La Cour suprême a confirmé jeudi 4 janvier la condamnation prononcée en mai dernier par la Cour d'appel à six mois de prison avec sursis pour diffamation face au ministre du tourisme Mame Mbaye Niang. L'opposant ne pourra pas se présenter à l'élection présidentielle du mois prochain, même si sa défense garde l'espoir d'une contre-attaque.
Le délibéré de la cour suprême est tombé tard dans la soirée, peu avant minuit, après près de 12 heures d'audience au cours desquelles les avocats des deux parties ont longuement plaidé pour leurs clients, qui n'étaient pas présents.
Les avocats d'Ousmane Sonko - 13 au total - ont d'abord plaidé une exception d'inconstitutionnalité, c'est-à-dire qu'ils ont demandé à ce que la Cour suprême se dessaisisse de l'affaire en faveur du Conseil constitutionnel.
Ils ont ensuite demandé une cassation de l'arrêt de la cour d'appel du 8 mai, avançant de nombreux vices de procédure. Comme une citation à comparaître que leur client n'aurait pas reçue.
Des arguments repris en partie par l'avocat général qui était en faveur d'une cassation de la condamnation, mais rejetés par le juge qui a donc maintenu la condamnation d'Ousmane Sonko à 6 mois de prison avec sursis et 200 million de francs CFA de dommages et intérêts. Et qui a également rejeté l'exception d'inconstitutionnalité.
L'enjeu de cette journée, c'était bien sûr l'éligibilité de l'opposant. L'un de ses avocats avait même parlé de « balle de match ». Selon ses avocats et le code électoral, cette condamnation définitive rend Ousmane Sonko inéligible pour cinq ans. Il ne pourra a priori donc pas se présenter à l'élection présidentielle du 25 février et devrait être retoqué par le Conseil constitutionnel.
La déception de la défense
Ousmane Sonko avait été condamné en appel à une peine de six mois de prison avec sursis pour diffamation et injure publique envers Mame Mbaye Niang. Le maire de Ziguinchor avait publiquement accusé l'actuel ministre du Tourisme d'avoir été épinglé dans un rapport de l'Inspection générale d'État pour des détournements présumés.
Le leader des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (Pastef), âgé de 49 ans, troisième lors de la présidentielle de 2019, avait été condamné en mars 2023 en première instance à deux mois de prison avec sursis et 200 millions de francs CFA (environ 300 000 euros) de dommages et intérêts. Dans une autre procédure, Ousmane Sonko a été déclaré coupable le 1er juin de « corruption de la jeunesse » et a été condamné à deux ans de prison ferme.
À la sortie de l'audience, c'est la déception pour les avocats d'Ousmane Sonko, d'autant qu'avant le délibéré de la cour, ils avaient eu de l'espoir en entendant les réquisitions de l'avocat général. « Je suis très déçu. Tout le monde a suivi les réquisitions du ministère public, et ces réquisitions tendaient à la cassation totale de tout l'arrêt pour des manquements graves à la loi », enrage Me Ciré Clédor Ly.
Du côté des conseils de Mame Mbaye Niang, on se dit « très satisfaits » que l'arrêt de la cour d'appel reste quasiment inchangé. « Vous avez vu qu'énormément de questions juridiques ont été posées. Les juges ont répondu à toutes les questions soulevées. Finalement, tout a été confirmé, sauf la contrainte par corps, qui veut que quand la personne ne paie pas, on la met en prison. Tout est confirmé, donc nous sommes heureux », réagit Me El Hadji Diou, l'avocat de Mame Mbaye Niang.
Ce petit élément ne remet pas en cause la condamnation à six mois de prison avec sursis, qui était la clé de voûte pour l'éligibilité d'Ousmane Sonko. Et même si sa défense reconnaît que la peine équivaut à une radiation des listes pour cinq ans, elle croit à une contre-attaque. « L'article 34 du Code pénal dit que les cas d'incapacité, en cas de délit, c'est la juridiction du jugement qui la prononce ou bien l'en dispense. »
Ses proches veulent aussi rester combatifs et disent croire coûte que coûte à une candidature à la présidentielle de leur leader, comme El Malick Ndiaye, responsable de la communication du parti dissous Pastef : « C'est un sentiment d'injustice, de persécution, d'acharnement sur le chef de l'opposition. Ils ont montré aujourd'hui au monde entier que tout ce qu'ils cherchaient à avoir, c'est une condamnation pour éliminer Ousmane Sonko, favori de la course présidentielle. Mais c'est peine perdue parce qu'Ousmane Sonko a déjà déposé sa candidature qui ne souffre d'aucune irrégularité. Il y a toujours des actions à mener. Normalement, le dossier doit revenir jusqu'à Ziguinchor, donc la procédure n'est pas encore finie. »
Le Conseil constitutionnel publiera la liste définitive des candidats à l'élection le 20 janvier.