La décision était d'autant plus attendue qu'elle pouvait sceller définitivement le sort de Ousmane Sonko, candidat à la présidentielle du 25 février prochain.
Et elle est tombée hier, 4 janvier 2024 au Sénégal où la Cour suprême devait se prononcer sur le pourvoi en cassation de l'opposant, suite à sa condamnation en appel, en mai dernier, à six mois de prison avec sursis dans le procès en diffamation intenté à son encontre par le ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang. Une ordonnance qui, en elle-même, était déjà potentiellement lourde de conséquences pour le truculent maire de Ziguinchor dont les ambitions présidentielles tenaient au fil de cette décision judiciaire.
Toujours est-il que l'audience qui s'est ouverte en l'absence du prévenu mais en présence des avocats des deux parties, cristallisait toutes les attentions au Sénégal, au regard des enjeux pour le jeune opposant qui jouait son avenir politique à court terme, dans ses différents feuilletons judiciaires qui tiennent en haleine le pays depuis plus de deux ans.
La question qui se pose à présent, est de savoir si Ousmane Sonko pourra encore rebondir. La question est d'autant plus fondée qu'au-delà de la décision de la Cour suprême dans le procès pour diffamation, Ousmane Sonko qui a pu déposer son dossier de candidature à la présidentielle du mois prochain dans les conditions que l'on sait, n'est pas encore au bout de ses peines.
Ousmane Sonko est loin d'être maître de son destin
Car, tant qu'il n'y aura pas de verdict définitif dans ses dossiers judiciaires qui restent pendants devant la Justice, le natif de Thiès sera toujours un candidat en sursis. Or, dans le cas d'espèce, outre le procès pour diffamation qui vient de connaître son épilogue et l'affaire Adji Sarr qui attend encore d'épuiser tous les recours, le prisonnier de Cap manuel fait l'objet d'une troisième procédure judiciaire qui lui a valu d'être interpellé et écroué le 31 juillet dernier et dans laquelle il est poursuivi pour pas moins de huit chefs d'inculpation dont ceux d'« appel à insurrection et complot contre l'autorité de l'Etat ».
C'est dire si Ousmane Sonko est loin d'être maître de son destin. Pris qu'il est dans l'engrenage de multiples procédures judiciaires qui apparaissent comme autant d'épées de Damoclès pouvant ruiner ses espoirs de se retrouver dans les starting-blocks de la course à la succession de Macky Sall à tout moment. Et puis, last but not least, il y a l'étape cruciale du Conseil constitutionnel qui doit valider en dernier ressort les candidatures à la magistrature suprême.
Mais au regard des différents blocages qui n'ont pas manqué sur son chemin aussi bien pour le retrait des fiches des parrainages que pour le dépôt de sa caution, malgré la décision de la Justice ordonnant sa réintégration dans le fichier et sur les listes électorales, il y a des raisons de croire que la validation de sa candidature est encore loin d'être définitivement acquise. Et tout porte à croire qu'au-delà de ses déboires judiciaires et malgré le soutien de ses partisans fieffés, il a toute une base électorale à reconstruire.
L'égérie de la jeunesse sénégalaise doit savoir tirer leçon de sa propre histoire pour mieux se projeter dans l'avenir
C'est donc, quoi qu'on dise, un Ousmane Sonko lessivé par les procédures judiciaires et pour le moins quelque peu affaibli au niveau du potentiel de sa base électorale en raison de la désolidarisation des autres leaders de l'opposition de son combat, qui a peu de chances de voir son rêve de succéder à Macky Sall au palais présidentiel, devenir une réalité.
Mais autant il peut paraître un exemple de courage qui aura su faire face à l'adversité dans la dignité, autant l'égérie de la jeunesse sénégalaise doit savoir tirer leçon de sa propre histoire pour mieux se projeter dans l'avenir aussi longtemps que la flamme de sa volonté de présider un jour aux destinées de son pays, restera allumée en lui.
Car, s'il avait pour lui la fougue de sa jeunesse et son discours de rupture qui faisaient de lui le candidat idéal aux yeux de nombreux Sénégalais, avec le recul, force est de reconnaître que le principal opposant à Macky Sall aura surtout péché dans sa stratégie. Une tactique de victimisation qui s'est plutôt retournée contre lui, dès lors que le chef de l'Etat a solennellement renoncé à briguer le troisième mandat dont on lui prêtait l'intention et qui fondait la colère de nombre de ses compatriotes et la fronde de l'opposant contre la Justice de son pays.
Mais comme nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes, tout porte à croire qu'Ousmane Sonko a joué et a perdu. En tout état de cause, force est restée à la loi. Et cela est à l'honneur de la Justice sénégalaise qui se sera donné les moyens de rester à la hauteur du défi de ces procès aux relents politiques.