Afrique de l'Ouest: Rejet de l'offre de dialogue direct inter-malien de Goita par le CSP - On fait quoi maintenant ?

Dans son discours de nouvel an, le président de la transition malienne, le colonel Assimi Goïta, a annoncé la mise en place d'un « dialogue direct inter-malien pour la paix et la réconciliation, afin d'éliminer les racines des conflits communautaires et intercommunautaires » et pour « privilégier l'appropriation nationale du processus de paix ». Une offre de dialogue immédiatement rejetée par les séparatistes du Cadre stratégique permanent (CSP) qui y voient « une façon de prononcer la caducité définitive de l'Accord ( de paix d'Alger de 2015) et de mettre la médiation internationale à la porte ».

Une position sans équivoque qui traduit à souhait la volonté des anciens maîtres de Kidal de ne pas « prendre part à un processus de paix qui ne sera qu'un simulacre ». Le moins que l'on puisse dire, c'est que la crise de confiance persiste entre Bamako et les groupes séparatistes du Nord, chassés, dans les conditions que l'on sait, de leur bastion de Kidal qui passait pour être une citadelle inexpugnable, mais qui refusent encore de rentrer dans la République en s'arcboutant à leurs revendications. Autrement, comment comprendre ce rejet catégorique de la main tendue de Bamako, avant même que les contours du dialogue direct proposé par le chef de l'Etat, n'aient été dévoilés ?

Les Maliens gagneraient à jouer la carte de la modération

A leur décharge, le timing de la sortie du président de la transition malienne, ne paraît pas anodin. Car, elle intervient dans un contexte où Bamako est en position de force, après la prise de Kidal qui est loin d'être une victoire symbolique, avec la mise en déroute par les forces combattantes des séparatistes qui ont dû trouver refuge ailleurs. Et dans ce contexte de montée de tensions entre Bamako et Alger, on se demande si cette offre de dialogue direct inter-malien ne cache pas une volonté de Bamako de récuser le médiateur algérien.

De ce point de vue, on pourrait aussi nourrir des appréhensions sur la qualité du dialogue, si les autorités de la transition ne devaient pas jouer la carte de l'inclusivité et de la transparence jusqu'au bout, en choisissant de mettre certains acteurs hors-jeu. Dans le même temps, à quoi servirait un tel dialogue sans la participation des principaux protagonistes ? C'est dire si de quelque côté que l'on se situe, les Maliens gagneraient à jouer la carte de la modération, de la franchise et de la sincérité s'ils veulent se donner des chances de sortir de la situation de crise permanente qui n'est pas loin d'hypothéquer les actions de développement de leur pays.

C'est en cela qu'un dialogue direct paraît toujours mieux indiqué qu'une médiation, pour autant que la démarche soit empreinte de sincérité. C'est pourquoi on se demande à quel jeu jouent les séparatistes du Nord et à quoi répond ce refus catégorique du CSP ? On peut aussi se demander quelles pourraient en être les conséquences. Cela amènera-t-il Bamako à revoir sa copie ? Ou bien les autorités de la transition choisiront-elles de faire sans les séparatistes du Nord ? La question est d'autant plus fondée que des situations du genre sont légion sous nos tropiques où les plus forts du moment choisissent souvent d'en faire à leur tête.

Il est temps de crever l'abcès

Mais le Mali ne doit pas tomber dans le piège d'un pseudo-dialogue qui, non seulement ne la résoudrait pas, mais contribuerait à faire perdurer la profonde crise que traverse le pays depuis de longues années. Et tôt où tard, le problème va resurgir. C'est pourquoi il est temps de crever l'abcès et il convient que chacun accepte de mettre de l'eau... dans son thé, pour donner une vraie chance à la paix.

Car, comme le dit l'Ecclésiaste, il y a un temps pour tout : un temps pour la guerre et un temps pour la paix. Et s'il est vrai que toute guerre finit toujours autour d'une table de négociations, plus tôt les Maliens se retrouveront sous l'arbre à palabres, mieux cela vaudra. En tout état de cause, même sans le paraître a priori, cette offre de dialogue direct inter-malien du locataire du palais de Koulouba, pourrait traduire la réalité que Bamako est consciente que la seule victoire militaire sur Kidal ne suffit pas. Et qu'il y a nécessité de se parler pour trouver un modus vivendi dans le but de mieux faire face aux forces du mal.

Et dans le cas d'espèce, il faut craindre qu'en tournant le dos au dialogue en refusant ce qui s'apparente à une main tendue de Bamako, les séparatistes du Nord ne se voient eux-mêmes in fine assimilés à la vermine qui terrorise le pays et donne du fil à retordre aux forces armées maliennes, et traités comme tels. Toute chose qui ne ferait qu'en rajouter à la complexité d'une crise qui n'a hélas su trouver, en huit ans, la solution dans les accords de paix d'Alger. Mais maintenant qu'ils ont clairement exprimé leur rejet, on fait quoi ?

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