est-à-dire l'aptitude à générer des idées créatives.

Mais il peut être aussi inhérent aux atouts et aux spécificités intrinsèques des pays, tels que le patrimoine, le niveau technologique... En ce sens, les industries créatives et culturelles peuvent jouer le rôle de locomotive de croissance pour d'autres secteurs et activités. Par exemple, le tourisme culturel peut être un moteur de développement local, la mode et le design une source de création de valeur ajoutée et de démarcation dans le secteur du textile. Le potentiel est aussi lié à la demande croissante, tirée principalement par la progression continue de la consommation culturelle.

Le potentiel latent du secteur

Forte de sa jeunesse, de son patrimoine, du gisement culturel et créatif qu'elle recèle, la Tunisie dispose de tous les atouts pour faire décoller ce secteur et en faire un moteur de croissance et un secteur pourvoyeur de devises.

Aussi, ayant une longueur d'avance technologique, par rapport aux autres pays de la région, la Tunisie peut profiter pleinement de l'essor des ICC dans le monde, d'autant plus que ses nouvelles générations sont très familiarisées avec les technologies de pointe. Selon une étude réalisée en 2022, les activités culturelles en Tunisie génèrent des revenus de l'ordre de 1,5 milliard de dinars, soit 0,7% du PIB. La filière la plus génératrice de revenus serait la filière «Design et autres services créatifs», contribuant à hauteur de 39% de la taille de marché des ICC. Les résultats de l'étude ont également révélé que le secteur renferme près de 14.000 entreprises employant plus de 70.000 personnes, soit 1,6% de la population active. Même dans l'écosystème des start up, la dynamique des ICC est en train de s'installer.

En effet, les statistiques publiées dans le rapport annuel de Startup Act ont fait ressortir que les industries créatives totalisent 9% des startup labellisées et 7% des structures d'accompagnement de l'écosystème. Bien que ces chiffres puissent évoluer, ils mettent en exergue la prépondérance de l'informel dans la plupart des filières ICC. Car, 56% des emplois sont non déclarés et le tiers des chiffres d'affaires culturels sont réalisés dans l'informel. Mais le secteur, en raison de sa fragilité, n'arrive pas toujours à attirer les grands investissements et les financements bancaires. C'est pourquoi des réformes visant à moderniser les législations en vigueur et à encourager la consommation culturelle sont aujourd'hui nécessaires pour activer un potentiel latent.

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